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Affaires Marty-Tillon

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Message  sylvestre Mar 18 Fév - 0:52

Je ne vois pas trop de bidonnage ni d'un côté ni de l'autre. Ce qui est établi c'est que Tillon participe à une mutinerie dans l'Adriatique pour ne pas avoir à se battre contre la Russie révolutionnaire, et que c'est là le début de son action dans le camp du communisme et de la révolution. Le début, donc le passage entre le non-encore existant et l'existant.
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Message  Babel Mar 18 Fév - 10:50

yannalan a écrit:Juste une précision, la mutinerie à laquelle a participé Tillon a eu lieu en Méditerranée, assez loin de la Mer Noire. Son croiseur transportait les troupes entre l'Italie et la Grèce.
S'il opère en 1919 dans l'Adriatique, entre les côtes italiennes et grecques, le Guichen
sert lors des opérations en mer Noire et une mutinerie, dans le contexte des mutineries de la mer Noire, éclate à bord, menée par Charles Tillon.
Sa mission de soutien aux interventions en mer Noire, dans le cadre du transport des troupes terrestres, semble donc attestée.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guichen_%28croiseur%29

sylvestre a écrit:Je ne vois pas trop de bidonnage ni d'un côté ni de l'autre. Ce qui est établi c'est que Tillon participe à une mutinerie dans l'Adriatique pour ne pas avoir à se battre contre la Russie révolutionnaire, et que c'est là le début de son action dans le camp du communisme et de la révolution. Le début, donc le passage entre le non-encore existant et l'existant.
On peut voir ça comme ça, mais les choses n'ont pas l'air d'être aussi évidentes : l'article de Wikipédia consacré aux mutineries de la Mer Noire n'hésite pas, lui, à parler de "mythification politique".

En voici quelques passages significatifs.
Des mutineries révolutionnaires ?
« La mythification politique à laquelle à laquelle a donné lieu cette mutinerie, avec Charles Tillon et André Marty, a longtemps obscurci la réalité » (Martine Acerra, Jean Meyer). Les deux hommes, actifs militants de gauche et animateurs de la mutinerie sur deux unités de la flotte, se sont par la suite attribués un rôle clé dans les évènements, au point que ceux-ci ont été récupérés par Parti communiste français (fondé en 1921) et exploité politiquement par lui pendant des décennies. Depuis les recherches de Philippe Masson, en 1982, l’analyse de ces mutineries a été revue de fond en comble et ses travaux font maintenant autorité.

[...] Au point de départ existe un mécontentement latent, datant souvent de loin, avivé par la prolongation, pour la Marine, d’une nouvelle guerre venant se greffer sur la guerre mondiale.
Les conditions du séjour en mer Noire ajoutent leur lot de doléances. Habitués aux hivers relativement cléments de la Méditerranée orientale, les équipages se trouvent plongés, en décembre 1918, dans le terrible hiver de la mer Noire, avec ses tempêtes de neige, ses froids intenses. Les bâtiments ne sont pas adaptés et les équipages en souffrent.
[…]La grippe espagnole contribue aussi à désorganiser les équipages : l’épidémie qui frappe les hommes du Jules Michelet renforce les corvées de ceux du Justice et du Renan47. Ce cocktail de souffrances et de privations, accumulé pendant des mois, est l’une des causes première des révoltes.
[…]Ces raisons, valables, ne sont cependant pas suffisantes pour tout expliquer. Car la mutinerie éclate sur les navires dont la durée de séjour est la plus courte, et ce après l’établissement d’un service de courrier régulier. C’est donc l’arrivée de matelots jeunes, dont une bonne partie n’a pas fait la guerre, et le rétablissement du courrier qui contribue à la révolte.
[…]La diffusion de ces débats est immédiate dans les équipages. Se constitue ainsi des noyaux d’agitation potentielle autour de quelques meneurs souvent très jeunes.

