Django unchained

[verié2]

Tarantino a parfaitement atteint son but : un hommage aux "westerns spaghetti" - Franco Nero, acteur habitué du genre, fait même une (trop) brève apparition. On est scotché de la première à la dernière seconde. Les principaux acteurs sont formidables, à commencer par le vieux serviteur noir, "oncle Tom", pire que ses propres patrons. Le films compte quelques scènes d'anthologie.

Reste l'aspect idéologique. Le réalisateur a repris la formule d'Inglorious Bastard : la violence, voire la cruauté, sont légitimes quand on frappe les "méchants". Mais ici, le choix de ces méchants est beaucoup moins consensuel et politiquement correct que dans Bastards. Car faire exterminer des nazis par des Juifs, ça ne dérangera personne aujourd'hui. Massacrer de riches esclavagistes blancs et rappeler que leur férocité valait justement celle des nazis fait beaucoup moins consensus. D'ailleurs Django a suscité une polémique. Tarantino a subi les tirs croisés de la droite conservatrice, qui l'a accusé d'avoir réalisé un film "anti Blancs" et de Spike Lee qui n'a pas apprécié qu'on fasse de l'humour à propos de l'esclavage et considère le film comme raciste. Pourtant, l'esclavage n'est pas traité ici avec légèreté mais dénoncé clairement dans toute sa barbarie.

La seule chose qu'on peut reprocher à Tarantino, c'est de vanter la vengeance et la violence individuelles et non la lutte collective, car les révoltes d'esclaves ont tout de même été nombreuses aux Etats Unis. C'est peut-être ce qui a déplu à Spike Lee (qui se vante pourtant de ne pas avoir vu le film et de ne pas avoir l'intention de le voir), mais on a tout de même l'impression qu'il se considère un peu comme propriétaire du sujet...

[Byrrh]

Pas très envie de refiler du blé pour un film de Tarantino : j'ai été bien échaudé par Inglourious Basterds, que sur un autre forum tu avais qualifié de "pornographie de la violence" (je dirais également : démagogie de la violence). Un film que j'avais vu, hélas, lors d'une projection à laquelle participaient quelques dizaines d'étudiants bruyants et un peu cons, qui applaudissaient ou lançaient des acclamations chaque fois qu'un crâne explosait. Pas envie de revivre ça...

[verié2]

Pas très envie de refiler du blé pour un film de Tarantino : j'ai été bien échaudé par Inglourious Basterds, que sur un autre forum tu avais qualifié de "pornographie de la violence" (je dirais également : démagogie de la violence). Un film que j'avais vu, hélas, lors d'une projection à laquelle participaient quelques dizaines d'étudiants bruyants et un peu cons, qui applaudissaient ou lançaient des acclamations chaque fois qu'un crâne explosait. Pas envie de revivre ça...

Ce côté pornographie de la violence est tout de même beaucoup moins marqué dans Django. Il y a certes une violence dite jubilatoire, mais elle se rapproche non seulement de celle des westerns spaghetti, mais de l'humour noir de certains westerns américains classiques où le tueur et sa victime prononcent toujours quelques bons mots avant de tuer et de mourir. De plus, la violence des esclavagistes n'est, elle, pas du tout jubilatoire, elle est montrée comme épouvantable, répugnante. Il est d'ailleurs rare, au cinéma, qu'elle soit montrée ainsi. Il ne s'agit pas que de la violence qui fait couler le sang, mais de la violence quotidienne, des conditions de vie imposés aux esclaves. On comprend parfaitement que cette barbarie a pour fonction de faire régner la terreur et de forcer à accepter la pire exploitation. Tarantino condamne clairement moralement cette violence, il n'en rigole pas, alors que dans des films comme Réservoir dogs, cette violence était purement gratuite et son regard était très ambigu.

Il faut ajouter que son regard sort parfois du manichéisme grossier de Inglorious Bastard pour se faire un peu plus subtil quand il montre les différences entre les esclaves exploités dans les champs et ceux qui servent directement les maîtres, leur psychologie de "collaborateurs". Le vieux majordome servile est génial.

Par ailleurs, j'ai visionné une interview TV de Tarantino et ce qu'il disait n'était pas mal du tout.

[Byrrh]

Bon, je vais peut-être me laisser tenter...

[verié2]

Bon, je vais peut-être me laisser tenter...

Ton avis m'intéresse quand tu l'auras vu.

J'ajouterai que Django a même un certain caractère subversif dans la mesure où le racisme n'a tout de même pas disparu aux Etats Unis et aussi où ce film montre que la richesse de ces grands propriétaires de plantation du sud, ce raffinement, cette "douceur de vie" si souvent vantée dans le cinéma et la littérature américaine, avec ces gentilles "mamas noires" ne fut possible que grâce à la barbarie de l'esclavage. Au delà de cette épisode abominable de l'histoire humaine, ce sont tout de même un peu les sociétés de classes et l'exploitation qui sont dénoncées. Car la richesse insolente des uns n'est possible que grâce à la misère des autres.

Enfin, il y a un personnage... blanc positif, un Allemand, qui précise qu'il doit peut-être son ouverture d'esprit au fait qu'il n'est pas né aux Etats Unis ! Peut-être Tarantino a-t-il voulu compenser le côté raciste anti-allemand de Inglorious bastards...

[sylvestre]

J'ai beaucoup aimé - certes ce n'est pas un film montrant qu'il faut s'organiser en parti d'avant-garde pour mener la révolution mondiale, mais comme le signale Vérié, les bons et les méchants sont choisis dans un sens résolument progressiste - comme en général chez Tarantino la violence a un côté BD, on peut appeler ça pornographique si on veut, mais comme je n'ai rien contre la pornographie en soi, ce n'est pas une critique pour moi. Il faut aussi signaler l'excellente bande musicale, là aussi une constante chez Tarantino. Un fil que je mettrais à côté de V pour Vendetta dans ce genre "film d'action subversif".

J'ai une autre réserve à faire que celles mentionnées par Vérié cependant, c'est que le film manque singulièrement de personnages féminins substantiels. Le scénario adhère explicitement au schéma du chevalier plein de courage et de ruse sauvant la pauvre princesse captive. Bon, on pourra me répondre que Tarantino a aussi fait les Kill Bill.

[Babel]

Je viens de le voir en DVD. Inglourious Basterds m'avait suffisamment gonflé pour que j'abandonne la projection en cours de route. Pour celui-ci, je suis globalement de l'avis du critique de ce site que j'aime bien : http://www.critikat.com/Django-Unchained.html

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