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Migrations

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Message  MO2014 Mer 9 Sep - 13:42

Migrants, réfugiés : la droite française au bout de l’abjection

Depuis des mois, pas une semaine sans une déclaration honteuse de tel ou tel membre de la droite dite républicaine sur les réfugiés. Florilège de ces dégorgements et rappel de l’histoire de France à ceux qui s’en réclament.

Bien sûr, les dérapages incontrôlés et les sorties de route ne sont pas l’apanage de la seule opposition parlementaire. La gauche gouvernementale a elle aussi creusé son sillon du « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », phrase initialement énoncée par Michel Rocard dans les années 1990 et initialement sans le correctif qu’ont voulu lui ajouter certains socialistes. Mais la droite française, dans sa course sans fin derrière le Front national, n’a de cesse de se vautrer dans la veulerie et l’indécence.
L’histoire de France selon Klarsfeld et Morano

Certes, Guy Sorman, ultralibéral s’il en est, dans une tribune intitulée Les réfugiés d’aujourd’hui me rappellent mon père fuyant le nazisme, affirme : « j’ai honte pour l’Europe, son égoïsme, sa myopie historique et son arrogance de petit-bourgeois satisfait. » Si toute règle admet ses exceptions, pour le reste, c’est plutôt le concours de l’abjection.

Toujours nominé sur le podium de l’infamie, le multirécidiviste Arno Klarsfeld a pu ainsi commenter la mort d’Aylan le petit Syrien de trois ans retrouvé noyé sur une plage turque : « Personne ne dit que ce n’est pas raisonnable de partir de Turquie avec deux enfants en bas âge sur une mer agitée dans un frêle esquife (sic) ». Avocat tout comme Nicolas Sarkozy, mais comme son mentor certainement pas de l’orthographe, il ne doit lui aussi concevoir les traversées que sur le yacht de Bolloré, en tout cas pas sur un esquif de la misère.

De son côté, Nadine Morano, pendant des semaines, a pu tranquillement abuser de son "talent". Après avoir expliqué début août que « Paris devient sale » car envahi par les migrants et les SDF, elle a depuis remis le couvert avec des compétences historiques assez légères. Ainsi les réfugiés devraient « se battre pour leur pays » au lieu de le fuir comme des lâches ; « On dit qu’ils quittent leur pays, ils fuient la guerre. Heureusement qu’on n’a pas fait pareil, nous, en 1939-1945 ou en 1914 ! » Comment dire... La fuite massive de populations belges, hollandaises, luxembourgeoises et françaises en mai-juin 1940 devant l’avancée des troupes allemandes ne fait manifestement pas partie de ses connaissances. Pourtant, cet exode demeure un des mouvements de masse les plus importants du xxe siècle en Europe, qui a jeté entre huit et dix millions de civils sur les routes. Près d’un quart de la population française, deux tiers de la population de paris intra muros s’exilent alors, à commencer par le gouvernement de Paul Raynaud parti lui, sans attendre, dès le 11 juin 1940.

Mais les déclarations pitoyables de la droite ne se résument pas à cette méconnaissance crasse de l’histoire de France. Ces déclarations sont d’autant plus insupportables que le chaos géostratégique doit beaucoup aux interventions militaires des pays occidentaux que la même Nadine Morano soutient avec empressement. La France, qui a participé à la seconde guerre du Golfe et a été le fer de lance de l’intervention en Libye, porte une responsabilité évidente dans la déstabilisation du Proche-Orient ou dans le Sahara. Dure avec les faibles jetés sur les routes, victimes des passeurs risquant leurs vies sur des embarcations de fortune pour traverser la méditerranée, les mêmes n’ont pas assez d’excuses pour justifier l’exil fiscal. Pauvres malheureux, victimes du matraquage fiscal du gouvernement Hollande (sic), légitimés à échapper à l’impôt par le caractère quasi confiscatoire (re-sic) de la fiscalité française. Pourtant le refus de payer les impôts, de participer (un peu) à la solidarité nationale, voilà un bel exemple de lâcheté et d’égoïsme.

Et que dire du maire de Roanne, qui ne veut accueillir que des réfugiés chrétiens ! Le député-maire Yves Nicolin (Les Républicains) s’est ainsi dit prêt à recevoir des réfugiés « à la condition qu’ils soient des réfugiés chrétiens », par crainte de « terroristes déguisés », selon des propos diffusés lundi sur France Bleu. Les chantres des "racines chrétiennes" de la France devraient pourtant méditer les propos du pape François puisqu’il est une référence pour eux. Celui-ci vient d’appeler chaque paroisse d’Europe à accueillir une famille de réfugiés. À raison de 16.553 paroisses en France et en envisageant des familles de quatre personnes, cela ferait un peu plus de 66.000 migrants – bien plus que les 24.000 pauvrement annoncés par un autre François, président de la République, lui.

