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Chocolat

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Chocolat Empty Chocolat

Message  verié2 Jeu 4 Fév - 10:03

Faire sortir de l'oubli ce personnage de clown noir, ancien esclave, était une excellente idée pour nous rappeler que la "France des lumières et des belles valeurs républicaines" revient de loin. Le mépris paternaliste avec lequel on trait les "gens de couleurs" à la belle époque des colonies méritait d'être rappelé. L'exposition coloniale où l'on parquait les indigènes comme des bêtes fait partie des séquences choc de ce film qui évoque par certains aspects La Vénus noire. Certains critiques ont trouvé que ce tableau du racisme bien de chez nous était un peu lourd, pourtant il est très certainement en deça de la triste réalité. Quand Chocolat est représenté en singe sur des affiches publicitaires, on ne peut s'empêcher de penser aux caricatures de Taubira dans la presse d'extrême droite et dans Charlie. Le film est porté par Omar Sy, mais tous les autres comédiens sont excellents eux aussi. En revanche, la reconstitution historique manque un peu d''ampleur et certains épisodes sont assez convenus, telles les relations du héros avec le milieu du jeu. Les scènes de cirque, sans doute incontournables, sont répétitives et ne nous font guère rire aujourd'hui, sinon aux dépens des spectateurs que cela semblait amuser follement. Chocolat n'est sans doute pas un chef d'oeuvre mais constitue à la fois un agréable spectacle et une piqure de rappel.

verié2

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Message  gérard menvussa Jeu 4 Fév - 13:43

Je n'ai pas vu le film, mais j'ai lu le livre de Gérard Noiriel dont le film est parait il tiré. Or c'est un peu plus complexe que ce que tu a l'air de le présenter.

Gérard Noiriel montre comment "CHOCOLAT" utilise la scène du cirque d'une façon extrémement intelligente et "subversive" (dans les limites d'une attraction de cirque) En effet, son numéro de clown commence sous forme d'un duo ("Footix et Chocolat"), une forme extrêmement répandue dans les numéros de clown. Dans le cadre du racisme ambiant et du colonialisme débridé, il paraitrait "normal" que "le négre" (c'est comme ça qu'on parle à l'époque) serve de faire valoir au clown "blanc". Or il se passe ce qui se passe généralement avec les "clowns blancs" (qui sont là aussi une figure "classique" du numéro de clown blanc, c'est lui qui sert de "faire valoir" a son compére auguste, et qui se prend les coups de pied au cul (grand classique des numéro de duos de clowns) Et si le public raffole de cette figure du "clown blanc" qui se fait humilier par l'Auguste, c'est aussi que ça "parle" au public populaire, qui se venge sans risque de toutes les humiliations quotidiennes.

Il y a là une ambiguité bien plus grande qu'un simple "film anticolonial" (je n'ai rien contre le théme, mais...) Là ou c'est intéressant, c'est quand Noiriel montre que tant qu'il en reste au "cirque", "Chocolat" est considéré, des articles dythirambiques s'écrivant dans les journaux sur son "art". Mais le probléme c'est que l'acteur qui joue "Chocolat" n'entend pas se limiter au cirque. Il veut aussi passer au théâtre. Et là, c'est une autre paire de manche ! Je laisse parler Noiriel

Rafael est toléré, on ne peut pas dire qu’il suscite d’hostilité mais, «dès qu’il veut franchir les limites qui lui ont été fixées, dès qu’il veut aller dans un espace réservé à une élite, le théâtre, on lui dit : "Reste à ta place"»

J'adore d'ailleurs la conclusion de Gérard Noiriel d'un entretien donné lors de la réédition de son bouquin :

Gérard Noiriel raconte comment, face à la rareté des archives, il prend le parti d’imiter Modiano dans Dora Bruder : «J’ai donc décidé, à mon tour, de mobiliser le vocabulaire de la supposition pour combler les vides de ma documentation.» Et surtout, cet historien qui a beaucoup travaillé sur la classe ouvrière et l’immigration montre comment Rafael s’est battu pour échapper au stéréotype du Noir martyrisé par les Blancs. Quand on regarde les films de ses spectacles, on voit qu’il a réussi. A un moment, il s’adresse directement à Rafael : «Tu t’es toujours battu, tu as été l’acteur de ta vie, c’est pour ça que tu es mon héros préféré.»

