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La défaite de la France en 1940

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verié2
sylvestre
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Message  sylvestre Mar 30 Nov - 17:45

verié2 a écrit:
sylvestre a écrit:Tout cela est vrai, mais y a peut-être du tri à faire. Son bouquin sur le "défaitisme contre-révolutionnaire" de la bourgeoisie française en 1940 et ses accointances avec le fascisme a l'air intéressant.

Je ne l'ai pas lu, mais j'ai lu des articles d'elle et mon fils l'a eu comme prof. Sur ce plan, elle se place sur un terrain complètement patriotique. C'est le reproche traditionnel fait par les staliniens aux "cent famille" d'avoir trahi la France pour prendre leur revanche de 36...

Peut-être, mais dans une certaine mesure peu m'importe : la thèse selon laquelle une bonne partie de la bourgeoisie française a effectivement pris son parti de la défaite pour en profiter pour instaurer un régime autoritaire en France, se débarasser du PCF de la SFIO et des syndicats me paraît quand même très crédible. J'aimerais bien sûr que des historiens trotskystes étudient la question à fond et la situent dans une optique politique qui ne laisse pas prise au patriotisme, mais à défaut ce que raconte Lacroix-Riz me semble utile.
sylvestre
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Message  verié2 Mar 30 Nov - 18:47

Sylvestre
la thèse selon laquelle une bonne partie de la bourgeoisie française a effectivement pris son parti de la défaite pour en profiter pour instaurer un régime autoritaire en France, se débarasser du PCF de la SFIO et des syndicats me paraît quand même très crédible.
Ca me semble tout de même caricatural : l'impérialisme français avait (et a toujours) ses intérêts à défendre face aux autres impérialismes, en particulier, à l'époque, l'impérialisme allemand qu'il avait déjà affronté en 14-18. Pourquoi donc lui aurait-il laissé le champ libre ? Pour se débarrasser de la SFIO ? Ses dirigeants avaient tout de même montré qu'ils se comportaient en gérants loyaux du capitalisme. Quant au PC-SFIC, il était très affaibli. N'oublions pas que la guerre vient après la répression de 1938, avec la chasse aux militants dans les entreprises, les listes noires etc. La bourgeoisie française, qui a de longues traditions de répression, se sentait certainement assez forte pour venir elle-même à bout du mouvement ouvrier, d'autant qu'on était dans une période de reflux : les Républicains venaient de perdre la guerre en Espagne, l'Etat français avaient interné les réfugiés.

Que la bourgeoisie, dans son immense majorité, se soit ensuite, après la défaite, appliquée à limiter les dégâts au maximum (pour elle) et à utiliser la situation, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Mais la thèse selon laquelle elle a organisé la défaite ne me parait guère crédible. A l'époque, la bourgeoisie française avait encore de grandes ambitions, l'impérialisme français n'était pas un impérialisme de second rang et, au lendemain de la guerre de 14-18, l'armée française était considérée comme la plus puissante du monde. Même si cette estimation était peut-être exagérée, la bourgeoisie française et ses élites vivaient dans cet état d'esprit. Seule une poignée de fascistes pro-nazis et pro-allemands pouvaient souhaiter la défaite. Même l'extrême-droite était d'ailleurs divisée face à cette défaite. L'Allemand était l'ennemi - et le rival - détesté.

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Message  gérard menvussa Mar 30 Nov - 18:49

cela dit, elle défend cette thése en participant aux activité du groupe d'extréme droite "solidarité et progrès", ce qui n'est pas gage d'un progressisme excessif, on va dire...
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Message  verié2 Mar 30 Nov - 19:03

Gérard Menvussa a écrit:cela dit, elle défend cette thése en participant aux activité du groupe d'extréme droite "solidarité et progrès", ce qui n'est pas gage d'un progressisme excessif, on va dire...

Le groupe de Cheminade est plus que douteux, mais peut-on le qualifier d'extrême-droite ? Même si c'est le cas, il est possible que AL-Riz se soit fait piéger par ces gens-là. Ou tout simplement qu'elle est soucieuse de faire la pub de son bouquin et s'exprime partout où elle le peut. C'est aussi une personne assez vaniteuse, qui n'hésite pas à vanter systématiquement ses ouvrages auprès de ses élèves...

Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de constater, à l'occasion de l'affaire des rouges-bruns, qu'elle faisait preuve d'une certaine légèreté, en reprenant comme source... Daeninckx, qui n'a rien d'un historien - c'est le moins qu'on puisse dire ! surtout quand il s'agit de l'ultra-gauche...

Et quoi qu'on puisse reprocher à AL-Riz, je ne crois pas une seconde qu'elle puisse s'acoquiner consciemment avec des antisémites.

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Message  sylvestre Mar 30 Nov - 19:10

La thèse de l'organisation de la défaite n'est pas, je crois, celle de Lacroix-Riz, en tout cas ce n'est pas celle que je crois crédible, mais plutôt celui d'un manque d'appétit pour mener la guerre, ce qui n'est après tout pas une mince affaire. Il faut ajouter que la bourgeoisie française n'avait guère à se plaindre, et que le régime de Vichy avait tout l'air de pouvoir bien tenir les colonies. Et il est tout de même très curieux de considérer comme négligeable l'écrasement du mouvement ouvrier dans son entier, même stalinien et social-démocrate.
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Message  verié2 Mar 30 Nov - 19:44

sylvestre a écrit:1) La thèse de l'organisation de la défaite n'est pas, je crois, celle de Lacroix-Riz, en tout cas ce n'est pas celle que je crois crédible, mais plutôt celui d'un manque d'appétit pour mener la guerre, ce qui n'est après tout pas une mince affaire.