Surtout, au regard de l’histoire de l’entre-deux guerres, ces chiffres apparaissent ridicules, dans un pays bien moins peuplé et beaucoup moins riche qu’aujourd’hui : arrivée de 100.000 Russes et près de 60.000 Arméniens au tout début des années 1920, 500.000 réfugiés espagnols en février-mars 1939 (il est vrai pas très bien traités) et 800.000 émigrés italiens au cours des années 30. Plus proche de nous, la France a encore accueilli 120.000 boat people vietnamiens et cambodgiens en 1979. Autre temps, autres valeurs que celle de l’égoïsme et du fric. Et il est temps que cela change.
http://www.regards.fr/web/article/migrants-refugies-la-droite

MO2014

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Message  Copas Jeu 10 Sep - 17:04

Nous en avions déjà parlé et certains étaient dubitatifs, la question de l'exode des Syriens apparait maintenant au grand jour avec toute sa force, rendant l'exil du peuple palestinien petit à côté. En rappel à cette discussion, certains n'y croyaient pas, ne croyaient pas que la question deviendrait importante et incontournable pour l'UE mais ça a commencé.

De 8  à 10 millions de syriens sont sur les routes de l'exil interne et externe, dans les 4 millions sont déjà dehors, fuyant le fascisme syrien de Assad et maintenant les extrémistes religieux de Daesh, en attendant les pilonnages de l'aviation russe, US, française, anglaise, etc...

La famille du petit enfant qui est mort noyé en Turquie est représentative de ces fuites éperdues : Soulèvement de Damas, arrestations dans la famille, puis fuite éperdue à Alep, vie dans la terreur à Alep avec le pilonnage des fascistes d'Assad à coups de canons, futs d'explosifs enrichis au chlore, missiles, bombes, attaques de blindés, donc fuite éperdue à Kobané, attaque de Daesh sur Kobané, fuite de Kobané, camp en Turquie, répression puis fuite vers l'UE. L'histoire de cette famille est exemplaire, c'est l'histoire du soulèvement populaire syrien. Une grande partie du soulèvement contre la dictature est maintenant sur les routes de l'exode , celle qui n'a pas été assassinée, blessée et emprisonnée.

Une partie des syriens restés tente maintenant à nouveau de manifester .
Des manifestations ont redémarré dans une série de villes syriennes malgré les répressions et contre les répressions de al Nosra, Daesh et Assad. L'ensemble de ces factions armées s'épuisent , c'est pour cela qu'on entend parler d'interventions plus lourdes des états impérialistes (Russie comprise) et de la Turquie sur ce pays.
Ces manifestations qui se sont multipliées ces derniers mois sont-elles l'indication que le peuple syrien reprend des forces ? Il faudrait en savoir plus.

Toujours est-il que des des millions de syriens cherchent à s’échapper, les maltraitances des états accueillants (Liban avec les agressions du hezb, Jordanie avec les agressions du régime et de factions jordaniennes pro-assad, Turquie et les agressions policières et les interdictions de travailler) qui n'ont plus les moyens d'aider de telles masses de populations.

Ouvrons, ouvrez les frontières !

Il est nécessaire d'aider les syriens à s'organiser dans cette exode, comme pour tous les peuples de l’espace méditerranéen, afin de préparer la revanche contre les dictatures fascistes les régimes autoritaires , les forces religieuses contre-révolutionnaires,ceux des régimes parlementaires qui sont vendus au capitalisme, les monarchies violentes, etc. Afin de préparer la révolution socialiste.