Et pour moi, ce passage de l'entretien donne le sens et l'intéret véritable et du livre, et peut être du film (que je n'ai pas encore vu)

Vous dites qu’à plusieurs moments de sa vie, Rafael, noir et étranger, s’est pourtant retrouvé inclus dans un «nous».

Il y a des circonstances de la vie qui font que certaines différences sont relativisées. Dans des travaux antérieurs, j’ai défendu l’idée que l’identité n’existait pas, qu’il n’existait que des formes d’identification. Nous sommes tous le produit de multiples critères identitaires qui fonctionnent le plus souvent comme des identités latentes. Selon les circonstances, certaines sont mises en avant et d’autres pas, on le voit bien, on ne se trimballe pas toujours avec son identité française en bandoulière. Rafael, c’était pareil. On avait forcément conscience qu’il était différent ; en Espagne, par exemple, on le blaguait, on l’appelait «El Rubio» («le blond»), mais chez les mineurs, l’identité professionnelle prend le dessus. Le «nous mineurs» l’emporte. Notamment quand on se retrouve, comme les collègues de Rafael, face à des paysans dans un village de Bilbao.

Quand on dit «nous», il y a de la familiarité. Et la familiarité s’oppose à l’étrangeté. Mon hypothèse, c’est que l’intégration de Chocolat est passée par la familiarité. Que les gens puissent se dire «il est comme nous» est important. Je travaille beaucoup dans les projets d’éducation populaire. Quand on voit tous ces jeunes qui sont français, qui sont nés en France, et qui disent «les Français» en parlant des autres, on se dit qu’on a raté quelque chose.


L'entretien de Gérard Noiriel dans libération : http://next.liberation.fr/livres/2016/01/06/gerard-noiriel-chocolat-tu-t-es-battu-tu-as-ete-l-acteur-de-ta-vie_1424688
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Message  verié2 Jeu 4 Fév - 16:08

Gérard Ménussa
Je n'ai pas vu le film, mais j'ai lu le livre de Gérard Noiriel dont le film est parait il tiré. Or c'est un peu plus complexe que ce que tu a l'air de le présenter.

Gérard Noiriel montre comment "CHOCOLAT" utilise la scène du cirque d'une façon extrémement intelligente et "subversive" (dans les limites d'une attraction de cirque)
Euh... Je ne parle que du film, et pour cause je n'ai pas lu le livre.

Dans le film, ce détournement subversif n'apparait jamais, sauf lorsque "Chocolat" quitte le cirque et retourne la situation à la fin de son dernier spectacle.
l'acteur qui joue "Chocolat" n'entend pas se limiter au cirque. Il veut aussi passer au théâtre. Et là, c'est une autre paire de manche !
Cela apparait dans le film. "Chocolat" se fait huer après avoir interprété Othello. Mais il faut convenir qu'à côté du risque "politico-racial" qu'il prenait, le risque de changement de créneau, pour ne pas dire de métier, n'était pas moins grand. Quelles étaient les parts des deux dans son échec théatral, je n'en sais strictement rien.

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Message  verié2 Jeu 4 Fév - 19:22

A en croire la fiche Wikipedia consacrée à "Chocolat", le film a, non seulement beaucoup simplifié, mais un peu modifié les faits. L'artiste n'aurait pas rompu brutalement, en plein succès, avec le cirque pour faire une carrière au théâtre et ne plus jouer le rôle du Noir soumis, mais aurait tenté le théâtre, alors que sa côte s'était effondré et qu'il courait les cachets pour survivre. En revanche, comme l'évoque Noiriel, que cite Gérard Ménussa, il aurait au moins un peu subverti les spectacles de cirque. C'est franchement dommage que le film de Roschdy Zem ne le montre pas...

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Message  gérard menvussa Ven 5 Fév - 2:38

D'un autre coté, un film ne peut pas forcément avoir l'ampleur intelectuelle d'un travail de recherche universitaire, même si il l'adapte... C'est toujours difficile, même si le travail avait à l'origine une vocation "théatrale".
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