2) Il faut ajouter que la bourgeoisie française n'avait guère à se plaindre, et que le régime de Vichy avait tout l'air de pouvoir bien tenir les colonies.

3) Et il est tout de même très curieux de considérer comme négligeable l'écrasement du mouvement ouvrier dans son entier, même stalinien et social-démocrate.

1) C'est tout de même globalement sa thèse - avec toutes les nuances que tu voudras... Et la thèse que tu sembles défendre est que l'impérialisme français n'aurait rien eu à perdre en perdant la guerre - ça ne me semble pas défendable. Que la bourgeoisie française n'ait pas été capable de se donner les moyens de mener une guerre plus efficace, qu'elle ait sous-estimé la puissance de l'armée allemande en raisonnant toujours avec les critères de 14-18, ça me semble plus probable. Tout le monde pensait qu'on était parti pour une longue guerre de positions, derrière la ligne Maginot etc.

2) Le vainqueur aurait inévitablement, à terme, renforcé ses positions coloniales au détriment du vaincu. Que, pour des raisons tactiques, il ne l'ait pas fait immédiatement est une autre affaire. Mais la guerre avait pour objectif un nouveau partage du monde, comme celle de 14-18. En 18, la France s'était emparée de possessions allemandes, comme le Cameroun. Tu n'imagines pas que Hitler allait laisser cela à l'impérialisme français ?

3) Mais, non, ce n'est pas négligeable. C'est ce qu'on a appelé "la divine surprise" pour toute une partie de la droite ! La bourgeoisie a vu bien entendu d'un très bon oeil la politique rétrograde de Pétain, elle a profité de la situation autant qu'elle le pouvait. Mais ce n'était pas une raison suffisante pour perdre la guerre face à son rival ! La bourgeoisie venait de montrer sa capacité à juguler le mouvement ouvrier. Et elle aurait pu le faire encore mieux, si la guerre avait duré, au nom de l'unité nationale. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que les communistes ont été persécutés et emprisonnés, leurs maires déchus, bien avant la défaite, au moment du pacte germano-soviétique, qui a servi de prétexte à la répression déjà engagée en 1938 avec les décrets lois Daladier (sauf erreur, je cite de mémoire). D'ailleurs les fichiers de militants établis en 1938, où a été créée une section anticommuniste dans la police, le SPAC (encore de mémoire), ont ensuite été utilisés sous Vichy.

Non, la bourgeoisie française était parfaitement capable de se débrouiller toute seule. On n'était plus 1871, ni même en 1936, où elle a eu peur, mais où les bourgeois les plus intelligents ont bien compris que Blum les servait, et Thorez derrière lui...
__
PS Ce fil aurait davantage sa place dans la section Théorie/Histoire...

verié2

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Message  sylvestre Mer 1 Déc - 11:43

verié2 a écrit:
3) Mais, non, ce n'est pas négligeable. C'est ce qu'on a appelé "la divine surprise" pour toute une partie de la droite ! La bourgeoisie a vu bien entendu d'un très bon oeil la politique rétrograde de Pétain, elle a profité de la situation autant qu'elle le pouvait. Mais ce n'était pas une raison suffisante pour perdre la guerre face à son rival ! La bourgeoisie venait de montrer sa capacité à juguler le mouvement ouvrier. Et elle aurait pu le faire encore mieux, si la guerre avait duré, au nom de l'unité nationale.

Je pense que justement en 1940 la bourgeoisie a réfléchi à cette éventualité et sa fraction dominante en a conclu que non, que l'armistice sous Pétain permettait à la fois de limiter les dégâts par rapport à l'impérialisme allemand et de détruire durablement le mouvement ouvrier, alors que la continuation de la guerre aurait nécessité la mobilisation de l'antifascisme populaire, celui-là précisément qui avait mené au Front Populaire. La suite des événements lui a donné tort sur le premier point (pour préserver l'empire français et sa propre domination en métropole il fallait en passer par la défaite de l'Allemagne) mais raison sur le deuxième (pas de victoire possible sans mobilisation de l'antifascisme populaire et des concessions à la classe ouvrière).
L'unité nationale derrière De Gaulle a été bien entendu contre-révolutionnaire en ce qu'elle était unité nationale. Mais je pense qu'on ne peut pas nier que la forme de cette unité était tout à fait inédite, notablement différente de la forme incarnée par le régime de Vichy, qu'elle est passée par un certain nombre de concessions partielles de la bourgeoisie à la classe ouvrière qui se sont concrétisées dans le programme du CNR et que c'est cette nouveauté qui explique la forme particulière de l'Etat bourgeois au lendemain de la guerre.
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Message  verié2 Mer 1 Déc - 12:11

Sylvestre, il me semble que tu mélanges deux aspects différents :
1)Les causes pour lesquelles l'impérialisme français a perdu la guerre,
2)Les causes des concessions à la classe ouvrière - compromis historique - au lendemain de la guerre de 1939-45.