C'est possible à condition qu'on aide, pas comme de lointaines luttes et des causes de bonnes sœurs de charité, mais au nom d'un combat commun .
Copas
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Message  MO2014 Mer 16 Sep - 0:07

Le discours sur les réfugiés syriens : un analyseur
Le 14 septembre 2015

Saïd Bouamama

11 septembre 2015

Dans un article intitulé « Le mur meurtrier de la méditerranée : l’assassinat institutionnel de masse de l’Union Européenne », publié sur ce site le 21 mars dernier, nous mettions en évidence la responsabilité de l’UE dans les milliers de morts chaque année en méditerranée dans des tentatives désespérées de fuir la misère et la guerre. Depuis la publication, le 2 septembre, par la presse turque et britannique de la photo d’un enfant de 3 ans mort sur une plage de Bodrum au sud de la Turquie, une vaste campagne médiatique présente une autre image de l’Union Européenne en général et de la France en particulier. Nous nous serions donc trompés ou un changement radical d’attitude et de politique serait survenu. A moins que nous ne soyons une nouvelle fois devant l’instrumentalisation politique d’un drame humain pour justifier une nouvelle intervention militaire. Les diverses réactions politiques et médiatiques à l’arrivée de ces réfugiés sont par ailleurs un excellent analyseur politique de notre société, de ses politiques et de ses médias.

Une « cécité » volontaire

A écouter nos politiques et nos médias, la découverte du corps du petit Aylan aurait mis en évidence l’ampleur du drame vécu par le peuple syrien. Ainsi donc ni les médias et leurs multiples spécialistes et experts, ni les gouvernements européens et leurs services de renseignements n’avaient auparavant mesurés l’ampleur du drame. Aucun ne pouvait imaginer que des enfants étaient victimes des guerres qui déchirent l’Irak et la Syrie. Cet aveu implicite d’une cécité politique et médiatique ne tient pas. Si cécité il y a, elle est volontaire comme en témoigne les sonnettes d’alarme qui ont été soigneusement tues par l’essentiel des grands médias et la majorité de la classe politique. Ainsi par exemple le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU souligne dans son communiqué de presse du 9 juillet 2015 que nous sommes en présence de « la plus importante population de réfugiés générée par un seul conflit en une génération. Cette population a besoin d’un soutien de la part du reste du monde mais, au lieu de cela, elle vit dans des conditions désastreuses et s’enfonce dans la pauvreté(1). »

Le même communiqué avance les chiffres suivants : 4 013 000 réfugiés dans les pays voisins de la Syrie (1 805 255 réfugiés syriens en Turquie, 249 726 en Iraq, 629 128 en Jordanie, 132 375 en Egypte, 1 172 753 au Liban et 24 055 en Afrique du Nord) et au moins 7,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie. Enfin le communiqué du HCR rappelle le caractère prévisible de l’augmentation du nombre de réfugiés syriens après cinq ans de guerre totale : « Le cap des quatre millions survient à peine 10 mois après que celui des trois millions ait été atteint. Au rythme actuel, le HCR prévoit que le chiffre d’environ 4,27 millions pourrait être atteint d’ici la fin 2015(2). » D’autres données du HCR mettent en exergue la hausse exponentielle du nombre de réfugiés : 92814 en juillet 2012, 1 512 160 en juillet 2013, 2 835 736 en juillet 2014, 4 094 091 en juillet 2015(3).

Tout le monde savait. Journalistes comme leaders politiques étaient au courant. Les classes dominantes d’Europe et des États-Unis espéraient simplement une nouvelle fois cantonner les réfugiés dans les pays voisins. C’est d’ailleurs ce qu’ils font classiquement pour tous les autres conflits qu’ils suscitent pour le contrôle du gaz, du pétrole et des minerais stratégiques. Ainsi en 2000, les seize millions de réfugiés reconnus par le HCR se répartissent comme suit : « Sur les 16 millions de réfugiés, 3,6 millions se trouvaient en Afrique, 9,1 en Asie, 2,3 en Europe et 0,6 en Amérique du Nord, et le reste en Amérique Latine et en Australie(4). » Terminons avec les données quantitatives en donnant un dernier chiffre du HCR pour l’année 2013 : les pays industrialisés n’accueillent que 14 % de l’ensemble des réfugiés(5).

Il s’agit clairement de cantonner la misère du monde produite par les politiques économiques des grandes puissances impérialistes d’une part et par les guerres pour le contrôle des matières premières d’autre part, à la périphérie des pays riches. Nous sommes en présence d’une des multiples déclinaisons de l’ultralibéralisme : privatiser les gains et socialiser les pertes et/ou les coûts.

Les hypocrites reconvertis

Nous avons assisté dans la semaine qui a suivi la diffusion de la photo du cadavre du petit Aylan à de subites reconversions à l’humanisme. Ainsi par exemple le député de droite des Alpes Maritimes Eric Ciotti écrit sur son compte Twitter dès le 3 septembre : « Image d’horreur insoutenable que celle d’une enfance sacrifiée. Indignation et écœurement face à l’inaction intolérable de la communauté internationale ». Le même estimait il y a à peine un mois, le 10 août, que « l’Union européenne doit engager sans plus attendre des opérations militaires visant à détruire les filières de passeurs à la source et créer des centres de rétention pour migrants dans les pays d’entrée en Europe(6) ».