Néanmoins, pour les équipages qui se mutinent, il ne s’agit que d’une espèce de grève destinée à obtenir le rapatriement en France.
Lorsque les éléments les plus radicaux veulent aller plus loin et soutenir les soviets sur place, le gros des équipages s’en désolidarise. À Galatz, le complot du chef mécanicien André Marty, qui veut livrer le torpilleur le Protet aux Bolcheviques, est rapidement éventé (16 avril). La mutinerie qui gagne les autres bâtiments à Sébastopol réclame certes sa libération, mais l’objectif fondamental est le retour en France, pas le ralliement à la Révolution d’octobre et ce alors même qu’est diffusée sur place une active propagande communiste à leur intention.

Comme souvent, jouent dans le monde clos qu’est un navire, des éléments contradictoires : popularité ou impopularité des états-majors et des officiers (une partie d’entre eux sympathisent avec les raisons invoquées de la mutinerie), et en sens opposé, la personnalité plus ou moins affirmée et acceptée des meneurs, certains d’entre eux n’hésitant pas, d’ailleurs, à mener double jeu. La promesse d’absence de sanction en mer Noire étouffe le tout, l’ordre d’évacuation ayant d’ailleurs été donné avant la mutinerie.

Toutefois, l'article distingue cette première vague de mutinerie (commencée le 16 avril 19 et s'achevant aux alentours du 30) de la seconde, ayant lieu durant l'été 19 , où Tillon aurait été impliqué. Car, là encore les dates mentionnées par les rédacteurs des différents articles concordent mal : celui consacré à Tillon parle, quant à lui, d'une mutinerie ayant lieu sur le Guichen le 25 mai et affirme :
Il n'a donc pas pu être impliqué directement dans les mutineries de la mer Noire, où il n'a d'ailleurs jamais « mis les pieds... »

Difficile dans ces conditions de démêler le vrai du faux.

Quoiqu'il en soit, cette 2e vague de mutineries aurait pris un caractère nettement plus politique.
Le contexte de la deuxième vague est tout différent. Cette deuxième vague intervient sur fond d’agitation syndicale générale, comme aussi à l’un des moments les plus critiques de la Révolution russe. Alors qu’en mars, la poussée de l’Armée rouge, soutenue par la population ouvrière des ports ukrainiens, semble irrésistible, le rebondissement de la contre-révolution avec l’importante avance de l’armée blanche de Dénikine provoque, en été, une crise aiguë chez les Bolcheviques. Il s’agit alors, pour le gouvernement de Lénine, d’empêcher à tout prix une intervention européenne qui pourrait apporter une aide décisive aux « Blancs ». Cette deuxième vague, qui touche les ports et arsenaux français, est donc en partie orchestrée de l’extérieur, même si la situation économique et sociale difficile de la France en 1919 (comme dans toute l’Europe) reste le motif essentiel des mouvements. Comme en mer Noire, les équipages ne suivent pas les leaders qui veulent les entraîner dans un mouvement révolutionnaire. Charles Tillon, qui anime en rade de Patras la mutinerie contre le commandant du cuirassé Guichen, est assez rapidement neutralisé."

La suite de l'article, consacrée aux sanctions, indique :
Les sanctions sont lourdes : une centaine de marins, dont certains ont à peine 17-18 ans, sont condamnés en conseil de guerre. Les peines vont de la mort (commuée en 20 ans de prison) aux travaux forcés (10 ans et 20 ans) en passant par la détention (15 ans et 20 ans) ou à des peines de travaux publics (6 ans et 8 ans) et à de plus courtes périodes de prison (de 1 à 5 ans). Jean Meyer fait cependant remarquer que, compte tenu du nombre de navires touchés par les mutineries et du nombre d’hommes qui y ont été mêlés de près ou de loin (plusieurs centaines, voire plusieurs milliers si on prend en compte les deux vagues de troubles), ces sanctions sont plutôt modérées.
[...] Sur le Guichen, touché par la deuxième vague de mutinerie, Charles Tillon écope de 5 ans de bagne au Maroc.
André Marty, seul officier à avoir activement participé aux évènements (c’était un militaire de carrière en-gagé en 1908) fait partie des hommes les plus sévèrement condamnés mais échappe au pire66. Les différents jugements rendus entre le 4 et le 9 juillet 1919 lui infligent la peine de mort, aussitôt commuée en 20 ans de travaux forcés, assortie de la dégradation militaire et de 20 ans d’interdiction de séjour. Condamnation partagée par le quartier-maître mécanicien Badina, principal complice de Marty. Si la mutinerie s’était produite en 1917 comme dans l’armée de Terre, les deux hommes auraient très certainement été fusillés. Mais l’atmosphère n’est plus la même en 1919-1920. Le gouvernement, soucieux de ne pas rompre avec la gauche, minimise l’importance des révoltes et passe l’éponge rapidement.
À la fin de l'année 1920, seuls vingt et un condamnés continuent à purger leur peine. Une amnistie générale est décidée en juillet 19222, sauf pour André Marty, qui n'est libéré qu'en 1923. Entre-temps, le Parti communiste français a été fondé et a activement mené campagne en faveur de la libération des condamnés. André Marty et Charles Tillon y trouvent logiquement leur place, et le PCF construit autour d’eux une légende de militants exemplaires ayant fortement contribué à faire échouer l’intervention en mer Noire. André Marty écrit une série de livres militants sur ces évènements. Quant au cinéma soviétique, soucieux de propagande, il met en scène dès 1930 un film glorifiant les mutineries : Le Mirabeau.