1) La bourgeoisie aurait, si je te suis bien, préféré perdre la guerre que de mobiliser l'antifascisme populaire. Je ne suis pas convaincu que le problème se soit posé en ces termes. La bourgeoisie ne s'attendait pas - aucun commentateur de l'époque ne s'y attendait - à une débâcle militaire aussi rapide. Mais il y a eu tout de même eu une "vraie guerre" avant cette débâcle : 100 000 morts. C'est pas mal, même si on est loin des millions de morts de la guerre de 14-18. La bourgeoisie s'était donné les moyens de mener la guerre : ligne Maginot qui avait coûté des fortunes (et enrichi pas mal de gens, les mêmes parait-il que le mur de l'Atlantique...), aviation, artillerie et marine très modernes et matériel en quantité. Il ne manquait pas un bouton de guêtre.
Seuls les unités de chars étaient déficientes, mais c'était plutôt une question de conceptions stratégique que de moyens et de volonté.

Une fois la défaite consommée, bien sûr que la bourgeoisie n'allait pas mobiliser le peuple pour faire une nouvelle Commune, ou même pour proclamer "la patrie en danger" dans le style Valmy ! La bourgeoisie, comme classe installée, ne s'appuie que sur des appareils qu'elle contrôle bien. Elle a accepté la défaite et en a tiré les conclusions, pour essayer de limiter les dégâts en ce qui la concernait, mais elle n'a pas préparé cette défaite à l'avance - c'est invraisemblable à mon avis.

Par ailleurs, au début de l'occupation, le mouvement ouvrier et en particulier les communistes n'étaient pas beaucoup plus réprimés qu'ils ne l'étaient pendant la guerre. C'est avant la défaite que le PCF a été interdit. Faut-il rappeler que trois jeunes communistes ont été fusillés sous l'accusation de sabotage dans des usines d'aviation, au nom du "défaitisme révolutionnaire". (J'ignore s'ils avaient saboté ou non, le PCF évite d'en parler.) Et même un socialiste sous l'accusation d'avoir transmis des documents à l'Allemagne :

http://prisons-cherche-midi-mauzac.com/des-hommes/ces-quatre-fusilles-de-juin-1940-dont-on-ne-parle-pas-1227

Le PCF a par ailleurs engagé des pourparlers auprès des occupants allemands et des autorités de Vichy pour être à nouveau autorisé légalement, faire reparaître L'huma etc. De justesse, il n'a pas obtenu cette autorisation, mais il l'a obtenu en Belgique. Donc, jusqu'en 1941 - avec l'attaque de l'Allemagne contre l'URSS -, ni la bourgeoisie française ni les occupants allemands n'ont réprimé plus durement les communistes qu'auparavant, vu qu'ils s'opposaient à la guerre menée par l'impérialisme anglais, toujours au nom du défaitisme révolutionnaire, prétexte pour justifier l'alliance Hitler-Staline.

Si la bourgeoisie avait organisé la défaite pour se débarrasser de l'aile la plus combative du mouvement ouvrier, elle aurait donc fait un mauvais calcul.

2) C'est un autre sujet. Bien sûr que le ralliement du PCF à De Gaulle a contribué à tracer les traits de l'Etat français d'après guerre. Mais ce compromis historique a eu lieu dans tous les pays où le PC était fort au lendemain de la guerre, notamment l'Italie, où la bourgeoisie a tout de même joué au départ une carte très différente. Le compromis historique fut une ligne générale du mouvement stalinien... La prospérité du capitalisme a permis ensuite de prolonger ce compromis jusqu'à aujourd'hui... Ca demanderait une longue discussion.

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Message  sylvestre Mer 1 Déc - 13:55

Il n'y a pas que le PCF - le mouvement ouvrier c'est notamment le mouvement syndical, or, toutes les confédérations sont dissoutes par décret le 9 novembre 1940. Excuse du peu !

La défaite de la France en 1940 1940_11_30_VO_Clandestine

Par ailleurs c'est toute la politique de la bourgeoisie au fil des années 30 qu'il faudrait passer en revue. On ne peut pas se contenter d'observer sa stratégie en juin 1940.
En résumé la stratégie de la bonne entente avec les puissances fascistes a prévalu sur l'appui sur l'antifascisme populaire, pour les raisons que tu dis ("La bourgeoisie, comme classe installée, ne s'appuie que sur des appareils qu'elle contrôle bien."). C'est tout aussi vrai en Grande-Bretagne qu'en France. Il n'y a qu'en Espagne et très partiellement qu'une partie de la bourgeoisie a cherché à s'appuyer sur l'antifascisme populaire, avec comme résultat une quasi-révolution.
Donc le raisonnement "plutôt Hitler que le Front Populaire" (en fait "plutôt le risque d'Hitler que le risque de révolution qu'un Front Populaire a pu faire entrevoir") était un sentiment largement répandu, et qui a clairement joué son rôle dans la défaite française, comme dans la politique britannique jusqu'en 1940.
Il est d'ailleurs frappant quand on examine la propagande pour l'effort de guerre y compris au Royaume-Uni d'y trouver de nombreux appels aux valeurs ouvrières, à la défense du droit syndical etc.