Au PS la reconversion est tout aussi radicale. François Hollande annonçait lors du sommet européen extraordinaire sur le drame des migrants en Méditerranée, le 23 avril dernier, son intention de proposer une résolution à l’ONU pour détruire les bateaux des trafiquants. On se demande au passage comment les soldats chargés de cette tâche reconnaîtront les bateaux concernés. Il considère maintenant que l’accueil des réfugiés syriens « C’est le devoir de la France, où le droit d’asile fait partie intégrante de son âme, de sa chair(7) ». Après « l’esprit du 11 janvier » nous avons maintenant « l’âme et la chair de de la France ».

De nombreux médias ont repris ce mythe d’une France qui a toujours été ouverte aux opprimés du monde. S’il est indéniable que des militants et/ou des citoyens ont été accueillis en France dans le passé, il est en revanche mensonger de présenter ce fait comme massif, constant et intégré à « l’âme et la chair » du pays. Nous commençons à avoir l’habitude de ces envolées lyriques visant à écrire un roman national idéologique masquant la réalité historique contradictoire. En janvier 2015 la liberté d’expression était présentée comme une constante française occultant en passant les multiples interdictions des journaux, revues et livres qui s’exprimaient contre la guerre d’Algérie. En 2004 lors du vote de la loi sur le foulard à l’école c’est l’égalité entre les sexes qui est présentée comme une constante française occultant en même temps les inégalités présentes et les combats que les militantes féministes ont dut mener pour diminuer les inégalités réelles.

Certains médias ont même osé citer l’exemple des républicains espagnols fuyant le fascisme de Franco. Il n’est pas inutile de rappeler les conditions de cet accueil. Voici ce qu’en dit l’historien Marc Ferro :

Dès 1937, des réfugiés basques affluent, des instructions sont là, qui très vite, oublient les soucis humanitaires des premières semaines. On les fait retourner en Espagne par les Pyrénées orientales. (…). Dès l’automne 1937, Marx Dormoy, ministre de l’intérieur d’un gouvernement Front populaire, demande à la police d’établir un « barrage infranchissable » … Surtout, on montre le peu d’empressement des populations d’accueil à aider les réfugiés, souvent choquées par la passion politique de leurs hôtes(Cool

Plusieurs centaines de milliers de républicains furent « accueillis » dans des camps qu’ils durent eux-même construire. Les familles étaient séparées et les camps étaient entourés de barbelés et surveillés par des gardes mobiles. Les français qui voulaient les aider étaient contraints de jeter nourritures et habits au-dessus des barbelés.

Il n’y a aucune « âme et chair » française qui comporterait comme caractéristique essentielle l’humanisme et l’accueil des persécutés. Il n’y a également aucune reconversion à propos des réfugiés mais simplement des « reconversions hypocrites » mises en scènes médiatiquement à des fins d’instrumentalisation de l’émotion de l’opinion publique.

Le discours sur le tri

A part le Front National qui propose de « ne plus accueillir personne(9) », le consensus sur « l’âme et la chair » de la France réunit désormais la droite et partie importante de la « gauche ». Le second trait du consensus porte sur la nécessité du « tri » entre « réfugiés légitimes » et « réfugiés illégitimes », entre « vrais réfugiés » et « faux réfugiés ». Les propositions fusent et constituent un excellent analyseur de notre société, de sa classe politique et de ses médias lourds.

Le maire de Roanne, Yves Nicolin propose que le tri se fasse sur une base religieuse :

« Si la France décide d’accueillir sur son sol un certain nombre de familles, et qu’elle décide de les intégrer, c’est-à-dire de leur donner des papiers, et bien la ville de Roanne, je pense, pourra jouer ce rôle-là, accueillir peut-être une dizaine de familles mais à la condition qu’il soit bien question de réfugiés Chrétiens qui sont persécutés parce que Chrétien en Syrie par Daesh (…) Ce que je souhaite c’est qu’on puisse avoir l’absolue certitude que ce ne sont pas des terroristes déguisés. C’est la raison pour laquelle je pense que demander à ce que ce soit des Chrétiens peur représenter une garantie suffisante(10) «

Il est suivi dans cette proposition par Gérard Dézempte maire Charvieu-Chavagneux et par Damien Meslot maire de Belfort. Après l’étoile jaune permettant de distinguer les juifs dans le passé, il faudrait donc faire porter à l’avenir un croissant vert pour éviter les fraudes à l’asile politique. Ces positions sont certes marginales mais suffisent à souligner la banalisation de l’islamophobie en France. Elles indiquent qu’un verrou a sauté en matière d’islamophobie et que celle-ci fait désormais partie de la sphère du « légitime » dans le débat politique.