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Message  sylvestre Mar 18 Fév - 11:18

Il y a un truc qui me gène dans la critique du caractère "proprement politique" des mutineries dans l'article de Wikipedia que tu cites. Toutes les mutineries de ce type, tout comme les autres actes d'insoumission à l'autorité militaire, ont des causes immédiates liées aux difficultés de vie à bord.  Il y a quelque chose de très bourgeois, de la mentalité de l'intellectuel au chaud dans son fauteuil, à ne pas voir qu'une mutinerie n'est pas une affaire légère, que des considérations personnelles y sont forcément très importantes.
Mais on observe en même temps que dans les conditions "normales" il n'y a pas de mutinerie, pourquoi ? Parce qu'il y a la hiérarchie, la menace des sanctions, bien sûr, mais cela est vrai de façon constante. Alors pourquoi ? Parce que l'objectif de la guerre est accepté suffisamment largement comme juste par la base, par les sous-officiers et les officiers pour que la discipline soit maintenue. Mais si on commence à se dire que non seulement on vit une vie de bagnard, non seulement on est pas sûr de revenir vivant, mais en plus c'est pour une affaire qui ne nous concerne en rien, et même pour combattre d'autres malheureux qui combattent pour leur liberté, alors la coupe est pleine ! C'est au fond la même chose pour la mutinerie du Potemkine, ou pour un autre parallèle qui me vient à l'esprit, les révoltes des forces britanniques au lendemain de la seconde guerre mondiale, employées au maintien de l'empire colonial

Nous avons fait le travail pour lequel nous nous sommes engagés. A présent nous voulons rentrer chez nous, à la fois pour des raisons personnelles et parce que nous pensons que c'est par le travail que nous pouvons aider au mieux la Grande-Bretagne. Aucune indication n'a été donnée de quand nous reverrons nos familles. Est-ce parce que le gouvernement souhaite apparaître intraitable avec les autres puissances ?
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Message  Babel Mar 18 Fév - 12:48

Si elle ne lève pas toutes les supputations concernant les motivations exactes de Tillon au moment des faits, ta lecture me paraît la plus plausible : les chemins qui mènent à l'engagement sont souvent constitués d'un entrelacs de motivations de nature diverse. Il serait donc illusoire et vain de chercher à y distinguer ce qui relève directement du politique des autres considérations (de nature affective, psychologique, etc.) Je m'en tiendrai donc à elle.

Cependant, toute cette "affaire", prise au sens large, soulève d'autres interrogations ayant trait à la fiabilité des sources, et me permet de mesurer à quel point l'examen du passé est chose ardue. On ne s'improvise pas historien. Je l'apprends, dans une certaine mesure à mes dépends.

Si je prends, par exemple, l'épisode d'Albacete, qui s'est déroulé au cours de la guerre civile espagnole. Sur la base de sources que je juge fiables (Krivine, Maitron), j'écris à son sujet la chose suivante :
Au cours de l’été, il couvre les exactions des hommes de main du Guépéou (liquidation de 500 militants anarchistes, trotskistes et poumistes à Albacete), et y gagne la réputation de “ boucher", sans qu'il soit toutefois avéré qu'il ait pris part au massacre
... qui disculpe Marty, pour partie. Du moins, quant à sa participation directe aux assassinats perpétrés.

