Décés de Léonide Pliouchtch
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Décés de Léonide Pliouchtch
Article dans Libération, avec notamment les extraits d'une interview de Pliouchtch
Interview dans Socialist Worker (US), juin 1977 (cliquer pour meilleure résolution) :
«Ce qui a déclenché ma dissidence?
Une lente libéralisation de la conscience face à la magie ou à l’hypnose du dressage total que subissait tout être humain. Bien que d’origine sociale modeste, ayant constaté la non-conformité du quotidien avec la propagande, j’acceptais docilement les explications fournies à l’école (menaces impérialistes, Juifs et autres ennemis de l’intérieur). La première brèche dans cette chape de plomb d’ignorance, fut le rapport Khrouchtchev dénonçant les crimes de Staline. En même temps que l’image de ce «dieu», s’effondra aussi celle du Parti. Dès lors, je n’ai eu que mépris à son égard.
En revanche, j’ai ressenti le désir aigu du droit à la vérité. La brutale répression de la Révolution hongroise m’a fait douter des informations de la presse écrite. Impossible de concilier la logique des sciences mathématiques et l’absurdité d’une société bâtie sur le mensonge et la corruption généralisés. Telle est d’ailleurs l’explication du nombre élevé de mathématiciens, de physiciens et de champions d’échecs devenus dissidents.
L’antisémitisme de l’État et du Parti m’ont fait réfléchir à l’idée nationale. Au début, j’ai été révolté par la déportation massive de certains peuples (Tchétchènes, Tatars de Crimée, etc.) Plus tard, cela m’a ouvert les yeux sur le nationalisme ukrainien. J’ai mis des années à l’assimiler car il était moins évident que le problème tchétchène ou tatar.
Ne voyant aucun moyen de lutter, je me suis replié sur ma vie professionnelle. J’ai compris alors qu’à l’époque il était impossible de ne pas mentir, impossible de travailler honnêtement dans ce pays. À l’Institut de Cybernétique, j’ai pris conscience que l’économie étatique courait à la catastrophe. En pratique, la vie dans les usines et les kolkhozes (exploitations agricoles collectives, NDA), le démontrait en permanence.
Voilà ce qui motiva ma protestation sociale: la situation des travailleurs et le krach économique. Car la raison première, ancrée au fond de moi, était mon refus éthique de l’esclavage. Désormais, je veux jouir du droit d’être une personne à part entière, d’user du droit à la libre pensée, à la libre parole, à un travail sensé. C’est fini, je refuse de mentir. Cette motivation «d’être une personne» a fédéré toutes les autres.
Cette prise de conscience du facteur humain a entraîné celle du facteur national. Mon Ukraine natale n’était qu’une colonie. L’Empire soviétique était l’ennemi de la liberté, de l’humanité, de toutes les nations, peuple russe y compris. Le samizdat domina peu à peu toutes les sphères de la vie et de la pensée. En m’y insinuant, je devins non seulement un lecteur de littérature interdite, mais aussi un diffuseur et un auteur. En tant que marxiste, j’ai tenté de résoudre les contradictions entre théorie et pratique en analysant, dans mes articles, la théorie marxiste, l’éthique, le problème nationaliste. Mes débats avec les proches du samizdat, qu’ils soient marxistes ou anti-marxistes, m’ont mené à la conclusion que nous vivions un capitalisme féodal employant des esclaves d’État…»
Interview dans Socialist Worker (US), juin 1977 (cliquer pour meilleure résolution) :
sylvestre- Messages : 4489
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