Mais le critère de « tri » le plus largement partagé et mentionné est celui de la différence entre « migrants » et « réfugiés ». De nombreux journalistes prennent un ton docte pour nous expliquer cette différence entre les uns qui seraient « économiques » et les autres qui seraient « politiques ». L’accueil des uns serait impossible et exigerait de la fermeté alors que l’accueil des autres serait nécessaire et exigerait de la solidarité. La distinction entre « réfugiés » et « migrants » est même présentée par un journaliste de Libération de la manière suivante :

« La crise humanitaire actuelle est traitée comme une aggravation, certes spectaculaire, mais une simple aggravation d’une « vague migratoire » qui, depuis des années, vient s’échouer sur les côtes européennes, aujourd’hui italiennes et grecques, hier espagnoles. Ce n’est pas un hasard si on parle de « migrants » ou de « clandestins » et non de « réfugiés ». Au fond, pour les Français, Aylan n’est qu’une victime de plus de cette « misère du monde » attirée par l’eldorado européen. Ces masses indifférenciées qui forcent nos frontières au péril de leur vie, et c’est le discours du Front national, ne sont que des « migrants-immigrés » venant au mieux voler le pain des Français, au pire importer le jihad. Le mot « migrant » est un cache-sexe sémantique qui permet de nier la spécificité du drame humain qui se joue à nos frontières, un mot connoté négativement : après tout, dans « immigrant », n’y a-t-il pas « migrant » ? Or, l’immense majorité de ceux qui cherchent à se rendre en Europe n’auraient jamais songé, il y a quelques années, à quitter leur pays : ils ne « migrent » que parce qu’ils fuient la guerre, les massacres, les persécutions, les viols, les tortures, la mort(11). »

Nous partageons le souci de ce journaliste d’une prise de mesure de l’urgence de la situation et de l’ampleur du drame. Cependant cette urgence ne doit pas nous faire oublier la communauté des causes et des responsabilités conduisant à l’émigration dite « économique » et à l’exil politique. Les mêmes puissances de l’OTAN imposent des règles économiques mondiales qui appauvrissent les plus pauvres les contraignant ainsi à l’émigration et interviennent militairement pour le contrôle des matières premières produisant systématiquement des drames humanitaires contraignant à la fuite des millions de personnes : Irak, Afghanistan, Libye, etc. Comme pour les réfugiés, les émigrés dits « économiques » n’auraient jamais songé, il y a quelques années, à quitter leur pays. L’insistance du gouvernement comme de l’opposition sur la distinction entre ces deux catégories de victimes n’a qu’un objectif : justifier le refus de séjour pour les émigrés économiques et même pour les réfugiés ne relevant pas des zones arbitrairement choisies par les pays riches comme étant dangereuses.

Il est vrai qu’une nouvelle fois les reportages et discours médiatiques ont été centrés sur les conséquences de la situation et non sur les causes. Tout se passe comme si brusquement nous étions en présence d’une tornade imprévisible et non face aux résultats prévisibles des déstabilisations stratégiques dans lesquelles nos gouvernants ont une responsabilité majeure. Le même silence sur les causes aboutit consciemment ou non à masquer la responsabilité des pétromonarchies dans l’offensive de Daesh. Il est vrai que celles-ci sont des amis de l’Europe et des États-Unis. Il conduit consciemment ou non à masquer la responsabilité de la Turquie dans l’offensive de Daesh par la guerre qu’elle mène contre les résistants kurdes. Il est vrai que la Turquie est membre de l’OTAN. Mais le discours médiatique se caractérise également par un autre silence assourdissant : celui concernant le massacre que l’armée Saoudienne et les armées des émirats commettent chaque jour au Yemen contre une révolte populaire. Il est vrai que ce sont « nos » alliés.

Si les propositions de tri entre réfugiés chrétiens et réfugiés musulmans révèlent l’enracinement de l’islamophobie, celle entre émigrés économiques et réfugiés politiques révèlent la campagne consensuelle (consciente ou non, le résultat est le même) visant à masquer les causes des crises qui secouent notre monde.

