Pôle emploi se livrerait à des radiations abusives des demandeurs d'emploi pour des motifs tels que des retards à des entretiens ou des non-réponses à des appels téléphoniques, rapporte Le Canard enchaîné du mercredi 11 août.
L'hebdomadaire satirique pointe une pratique "qui se multiplie" : la radiation pour avoir manqué un entretien téléphonique. Concrètement, Pôle emploi fixe avec le chômeur un entretien téléphonique à un jour et une date précise. Toutefois, si celui-ci manque l'appel pour des raisons diverses (sanitaires, mauvaise manipulation du téléphone, etc.), alors le demandeur d'emploi peut être radié pour "absence au contrôle" et perd deux mois d'allocations.
Pour un entretien physique ou téléphonique, le processus est sensiblement le même : en cas d'absence, une "lettre d'information" est envoyée au chômeur qui peut alors présenter ses arguments. Pôle emploi prend ensuite la décision, ou non, de le radier de ses listes. Le demandeur peut alors présenter un recours auprès de l'agence ou auprès du Médiateur. Si la radiation est confirmée, le dernier recours consiste dans une procédure devant le Tribunal administratif.
Toutefois, le Canard souligne que "les bavures sont légions", comme lorsque le conseiller de Pôle emploi oublie d'appeler... mais radie le chômeur.
500.000 radiations par an "dont 95% pour absence à une convocation"
Le site Recours-radiation recense ainsi une multiplication de plaintes pour radiations abusives. Lillybell raconte ainsi avoir été radiée tout simplement parce que son conseiller a oublié de l'appeler, ou encore Jessica, radiée après avoir malencontreusement raccroché à la suite d'une mauvaise manipulation de son téléphone.
Outre l'entretien téléphonique manqué, le site rapporte de nombreux témoignages de radiations pour quelques minutes de retard lors de convocations à des entretiens physiques. Par exemple, Mélanie a été radiée pour un retard de 10 minutes. Toutefois, "le fait de n'avoir que 10 minutes de retard" ne constitue pas un élément suffisant pour modifier l'intention de priver cette personne d'allocations pendant deux mois, pointe sa décision de radiation.
Au fil des témoignages, on voit aussi Mimi, radiée pour son absence malgré la présentation d'un certificat médical pour grossesse difficile qui impose de ne pas se déplacer, ou encore Vinceavelo, radié alors qu'il avait prévenu de son absence, justement pour un entretien.
Chaque année, 500.000 radiations ont lieu, "dont 95% sont motivées par une absence à une convocation", précise à Nouvelobs.com David, administrateur de Recours-radiation.fr. "Depuis mars et la généralisation des convocations téléphoniques, ça devient du grand n'importe quoi..."
Pôle emploi conteste les accusations
Contacté par Nouvelobs.com, Pôle emploi réfute ces accusations de radiations abusives. "Une fois la lettre d'information envoyée, le demandeur d'emploi a 15 jours justifier de son absence", explique Pôle emploi. Il faut alors "présenter des motifs légitimes tels que des événements personnels et familiaux graves et imprévisibles, un entretien d'embauche, etc.", ajoute l'agence, précisant qu'"il y a toujours une possibilité de dialogue et de recours auprès de l'agence ou du Médiateur".
Quand Recours-radiations.fr parle d'"une multiplication des cas" de radiations pour absence, Pôle emploi note que ce type de radiations "représente moins de 5% des recours devant le Médiateur".
Le responsable du site pointe toutefois chez Pôle emploi un "laisser-aller" et une "non-prise en considération" de ces radiations. "Pôle emploi ne se rend pas compte de l'énorme pouvoir de sanction qu'il détient", estime David. "Du jour au lendemain des gens peuvent se retrouver sans rien. La sanction est disproportionnée surtout que la faute en soi - manquer un rendez-vous - n'a rien d'extraordinaire..."
(Boris Manenti - Nouvelobs.com)