http://academia.edu.documents.s3.amazonaws.com/738325/Wales_and_the_Second_World_War.pdf
Like the wireless, the cinema could only successfully encourage British unity
if it acknowledged differences rather than created an illusionary sameness. Fictional
and documentary films thus acknowledged Britain’s class and regional diversities at
the same time as depicting the British as a stoic, heroic and resourceful people. This
was evident in productions like Millions Like Us (1943), a heroic but tension-filled
picture of the struggles, dilemmas and hardships shared by the different kinds of
British people. Its characters included Gwen, a Welsh factory girl in England, whose,
according to the film’s press book, ‘wise-cracking remarks hide a kind heart’.98 The
Silent Village (1943), a film starring ordinary people as well as actors, showed the
Nazi occupation of a Welsh village where unions, strikes and the Welsh language
were banned and, after the assassination of a local German official, the men were
executed whilst singing Hen Wlad fy Nhadau.
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Message  verié2 Mer 1 Déc - 14:49

C'est certain que la bourgeoisie française - ou britannique - avait davantage de sympathie pour Hitler, Franco et Mussolini que pour Staline, et surtout que pour les ouvriers allemands, espagnols et italiens... - même si elles ont ensuite conclu un deal avec Staline contre l'ennemi principal : l'impérialisme allemand. Mais la bourgeoisie aimait bien ces dictateurs... chez eux. Leur sympathie n'allait pas jusqu'à envisager de leur remettre une partie de leurs biens et de leurs possessions.

La bourgeoisie française n'était plus menacée par le Front Populaire (qu'elle a d'ailleurs bien domestiqué avec l'aide de la SFIO et du PC-SFIC) au moment de la guerre. Mais elle ne pouvait pas s'appuyer sur le PC-SFIC pour réaliser l'Union sacrée style 14-18, pour la bonne raison que le PC était sur la ligne de Staline, contre la guerre à l'Allemagne. Sinon, si l'URSS avait été en guerre plus tôt, si Munich et le pacte germano-soviétique n'avaient pas eu lieu, rien ne dit que la bourgeoisie française n'aurait pas utilisé les "valeurs anti-fascistes patriotiques", la défense des acquis ouvriers etc, pour utiliser le PC, la SFIO et les syndicats comme sergents-recruteurs de la guerre impérialiste, comme De Gaulle l'a fait plus tard.

En ce qui concerne le PS, il était parcouru de courants pacifistes, comme l'ensemble de la société française. On n'était plus en 14-18 où les soldats partaient la fleur au fusil. Les gens avaient le souvenir de la grande guerre, des souffrances, et pas envie de remettre ça. Si Hitler a réussi à faire passer ça, c'est en présentant l'Allemagne comme une victime et en détruisant le mouvement ouvrier, et non en enrôlant les syndicats comme en 14-18. Donc, l'ambiance n'était pas propice à la mobilisation patriotique. Mais, encore une fois, ce n'est pas pour autant que la bourgeoisie était résignée à céder sa place en Europe et dans le monde à la bourgeoisie allemande.

Après la défaite, elle n'allait pas la "jouer Valmy", d'autant qu'elle n'avait personne sur qui s'appuyer, même si elle l'avait voulu. Le PC n'a pas non plus joué les super patriotes à ce moment, mais deux ans plus tard.
Une levée en masse de style 93 n'aurait rien apporté à la bourgeoisie : peu de perspectives de renverser le rapport de force avec l'Allemagne, et le risque d'être débordée par la population.

De Gaulle lui-même s'est assuré qu'il encadrait bien le mouvement de résistance, qu'il, n'y avait pas ou peu de risques de débordement, grâce essentiellement au PC et à la politique de Staline, ce qui lui a permis de maintenir en place l'appareil d'Etat bourgeois. D'ailleurs la Résistance a été menée beaucoup plus au nom du patriotisme qu'au nom de l'anti-fascisme.

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Message  sylvestre Mer 1 Déc - 17:14

verié2 a écrit:
La bourgeoisie française n'était plus menacée par le Front Populaire (qu'elle a d'ailleurs bien domestiqué avec l'aide de la SFIO et du PC-SFIC) au moment de la guerre.

Ce n'est pas tellement le Front Populaire dont il est question, c'est la classe ouvrière, qui avait montré en 36 ce dont elle était capable. Est-ce que ce n'était plus une menace pour la bourgeoisie en 1940 ? On ne voit pas pourquoi elle aurait pensé que le danger d'une nouvelle flambée révolutionnaire était nul.


Mais elle ne pouvait pas s'appuyer sur le PC-SFIC pour réaliser l'Union sacrée style 14-18, pour la bonne raison que le PC était sur la ligne de Staline, contre la guerre à l'Allemagne. Sinon, si l'URSS avait été en guerre plus tôt, si Munich et le pacte germano-soviétique n'avaient pas eu lieu, rien ne dit que la bourgeoisie française n'aurait pas utilisé les "valeurs anti-fascistes patriotiques", la défense des acquis ouvriers etc, pour utiliser le PC, la SFIO et les syndicats comme sergents-recruteurs de la guerre impérialiste, comme De Gaulle l'a fait plus tard.

Effectivement, de fait, De Gaulle l'a fait, donc ça répond à la question. Mais le fait qu'il n'ait pu le faire que dans des circonstances tout à fait apocalyptiques montre que la chose n'était pas évidente du tout. Il était du coup en concurrence avec la France vichyste qui elle cherchait à faire l'union nationale (et internationale, avec d'autres alliés que De Gaulle) contre le communisme.