Une logique coloniale

Le discours sur le tri conduit inévitablement à des propositions de dispositifs. Il est donc proposé à droite comme à gauche de multiplier les centre de tri ou « hotspot ». En bonne logique coloniale, il est proposé d’installer ces nouveaux centres dans les pays méditerranéens et en Afrique même. Il s’agit ni plus ni moins que d’externaliser le « sale boulot » pour qu’il demeure invisible. Le fait que des pays membres de l’Union européenne soient concernés souligne simplement que la logique coloniale s’étend au sein même de l’Europe. La dernière « crise grecque » et son dénouement illustre que ce pays est traité comme le sont les anciennes colonies c’est-à-dire avec la même logique de mise en dépendance et de pillage.

Ces centres de tri existent déjà comme par exemple à Pozzallo en Italie. Il est géré par Frontex (l’agence européenne en charge des frontières(12)). Le centre de Pozzalo comme les autres sont régulièrement dénoncés par des militants des droits de l’homme comme attentatoires à la dignité des personnes :

« L’objectif ? Enfermer puis renvoyer les « mauvais » réfugiés chez eux, quitte à les maltraiter au passage et parfois les envoyer à la mort dans leurs pays d’origine. Ces prisons qui ne disent pas leur nom voient les policiers y utiliser la force pour obliger les réfugiés à donner leurs empreintes digitales qui sont ensuite enregistrées dans le fichier Eurodac. A Pozzallo, en octobre 2014, des récits, témoignages et enregistrements attestent des violences subies par les réfugiés dans ces centres. Plusieurs centaines de réfugiés avaient entamé une grève de la faim contre les prises d’empreintes forcées. A Pozzallo toujours, en mai 2015, des policiers utilisent des matraques électriques, notamment contre des mineurs qui refusent de donner leurs empreintes. Les policiers emploient également des techniques d’intimidation, les familles se voient menacées d’être séparées(13). »

La proposition de multiplier les « Hotspot » souligne l’absence de volonté d’agir sur les causes et le choix de ne se centrer que sur la gestion des conséquences en en externalisant les tâches les plus répressives.

∞∞∞

Mais alors que signifie cette « conversion » massive de Merkel à Hollande, de Sarkozy à Valls ? Comme pour le 11 janvier, la réponse est à rechercher dans les décisions qui sont prises à l’occasion de cette mise en scène médiatique et politique d’un humanisme européen exemplaire. Si le drame de janvier a débouché sur une décision prise à la quasi-unanimité de l’assemblée nationale de poursuivre les frappes aériennes en Irak, le drame de septembre se conclut par la décision de Hollande d’entamer des frappes aériennes en Syrie. Il n’y a même plus besoin de vote désormais et le consensus dans les déclarations est frappant. A l’unanimité tous les ténors de droite et du parti socialiste se sont déclarés favorables à ces frappes.


1 [http://www.unhcr.fr/559e2ca6c.html]

2 Ibid,

3 http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php#_ga=1.59556077.1786272980.1441787559

4 Jean-Claude Chasteland , La population mondiale à l’orée du XXIème siècle, in Jean-Claude Chasteland et Jean-Claude Chesnais (coord.) , La population du monde, Les Cahiers de l’INED, n° 149, Paris, 2002, p. 57.

5 http://www.unhcr.fr/53edc9a39.html

6 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/09/03/refugies-l-hypocrisie-d-eric-ciotti_4744749_4355770.html?xtor=SEC-33280887
7 http://www.lepoint.fr/societe/hollande-la-france-prete-a-accueillir-24-000-refugies-07-09-2015-1962619_23.php
8 Marc Ferro, Histoire de France, Odile Jacob, Paris, 2003.
9 Déclaration à l’université d’été du Front National, le 5 septembre 2015.
10 http://www.ouest-france.fr/roanne-le-maire-pret-accueillir-les-refugies-sils-sont-chretiens-3669778
11 http://www.liberation.fr/monde/2015/09/04/ne-dites-plus-migrant_1375999
12 Voir notre article de mars 2015 : https://bouamamas.wordpress.com/2015/03/22/le-mur-meurtrier-de-la-mediterranee-lassassinat-institutionnel-de-masse-de-lunion-europeenne/
13 http://www.huffingtonpost.fr/alexis-kraland/pozzallo-centre-tri-refugies_b_8089980.html

MO2014

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