Or, le livre de Sygmunt Stein, Ma guerre d’Espagne - Brigades internationales : la fin d’un mythe, dont je viens de lire ce matin la recension sur le site du collectif smolny, fait peser sur ses épaules une responsabilité bien plus écrasante.

Voici la présentation qu'en fait l'éditeur :
Pour beaucoup, le mythe des Brigades internationales reste aujourd’hui encore intact. Et pourtant, derrière l’aventure héroïque de milliers de volontaires venus de tous les pays au secours de la République espagnole, se cache une autre vérité, déconcertante et douloureuse, que révèle ce témoignage sauvé de l’oubli. Sygmunt Stein, militant communiste juif en Tchécoslovaquie, bouleversé par les procès de Moscou qui ébranlent sa foi révolutionnaire, va chercher en Espagne l’étincelle qui ranimera ses idéaux.
Mais arrivé à Albacete, siège des Brigades internationales, il se voit nommé commissaire de la propagande, poste où il découvre jour après jour l’étendue de l’imposture stalinienne. Très vite, la réalité s’impose à lui : "La Russie craignait d’avoir une république démocratique victorieuse en Europe occidentale, et sabotait pour cette raison le duel sanglant entre les forces démocratiques et le fascisme." Tout ce qu’il croyait combattre dans le franquisme, à commencer par l’antisémitisme, il le retrouve dans son propre camp.

La déception est à la mesure de l’espoir qui l’avait mené en Espagne : immense. Affecté par la suite à la compagnie juive Botwin, il sera envoyé au front pour servir de chair à canon. Des exécutions arbitraires du "boucher d’Albacete", André Marty, aux banquets orgiaques des commissaires politiques, en passant par les mensonges meurtriers de la propagande soviétique, Sygmunt Stein dénonce violemment dans son livre, écrit en yiddish dans les années 1950, et resté inédit en français, la légende dorée des Brigades internationales.
STEIN Sygmunt : Ma guerre d’Espagne - Brigades internationales : la fin d’un mythe
Parution : Mai 2012
Traduction de Marina Alexeeva-Antipov - Postface de Jean-Jacques Marie

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Message  verié2 Mar 18 Fév - 13:10

le livre de Sygmunt Stein, Ma guerre d’Espagne - Brigades internationales
Je m'interroge un peu sur la fiabilité totale de ce livre, par ailleurs très intéressant. JJ Marie, dans la postface, s'interroge d'ailleurs sur les "exagérations" éventuelles de l'auteur, par exemple sur le comportement des cadres staliniens qui faisaient bombance (de véritables orgies en pleine guerre civile, à deux pas du front) alors que les combattants crevaient de faim. Il ne faut pas oublier que ce livre à été publié aux Etats Unis, dans les années cinquante, en pleine guerre froide.

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Message  Prado Mer 19 Fév - 10:21

Dans ce livre, Sygmunt Stein affirme qu'André Marty se comportait comme un petit Staline qui semait la terreur et profitait de sa position pour faire exécuter des militants du PCF avec lesquels il avait eu un désaccord à Paris.
Sur les orgies, il précise que Marty restait spectateur.

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Message  yannalan Mer 19 Fév - 13:23

Sur le fait que les cadres staliniens faisaient bombance, c'est une constante de leur comportement depuis Staline jusqu'à Thorez en passant par d'autres, voir livre de Wolfgang Leonhart : pendant la guerre, il est à crever de faim, un de ses camarades le fait venir à l'hötel où sont réfugiés les kominterniens, où tout le monde  bafre. Pareil chez El Campesino, qui montre la différence entre réfugiés espagnols de base et dirigeants du PCE en URSS.
Est ce que Marty y participait, c'est une autre histoire...

