Depuis quelques semaines, la dernière maladie à la mode dans les médias, ce sont les cancers oropharyngés liés au VPH. Alors, je vous rappelle que le VPH, ou papillomavirus, est cette famille de virus sexuellement transmissibles, bénins dans leur immense majorité, dont certains contribuent à l’apparition d’un cancer du col de l’utérus.
Ils sont arrivés au premier plan parce qu’il y a quelques années, des industriels ont commencé à attirer l’attention des femmes et des pouvoirs publics sur les cancers du col et sur la perspective de « vacciner contre le cancer ».
La commercialisation de 2 vaccins, Gardasil et Cervarix, a donné lieu à des campagnes de vaccination massives auprès des adolescentes et des jeunes femmes des pays développés - sauf, singulièrement, en Finlande (par ailleurs, le pays le moins corrompu au monde, d’après des organismes indépendants), car le dépistage par le test Pap est si fiable, que le cancer du col a disparu; les autorités finlandaises ont donc conclu que le vaccin était superflu, surtout en l’absence de données convaincantes sur son innocuité.
La vaccination contre le VPH est hautement discutable, comme l’a montré un livre récent signé par un gynécologue et une journaliste suisse, le Dr Jean-Pierre Spinosa et Catherine Riva, car les fabricants n’ont pas montré qu’il prévient le moindre cancer. Ils ont juste montré… qu’il immunise contre 2 virus potentiellement cancérigènes. Ce qui est mince.
De plus, les cancers du col sont causés par de nombreux cofacteurs autres que le VPH, ce qui explique qu’ils sont bien plus fréquents (et frappent majoritairement) dans les pays en développement.
De plus, la description d’un nombre croissant d’accidents vaccinaux au vaccin contre le VPH a montré qu’il ne s’agit pas tout à fait d’un vaccin sans effets secondaires (comme ça nous l’était dit par les industriels).
Les résistances de la population et de nombreux scientifiques à la vaccination contre le VPH et les critiques scientifiques se multiplient de manière si importante, que l’industrie a cherché des moyens d’élargir ses indications. D’abord, elle a suggéré qu’il fallait vacciner les garçons, qui transmettent le virus (et donc, rendent les femmes malades, ces sagouins!), mais n’en souffrent pas. À mon humble avis, il aurait été plus logique (et plus économique, sur le plan de la santé publique) d’interdire purement et simplement tout rapport sexuel à la population, mais on m’a dit que ça n’aurait pas remporté le succès escompté. Je me demande pourquoi.
Les cancers oropharyngés
Comme la vaccination des garçons se justifie encore moins que celle des filles (des effets secondaires inconnus pour un intérêt discutable, ça ne peut pas vraiment remporter l’adhésion des parents), la nouvelle vague de persuasion repose sur… les cancers oropharyngés.
Suivez bien la logique : chez les personnes qui ont un cancer oropharyngé, on trouve des traces de VPH. Donc, les VPH doivent contribuer aux cancers oropharyngés, comme ils contribuent aux cancers du col. Or, le nombre de cancers oropharyngés « explose » (disent les médias)… chez les hommes, probablement en raison de l’évolution des moeurs et de la « généralisation » de la sexualité… orale. Évidemment, il serait inopérant de déconseiller la fellation ou le cunnilingus. Mais heureusement, nous avons déjà un vaccin contre le VPH! Et voilà comment on va pouvoir inciter filles ET garçons à se faire vacciner. C’est pas beau, ça???
Seulement, cette belle logique, spectaculaire et surmédiatisée, ne tient pas la route. D’abord, les cancers oropharyngés (en particulier des glandes salivaires) sont très, très rares. Même leur « explosion » est toute relative et les pourcentages (de 22 % à 51 %! ) en eux-mêmes ne veulent rien dire quand on sait quels chiffres réels ils cachent. En effet, d’après le très sérieux British Medical Journal, aux États-Unis, entre 1999 et 2006, l’incidence de ces cancers, chez les hommes (ah, donc, ce sont eux surtout qui sont concernés par le sexe oral? C’est bizarre, non?), a augmenté de 22 % - c’est-à-dire que le nombre de cas est passé de 1,53 à 1,87 cas pour 100 000 hommes! Au Royaume-Uni, entre 1989 et 2006, elle a augmenté de 51 % chez les hommes et elle passée de 7 à 11 cas pour 100 000 hommes. Quatre cas de plus par an au bout de 15 ans, on ne peut donc pas vraiment parler d’une épidémie…
De plus, ici encore, on oublie que les 2 facteurs les plus importants de cancer sont la consommation d’alcool et de tabac (bien plus élevée chez les hommes que chez les femmes…), bien avant les relations sexuelles orales. Les facteurs environnementaux, comme la pollution, les additifs alimentaires et les pesticides ne sont pas pris en compte. (Le sexe de notre partenaire est loin d’être ce qui nous passe le plus souvent par la bouche, si vous me permettez cette image…)
Et donc, quand on regarde les choses calmement, encore une fois, à qui profite une information de santé spectaculaire (cancers en augmentation!), culpabilisante (c’est le sexe incontrôlé!) et destinée à nous faire peur, quand on ne regarde pas ce qu’elle recouvre exactement?
Elle profite toujours à ceux qui ont quelque chose à nous vendre.
Martin Winckler (Marc Zaffran, M.D.)
Suggestions de lectures :
> Gardasil, un vaccin pour rien? Dossier sur le site de Protégez-Vous : www.protegez-vous.ca
> La piqûre de trop? Dr Jean-Pierre Spinosa, Catherine Riva, éditions Xenia 2010
> Oropharyngeal carcinoma related to human papillomavirus / H. Mehanna et all. - British Medical Journal, 25 mars 2010 - BMJ 2010;340:c1439.