La défaite de la France en 1940 Photo0082


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Message  Roseau Mer 1 Déc - 17:37

Petite pierre dans les guêtres...

On peut discuter du degré de division de la bourgeoisie sur la question.
Mais n'oublions pas, pour faire la guerre, que la bourgeoisie doit disposer d’une armée.
Or les officiers, qui composaient d’ailleurs une fraction de cette bourgeoisie,
d’après plusieurs témoignages que j’ai recueilli auprès d’eux,
voulaient « faire la guerre à Staline, pas à Hitler ».

En plus de leur position de classe, et opinions violemment anti-communistes,
si ils avaient certes battu l’armée allemande en 1918,
ils avaient perdu quelques années plus tard la guerre contre les communistes russes.

Resterait aux historiens à vérifier leur combativité dans les jours décisifs de la débâcle.
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Message  verié2 Mer 1 Déc - 18:10

Bon, pas de chance, mon dernier post a sauté au cours de la mutation du sujet. Je le réécris...

Sylvestre
Ce n'est pas tellement le Front Populaire dont il est question, c'est la classe ouvrière, qui avait montré en 36 ce dont elle était capable. Est-ce que ce n'était plus une menace pour la bourgeoisie en 1940 ? On ne voit pas pourquoi elle aurait pensé que le danger d'une nouvelle flambée révolutionnaire était nul.
L'existence de la classe ouvrière est un danger permanent pour la bourgeoisie. Mais il y a des périodes où elle est plus dangereuse - ou semble plus dangereuse - que d'autres. Or, en 1940, on était dans une période de reflux.

La question qui se pose est : la bourgeoisie se trouvait-elle dans une positions si périlleuse qu'elle avait besoin des armées allemandes pour défendre son pouvoir, quitte à perdre une partie de ses biens et de ses positions ? La réponse est non de toute évidence. On n'était pas en 1871, quand Bismarck, sans intervenir directement, a donné un sérieux coup de main à Thiers contre les Communards... qui avaient tout de même pris le pouvoir !

Roseau
les officiers, qui composaient d’ailleurs une fraction de cette bourgeoisie,
d’après plusieurs témoignages que j’ai recueilli auprès d’eux,
voulaient « faire la guerre à Staline, pas à Hitler ».
Une des composante essentielle de l'idéologie militaire, c'est le nationalisme. De plus, l'Allemand était "l'ennemi héréditaire" détesté. La plupart des officiers supérieurs avaient fait 14-18. Leur anti-communisme n'allait pas jusqu'à capituler sans combat devant l'armée allemande.

Il faut d'ailleurs noter que les Etats impérialistes occidentaux et leurs appareils militaires se sont très bien accommodés de l'alliance avec Staline. Aux Etats-Unis, qui ne sont pas particulièrement philosoviétiques, pendant la guerre, on tournait des films de propagande montrant Staline comme un personnage super sympa.
Churchil, tout ultra réac qu'il soit, a lui aussi participé à cette alliance. Et, en France, à la fin de la guerre, le corps des officiers, réunifié derrière De Gaulle, s'est aussi très bien adapté à "l'amitié franco soviétique".

En fait, Lacroix-Riz nous sert la thèse stalino-patriotarde traditionnelle, selon laquelle le peuple est patriote et la bourgeoisie traître, qui remonte à la révolution française, avec les armées de royalistes émigrés alliées aux monarchies européennes.

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Message  gérard menvussa Mer 1 Déc - 18:56

J'ajouterais que son ire ne s'applique pas qu'a la "bourgeoisie vendue aux allemand", il suffit de lire sur son site la manière "toute particuliére" dont elle rend compte des gréves de 47 à Renault et du rôle néfaste qu'elle fait jouer au "groupe Bois"....

sans oublier la rapide conversion "réactionnaire" de
Pierre Bois, champion de la grève au département 6, dont le mouvement (l'Union
communiste) avait été doté de moyens d'organisation et de propagande nouveaux depuis la
mi-février : fondateur du squelettique et fugace "Syndicat démocratique Renault" (juin 1947-
1950), lié au "syndicat autonome des PTT", le gauchiste débridé d'avril 1947 avait créé une
"organisation qui, en 1947, /était/ toujours à la pointe des luttes et prête à déborder la CGT sur
sa gauche, /mais qui/ à partir de 1948 se trouv/ait/ hostile à pratiquement tous les mouvements
de grève qui se déclenchent à la Régie" (136).
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Message  Vals Mer 1 Déc - 19:00

Il y a bien longtemps que je n'ai pas été d'accord avec Vérié, au moins en partie.
Ou plutôt que Vérié retrouve, au fond sa poche, sa boussole cabossée qui lui rappelle vaguement quelques fondamentaux du marxisme, même si comme beaucoup d'autres il a passé l'expérience bolchevique et trotskiste aux oubliettes.