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Message  Prado Mer 19 Fév - 13:43

yannalan a écrit:Sur le fait que les cadres staliniens faisaient bombance, c'est une constante de leur comportement depuis Staline jusqu'à Thorez en passant par d'autres, voir livre de Wolfgang Leonhart : pendant la guerre, il est à crever de faim, un de ses camarades le fait venir à l'hötel où sont réfugiés les kominterniens, où tout le monde  bafre. Pareil chez El Campesino, qui montre la différence entre réfugiés espagnols de base et dirigeants du PCE en URSS.
Est ce que Marty y participait, c'est une autre histoire...

Je voulais dire que (d'après mes souvenirs du livre), Marty se contentait de participer à la partie alimentaire de la dite orgie.

Prado

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Message  Babel Mer 19 Fév - 14:36

Prado a écrit:Dans ce livre, Sygmunt Stein affirme qu'André Marty se comportait comme un petit Staline qui semait la terreur et profitait de sa position pour faire exécuter des militants du PCF avec lesquels il avait eu un désaccord à Paris.
Sur les orgies, il précise que Marty restait spectateur.
Prado a écrit:
yannalan a écrit:Sur le fait que les cadres staliniens faisaient bombance, c'est une constante de leur comportement depuis Staline jusqu'à Thorez en passant par d'autres, voir livre de Wolfgang Leonhart : pendant la guerre, il est à crever de faim, un de ses camarades le fait venir à l'hötel où sont réfugiés les kominterniens, où tout le monde  bafre. Pareil chez El Campesino, qui montre la différence entre réfugiés espagnols de base et dirigeants du PCE en URSS.
Est ce que Marty y participait, c'est une autre histoire...
Je voulais dire que (d'après mes souvenirs du livre), Marty se contentait de participer à la partie alimentaire de la dite orgie.
J'ai pu avoir accès au chapitre 10 du livre de Sygmunt Stein ici : Le boucher d'Albacete

Et, à la même adresse, à la postface de J.J. Marie

Sur le rôle de Marty en Espagne, ces deux notes confirment l'appréciation générale relevée par ailleurs : celle d'une responsabilité moindre dans les massacres commis.

1.
De même la légende du "boucher d'Albacete" ne résiste pas aux archives de Moscou. Si André Marty tente d'y régner d'une main de fer, son délire paranoïde se heurte à l'absence de pouvoirs réels dont il est investi. Il se plaint lui-même auprès du PCE de l'impossibilité d'exécuter les espions à Albacete. C'est que les Brigades ne rendaient pas leur propre justice mais dépendaient du SIM, la police politique contrôlée par le NKVD.
Nicolas Aubin, compte-rendu de lecture du livre de Rémi Skoutelski, L'espoir guidait leurs pas, Paris, Grasset 1998. in PCF: idéologie, politique et société par  Par Collectif,Communisme n° 67-68, ed. L'Âge d'Homme, 2001.


2.
LES BRIGADES INTERNATIONALES

Comme les Allemands, les Soviétiques avaient été surpris par les événements d'Espagne. Toutefois, les réactions de l'Internationale communiste furent rapides. Une réunion décisive tenue à Prague le 26 ou le 27 juillet et présidée par Gaston Monmousseau aurait décidé la constitution d'un fonds de un milliard de francs pour l'aide au Front populaire espagnol et créé un Comité de cinq membres pour l'administrer: Maurice Thorez, Palmiro Togliatti, et trois Espagnols, José Diaz, Dolores Ibarruri et Francisco Largo Caballero.

Il aurait été décidé aussi de former une brigade de 5 000 hommes recrutés parmi les militants de gauche de tous les pays et que l'on doterait de tout l'armement nécessaire. ...
La désignation à la tête des brigades d'André Marty fut un choix calamiteux. Même si celui-ci fut très loin d'avoir ordonné toutes les exécutions capitales dont on l'a accusé - il est responsable de la mort de Gaston Delassale et d'une dizaine d'autres brigadistes, mais certainement pas d'exécutions systématiques. Il devait son poste à son total dévouement à la ligne du parti et non à des compétences militaires qu'il ne possédait pas.

Confondant énergie et brutalité, affligé d'une méfiance paranoïaque, il fit tant que l'image mythique du « mutin de la mer Noire» devint en Espagne celle du « boucher d'Albacete ».
Bartolomé Bennassar, La guerre d'Espagne et ses lendemains, Perrin, Paris, 2004. p. 145, 146-147 http://denistouret.fr/textes/Bennassar.html

A noter enfin qu'un colloque eut lieu le vendredi 17 octobre 2003 au Centre d'histoire sociale du XXe siècle - Bibliothèque Jean Maitron : "Le demi-siècle d’André Marty : l’homme, l’affaire, l’archive". Si jamais quelqu'un avait à sa disposition les textes des communications qui s'y sont produites…


Dernière édition par Babel le Mer 19 Fév - 14:39, édité 1 fois

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Message  verié2 Mer 19 Fév - 14:37

Yannalan
les cadres staliniens faisaient bombance, c'est une constante de leur comportement depuis Staline jusqu'à Thorez
Sans aucun doute, mais, sur le front, en Espagne, avec les volontaires des Brigades Internationales qui n'y allaient pas pour faire bombance, il me semble que ça devait être plus difficile pour ces cadres staliniens d'étaler leurs privilèges. Tout est possible, mais, je le répète, JJ Marie, qui lui est historien, s'interroge tout de même sur la véracité de certains détails... Je ne crois pas qu'il ait pour autant la moindre tendresse pour ces cadres staliniens corrompus.

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Message  Babel Ven 21 Fév - 20:13

Bambochard ou pas, s'il y a une activité à laquelle Marty s'est livré avec une frénésie quasi compulsive, ce fut la délation : ce type a passé son temps à cafarder.

Dans Hôtel Lux, l'essayiste et historien Arkady Vaksberg l'accuse d'avoir dénoncé le dirigeant du POUM Andreu Nin, et permis son arrestation par la police politique. [C'est-à-dire, par les hommes de mains d'Orlov, le conseiller en chef de la sécurité intérieure et du contre-renseignement du gouvernement républicain de Madrid, chargé à partir de septembre 1936 de liquider les trotskistes et anarchistes espagnols.]

Dans le même ouvrage de Vaksberg, on peut lire, page 48 :
Organisateur de la révolte des matelots français de la mer Noire pour soutenir la révolution d'Octobre, il apparaissait à des millions de citoyens soviétiques comme le modèle du communiste internationaliste, comme un héros plein d'abnégation qui plaçait au-dessus de tout les intérêts de la Révolution. A Moscou, à Leningrad, à Odessa et dans d'autres villes, des rues, des usines, des navires, des écoles, des bibliothèques portaient le nom d'André Marty. Les archives nous font découvrir l'autre visage de cet homme "courageux": celui d'un dénonciateur fanatique, d'un individu maladivement soupçonneux, qui voyait partout des complots, des ennemis, des provocateurs, d'un homme convaincu que sa mission principale était de démasquer et de châtier le plus grand nombre possible de gens. Par cette aspiration comme d'ailleurs par les traits de son caractère, il ressemblait étonnamment à son idole. Mais il eut beau se démener pour obtenir une audience, un rendez-vous avec le guide adoré, ce dernier, à en croire les documents d'archives que j'ai pu consulter, ne manifesta aucun intérêt pour lui et ne répondit jamais aux demandes de rendez-vous.

André Marty était membre du Bureau politique du Parti communiste français et député à Paris, mais il passait l'essentiel de son temps à Moscou. Il y jouissait d'un vaste appartement, remplissait la fonction de secrétaire titulaire du Comité exécutif du Comintern, et disposait d'une foule de secrétaires, d'assistants, de référents, de consultants et de traducteurs. Son principal souci était de sélectionner et de placer (avec l'accord du NKVD bien entendu) "ses" hommes, le plus souvent issus du Parti communiste français, aux postes clés. Il lui fallait donc écarter les concurrents, les gens qui lui étaient personnellement hostiles; à cette fin, la terminologie stalinienne lui servait à épicer les allusions au caractère idéologiquement suspect de l'intéressé.

La page 49 de ce même ouvrage reproduit quelques unes des fiches rédigées par Marty.