Dès les mois qui ont suivi les trahisons du front populaire, la classe ouvrière s'est démobilisée en tant que classe.
Les socialos au pouvoir ont montré qu'ils savaient choisir entre le camp qui les avaient amenés au pouvoir et leur véritable appartenance de classe :
tout sauf le front populaire dit on pour les bourgeois réacs , tout sauf la révolution sociale ont démontré par leur politique le PS et le PC.......
Croire qu'en 39/40, la bourgeoisie française dans son ensemble avait encore dans ses tripes la sainte trouille de 36 est une erreur .
La bourgeoisie était encore partagée mais préférait évidemment résister à l'impérialisme d'outre-Rhin : Pétain/De Gaulle, deux fers au feu....
Si une alliance temporaire avec Staline pouvait être utile aux intérets de la bourgeoisie française contre sa rivale allemande, pourquoi pas ?
En même temps, compte tenu de l'incertitude des perspectives militaires, Petain pouvait être un élément de temporisation avec la bourgeoisie allemande et permettait aux exploiteurs français de rester dans la course, même affaiblis.
Contradictions internes à la bourgeoisie et à son appareil d'état : rien d'exceptionnel, et rien ne justifiant le fait de s'aligner comme l'a fait le PC derrière l'une des deux perspectives "nationales" .

Lacroix Riz , comme tous les stals, choisit l'alignement derrière la fraction "patriotique " de la bourgeoisie française incarnée par De Gaulle et tous les ex-pétainistes qui l'ont rejoint après 42 ...
C'est évidemment l'une des pires trahisons du PcF dans son histoire qui n'en manque pourtant pas ...
Et la légende continue, relayée y compris par certains "trotskistes" à la dérive qui continuent, faute d'un bilan sérieux en 45, de se revendiquer de la "résistance" nationale, en continuant à s'associer aux "bourgeois pensant français".
Ce n'est ni chez des Lacroix Riz, ni chez les nostalgiques du programme stalino-gaulliste de 45 (attac et autres réformards ) que les marxistes révolutionnaires peuvent aller puiser quoi que ce soit d'utile pour l'avenir : quelle que soit la phraseologie radicale qu'il peuvent momentanément adopter, sincèrement ou cyniquement.
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Message  Roseau Mer 1 Déc - 19:15


Une des composante essentielle de l'idéologie militaire, c'est le nationalisme.

Exact, une composante. La position de classe et l'idéologie farouchement anti-communiste en est une autre.
Il convient d'expliquer la débâcle.
Les officiers en question étaient loin d'être trotskiste, de savoir que Staline ne souhaitait aucune révolution.
Ils participaient de l'idéologie catho et bourgeoise:
"Staline et ses communistes, sinon du troquet du coin, du moins venus des steppes barbares,
couteau entre les dents, vont dissoudre les familles, violer les femmes, interdire la messe, et prendre notre maison!"

La Ligne Maginot était trop courte, mais l'explication de la défaite demande plus d'une ligne.
Les conditions elles-mêmes de la défaite, presque en rase campagne,
avec des unités coupées de toute instruction de l'EM pendant des jours...
demande aussi explication.
Par ailleurs, combien d'officiers ont rallié le "nationaliste" De Gaulle?
En 1940 bien sûr. Ne parlons pas de ceux qui ont volé au secours de la victoire.
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Message  verié2 Jeu 2 Déc - 10:02

Roseau
Par ailleurs, combien d'officiers ont rallié le "nationaliste" De Gaulle?
En 1940 bien sûr. Ne parlons pas de ceux qui ont volé au secours de la victoire.
Il ne faut pas utiliser la grille de 1945, ou celle d'aujourd'hui qui en est issue, pour comprendre l'attitude des officiers, fonctionnaires etc en 1940. En 1940, Pétain, malgré la capitulation, apparaissait à la majorité de ces gens-là, et même de la population toute entière, comme le meilleur garant des "intérêts de la France" - c'est à dire le meilleur représentant du nationalisme. On lui avait fabriqué l'image du "vainqueur de Verdun". D'ailleurs, question nationalisme, le régime de Vichy en rajoutait un maximum.

Par ailleurs, si nous savons aujourd'hui que l'Axe - Allemagne nazie, Japon, Italie, Hongrie - a perdu la guerre, si ça nous parait évident que le rapport de forces ne lui était pas favorable, ce n'était pas du tout le cas en 1940. Il aurait fallu être visionnaire en 1940 pour imaginer le débarquement américain de juin 1944 - à ce moment-là, ni l'URSS ni les Etats Unis n'étaient en guerre. Beaucoup de gens pensaient donc que la victoire de l'Allemagne en Europe serait durable. Du point de vue de la bourgeoisie, il fallait donc s'adapter à cette situation - ce qui ne veut pas dire non plus qu'elle l'avait prévue en 1939 au moment de la déclaration de guerre !

Il n'y a pas eu de véritable "résistance" armée avant l'entrée en guerre de l'URSS. Même De Gaulle, dans son fameux appel du 18 juin, n'appelait pas du tout à la lutte armée. Il appelle même à "ne pas tuer d'Allemands".
Quant au PC - clandestin -, il était en pleine déconfiture depuis la signature du pacte germano-soviétique, désorganisé et divisé en plusieurs tendances hostiles. Une grande partie des maires et des élus avaient renié leur parti au moment du pacte, par hostilité à ce pacte ou par opportunisme et éviter la destitution et la répression. Le PC ne s'est refait une santé dans la lutte patriotique que beaucoup plus tard.