Enfin, dans une note du chapitre 3 de la deuxième partie de leur ouvrage, La Révolution et la Guerre d’Espagne, P. Broué et E. Témine écrivent :
Le volontaire belge Nick Gillain, dans son livre Le Mercenaire, l'accuse d'avoir présidé un Conseil de guerre qui condamne et fait exécuter sans raison - peut-être pour avoir pris contact avec les colonnes de la C.N.T. - un officier français, le commandant Delesalle. Pencheniati l'accuse d'avoir abattu de sa main à Cambrils quatre soldats qui protestaient parce qu'il les couvrait d'injures pour avoir lâché pied. Ernest Hemingway, dans Pour qui sonne le glas, a fait de lui, sous le transparent pseudonyme de Massart un portrait peu flatteur, celui d'une brute soupçonneuse, incapable et autoritaire. Fischer, qui travailla à Albacete sous ses ordres, est au moins aussi sévère. Quant à Regler, Il écrit : « Il dissimulait son incapacité bien pardonnable sous une incurable méfiance. » La vérité sera d'autant plus difficile à établir sur André Marty que les communistes, après son exclusion, s'étaient, à leur tour, joints à ce concert de blâmes.
II.3 : "L'aide russe et les Brigades Internationales", note 22

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Message  sylvestre Ven 21 Fév - 20:36

Discours d'André Marty, 1945

Pas un grand orateur...
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Message  Babel Sam 22 Fév - 13:02

Concernant la période allant de juin à août 1940, on peut consulter :

Un article de Michel Lefebvre, paru dans Le Monde le 09.12.2006 : "Quand le PCF négociait avec les nazis"
http://www.lemonde.fr/societe/article/2006/12/09/quand-le-pcf-negociait-avec-les-nazis_843769_3224.html

Par ailleurs, le site Gallica, bibliothèque numérique de la BNF, permet l'accès direct aux documents suivants :

1.  La demande de parution légale de "L'Humanité", datée du 26 juin 1940 :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5731784x/f90.image.r=Le%20Mouvement%20social.langFR

2. Cette demande figure en annexe d'un article de Denis Peschanski paru dans le n°113 d'octobre-décembre 1980 du Mouvement social, le Bulletin trimestriel de l'Institut français (p. 67 à 89), où ce chercheur étudie avec toutes les précautions nécessaires (et compte-tenu des informations dont il dispose à ce moment-là) l'attitude du PCF au cours de cette période.
La totalité de l'article de Denis Peschanski est accessible à : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5731784x/f69.image.r=Le%20Mouvement%20social.langFR

3. La "Lettre ouverte d'André Mary à M. Léon Blum, directeur du Populaire", parue dans les Cahiers du Bolchévisme, l'organe théorique du Parti Communiste Français (SFIC) - (p. 43-47, 2e semestre 1939-janvier 1940.) :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8724173/f43.image

4. Le texte complet de l' "Appel du 10 juillet", signé Thorez-Duclos : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k881701c/f1.image.r=L%27Humanit%C3%A9%20clandestine.langEN

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Message  yannalan Sam 22 Fév - 15:21

Sur "l'appel du 10 juiller 40", Pannequin raconte qu'il était à un cérémonie dans le Pas de Calais où un orateur avait fait allusion à l'Appel "qu'avaient entendus les travailleurs de France". Sin voisin, un responsable des mines avait grommelé "eh bien in'na qu'avo des rudes 'z'orelles" (il y en a qui avaient de sacrées oreilles)
En 74, je crois,n à un meeting PC du 13e pour les municipales, j'avais entendu, avec surprise, le candidat,André Vieuguet, parler du 13 e comme "l'arrondissement d'André Marty".

yannalan

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Message  Gayraud de Mazars Sam 22 Fév - 16:54

Salut camarades,

Merci de cette discussion de haut niveau, qui est particulièrement intéressante et instructive sur le PCF de cette période, de l'affaire Marty - Tillon.

Ce que la direction du PCF a infligé à Marty et Tillon, comme à d'autres camarades, cela reste symptomatique de ce qu'était le PCF et sa direction... A relire bien sûr de Dominique Desanti "Les Staliniens, une expérience politique 1944-1956", je suis dedans actuellement...