Cette résistance n'a d'ailleurs jamais été le mouvement de masse porté par une grande partie de la population qui a été popularisé par la propagande ensuite. Elle n'a concerné, surtout au début, qu'une toute petite minorité. Exemple : à Paris, à une époque, le PC n'avait pratiquement personne d'autre pour mener des actions armées que les militants de la MOI du groupe Manouchian. Ces gens-là apparaissaient aux yeux d'une grande partie de la population comme des terroristes aussi allumés que ceux des Brigades rouges en Italie. Le PCF s'est présenté comme "le parti des 100 000 fusillés", puis des 75 000 - en fait il y en aurait eu moins de 5000 fusillés tous partis confondus, soit moins de victimes qu'au Chili de Pinochet (10 000), et qu'en Argentine (30 000). Si on compare avec des pays où ont eu lieu de véritables luttes de libération nationale, comme l'Algérie, les victimes se comptent par centaines de milliers. Même "la drôle de guerre" de 39-40 a fait bien plus de victimes.

La fameuse "bataille du rail", objet de légendes, récits et films, n'a tout de même pas eu une grande ampleur.
Jamais par exemple un train de déportés n'a été bloqué pour organiser l'évasion en masse, même en 1944-45, quand l'armée allemande était en difficulté.

Bref, la masse des "nationalistes" n'ont rallié la résistance qu'à la veille de la victoire. Et il faut comprendre aussi que ce qui caractérise le corps des officiers, comme celui de la police, de la gendarmerie, de la haute administration etc, c'est avant tout la discipline et la fidélité au pouvoir en place. On leur servait largement ce qu'il fallait de soupe nationaliste pour qu'ils aient la conviction de "servir la France".




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Message  Invité Jeu 2 Déc - 12:56

Vals a écrit:Il y a bien longtemps que je n'ai pas été d'accord avec Vérié, au moins en partie.
Ou plutôt que Vérié retrouve, au fond sa poche, sa boussole cabossée qui lui rappelle vaguement quelques fondamentaux du marxisme, même si comme beaucoup d'autres il a passé l'expérience bolchevique et trotskiste aux oubliettes.
Je suggère aux modérateurs de supprimer ce passage plein d'infatuation, qui plus est totalement hors-sujet.
Quand je lis Vérié, je n'ai franchement pas l'impression qu'il ait "passé l'expérience bolchevique et trotskiste aux oubliettes". Tout du moins, pas plus qu'une certaine organisation qui confond le centralisme démocratique avec le caporalisme et le fonctionnement de clique.

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Message  sylvestre Jeu 2 Déc - 13:35

[quote="verié2"]
Roseau
Même De Gaulle, dans son fameux appel du 18 juin, n'appelait pas du tout à la lutte armée. Il appelle même à "ne pas tuer d'Allemands".

Non, il n'y a pas d'appel à "ne pas tuer d'Allemands" dans le texte du 18 juin, qui n'est certes pas axé non plus sur un appel à la guérilla. L'axe central du texte peut paraître assez curieux avec le recul, mais témoigne de la grille d'analyse technique du technicien militaire De Gaulle, c'est l'importance d'un armement moderne :

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui. (...) Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Evidemment l'intérêt de réunir cet armement supérieur c'était de battre l'Allemagne, en tuant des allemands, cela va sans dire.

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Message  verié2 Jeu 2 Déc - 14:28


OK, il ne le dit pas dans le discours du 18 juin, mais il le répète plusieurs fois ensuite, et ça ne change rien sur le fond. Dans le discours du 18 juin, il appelle surtout les militaires basés à l'étranger et dans les colonies à se placer sous ses ordres. Il envisage une deuxième manche menée par des armées traditionnelles aux côtés des Anglais.
Épisode 6 – (7 juin 2010) : « 23 octobre 1941 : Paris sous couvre-feu le soir » : En France, des Résistants abattent deux officiers allemands à Nantes et Bordeaux. Les représailles allemandes sont immédiates : une centaine d’otages sont fusillés. De Gaulle fait un discours le 23 octobre au soir : il appelle à ne pas tuer d’Allemands,
Sources http://www.appeldu18juin70eme.org/a-l-affiche/sur-les-ondes/les-francais-parlent-aux-francais.html


Pour en revenir au fond de l'affaire, De Gaulle fut très prudent par rapport à tout ce qui aurait pu ressembler à un armement et des actions armées incontrôlées. La bourgeoisie, qu'elle soit pétainiste ou gaulliste, ne conçoit la guerre que sous le contrôle strict de son personnel politique fidèle. La grande "innovation" de De Gaulle est d'avoir enrôler le PC de cette façon. Mais en fait, ce n'était pas si neuf que ça, sous couvert de lutte anti-fasciste, de libération etc; ce n'était que la réédition de l'Union sacrée de 1914, contre l'occupant cette fois. Union sacrée qui s'est poursuivie à la libération, quand le mot d'ordre du PC a été "Travailler, produire, reconstruire la France."

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Message  sylvestre Jeu 2 Déc - 15:23

verié2 a écrit:
De Gaulle fait un discours le 23 octobre au soir : il appelle à ne pas tuer d’Allemands


Le discours est très clair : tuer des allemands et pour lui légitime et normal, mais il appelle à cesser provisoirement les attentats pour des raisons tactiques, a priori pas idiotes.