Fraternellement,
GdM

PS : j'ai bien aimé la référence à Pannequin, peut être parce que mon grand - père, ancien résistant, responsable CGT et communiste dans l'après guerre, des mineurs de fond à Carmaux, était un de ses amis, comme proche d'Auguste Lecoeur. Il a eu de la "chance", le stalinien de choc qu'il était, de rencontrer la mort, au fond, du grisou, au puit de la Tronquié, le dimanche 16 août 1953...
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Message  Babel Dim 23 Fév - 20:48

verié2 a écrit:
Il me semble que Frank fantasmait. Les trotskystes de l'époque vivaient dans une mythologie : des pans entiers de l'appareil du parti stalinien allaient les rejoindre. Il suffit de lire le récit que fait par exemple Robrieux sur ces affaires (Son histoire du PCF) pour comprendre qu'on en était très, très loin.
(...)

Alors, évidemment, on peut toujours interpréter de diverses façons les divergences et les bagarres de cliques au sein de l'appareil, mais aucune n'a donné naissance à une fraction un chouilla plus à gauche, révolutionnaire n'en parlons. Aucun dirigeant de premier plan n'est passé chez les trotskystes, tous ont situé leurs critiques sur le terrain de la démocratie et du patriotisme. Certes, quelques critiques vaguement "de gauche" pouvaient se mêler à ces discours, et Frank et cie s'en emparaient pour faire vivre leurs illusions, tout comme ils s'emparaient du moindre dissident soviétique pour en faire un crypto trotskyste et raconter qu'on était au bord de la fameuse "révolution politique" espérée par Trotsky.

Aujourd'hui, on mesure le caractère dérisoire de ces illusions...
La lecture que je viens de faire des articles des n°s de mai 1955 et décembre 1956 de la revue Quatrième Internationale, et de ceux de La Vérité des Travailleurs (1er déc. 56, 1er janv. et 15 nov. 57), consacrés à ce sujet, te donne hélas raison (1).

Dominées par les débats centrés autour la problématique entriste, les positions exprimées par le SI (sous la plume de Pierre Franck) sont d'une naïveté et/ou d'une complaisance affligeantes : narrer avec émotion les derniers instants de cette baudruche paranoïaque que fut Marty, et lui tresser par-dessus le marché des lauriers de grand dirigeant prolétarien -dont l'influence déterminante devrait galvaniser l'activité oppositionnelle... - témoigne, à mon sens, d'une capacité d'auto-persuasion qui confine à l'aveuglement.

On est au-delà de l'utilisation tactique des dissensions internes à un appareil bureaucratique, dans le but de saper sa domination : dans une sorte d'aberration qui vous fait prendre des vessies pour des lanternes.

Bien entendu, la relecture des faits a posteriori, surtout lorsqu'elle s'opère à 60 ans de distance, est aisée ; on ne s'y engage qu'à peu de frais. Cela ne la rend pas moins nécessaire.

(1) Ces numéros sont disponibles sur le site d'archives de l'association radar : http://www.association-radar.org/recherche.php3?recherche=andre+marty&submit=Et+hop+!

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Message  Copas Dim 23 Fév - 21:23

En aparté et sans vouloir troubler le sujet :

Vu la taille minuscule et l'isolement des groupes politiques trotskystes, on ne peut s'étonner des bouffées d'espérance soulevées par les moindres frémissements et ruptures, quel qu’elles soient, dans l'appareil du PCF.

Bensaïd parlait de déformations pathologiques quand des organisations demeurent petites sur une longue période. Et il ne parlait que de la période de la fin des années 60 jusqu'à maintenant où la pression "stalinienne" s'est écroulée, où l'extrème gauche a été de plus en plus immergée dans la classe ouvrière et où le seuil des orgas révolutionnaires n'est jamais passé sous les quelques milliers.

La période précédente a été bien plus compliquée, qui va de l'entrée en guerre en France jusqu'à 68, et a vu des groupes trotskystes de 100 à 300 personnes. Il n'y a pas lieu d'être trop surpris de tendances trop impressionnistes des militants de l'époque de ces groupes.

La lecture rétrospective est des fois un peu sévère.
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