Nous savions bien que l'Allemand est l'Allemand. Nous ne doutions pas de sa haine ni de sa férocité.

Nous étions certains que ce peuple déséquilibré ne contraindrait pas longtemps sa nature et qu'il irait tout droit au crime à la première crise de peur ou de colère.

Parce que deux des bourreaux de la France ont été abattus à Nantes et à Bordeaux au beau milieu de leurs canons, de leurs chars et de leurs mitrailleuses par quelques courageux garçons, l'ennemi prend au hasard, à Paris, à Lille, à Strasbourg, 100, 200, 300 Français et les massacre.

Naturellement, les malheureux qui, à Vichy, s'épouvantent eux-mêmes des horreurs qu'ils ont causées par leur capitulation, se répandent en imprécations, non point du tout contre l'ennemi, mais contre ceux qui le frappent. Nous avons entendu hier la voix tremblante du vieillard que ces gens ont pris comme enseigne, qualifier de " crime sans nom " l'exécution de deux des envahisseurs.

Dans cette phase terrible de sa lutte contre l'ennemi, il faut que le peuple français reçoive un mot d'ordre.
Ce mot d'ordre, je vais le lui donner. Il vient du Comité National Français qui dirige la nation dans sa résistance. Voici !

Il est absolument normal et il est absolument justifié que les Allemands soient tués par les Français. Si les Allemands ne voulaient pas recevoir la mort de nos mains, ils n'avaient qu'à rester chez eux et ne pas nous faire la guerre. Tôt ou tard, d'ailleurs, ils sont tous destinés à être abattus, soit par nous, soit par nos alliés.

Ceux d'entre eux qui tombent en ce moment sous le fusil, le revolver ou le couteau des patriotes ne font que précéder de peu tous les autres dans la mort. Du moment qu'après deux ans et deux mois de batailles ils n'ont pas réussi à réduire l'univers, ils sont sûrs de devenir chacun, et bientôt, un cadavre ou au moins un prisonnier.

Mais il y a une tactique à la guerre. La guerre des Français doit être conduite par ceux qui en ont la charge, c'est-à-dire par moi-même et par le Comité National. Il faut que tous les combattants, ceux du dedans comme ceux du dehors, observent exactement la consigne. Or, actuellement, la consigne que je donne pour le territoire occupé, c'est de ne pas y tuer ouvertement d'Allemands. Cela, pour une seule mais très bonne raison, c'est qu'il est, en ce moment, trop facile à l'ennemi de riposter par le massacre de nos combattants momentanément désarmés. Au contraire, dès que nous serons en mesure de passer à l'attaque, vous recevrez les ordres voulus.

Jusque-là, patience, préparation, résolution. Cependant, pour pouvoir attaquer dans de bonnes conditions, il faut définitivement arracher toute autorité aux collaborateurs de l'ennemi. Vichy qui a livré nos armes, Vichy qui interdit à la flotte et à l'Empire de bouger, sauf pour combattre les Français et leurs alliés, Vichy qui collabore avec les assassins, Vichy qui tient les mains de la France pendant que l'ennemi l'égorge, doit rencontrer dans tous les domaines l'opposition complète et incessante du peuple français. Jusqu'à ce que la justice nationale ait pu s'abattre sur Vichy, tout ce qui est de Vichy n'a droit qu'au mépris public, à commencer, bien entendu, par le principal responsable du désastre militaire, de l'Armistice déshonorant et du malheur de la France : le Père-la-Défaite de Vichy.

La France, avec nous!


Vérié :

Pour en revenir au fond de l'affaire, De Gaulle fut très prudent par rapport à tout ce qui aurait pu ressembler à un armement et des actions armées incontrôlées. La bourgeoisie, qu'elle soit pétainiste ou gaulliste, ne conçoit la guerre que sous le contrôle strict de son personnel politique fidèle. La grande "innovation" de De Gaulle est d'avoir enrôler le PC de cette façon. Mais en fait, ce n'était pas si neuf que ça, sous couvert de lutte anti-fasciste, de libération etc; ce n'était que la réédition de l'Union sacrée de 1914, contre l'occupant cette fois. Union sacrée qui s'est poursuivie à la libération, quand le mot d'ordre du PC a été "Travailler, produire, reconstruire la France."

C'était quand même beaucoup plus audacieux et risqué pour De Gaulle que la stratégie de 1914, précisément parce que les forces armées communistes étaient semi-indépendantes. La suite a montré que le risque était justifié... en France, parce qu'en Yougoslavie ou en Grèce par exemple les choses ont été plus compliquées.
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Message  verié2 Jeu 2 Déc - 15:46

Alors, De Gaulle s'est contredit...
On peut supposer qu'après avoir été hostile à des actions armées "spontanées" sur le territoire français, il les a ensuite reprises à son compte, "récupérées"...

Cela-dit, je suis d'accord avec Sylvestre que son choix était un peu plus risqué qu'en 14-18. Néanmoins, De Gaulle comptait avant tout sur la fraction de l'appareil d'Etat et militaire installée dans les colonies. C'est à partir de ces appareils, ou de fractions de ces appareils, qu'il a construit "La France libre" et une armée tout à fait traditionnelle qui comptait 430 000 hommes. A côté de cela, les quelques groupes de guérillas ne pesaient pas lourd. D'ailleurs, si le PCF n'avait pas été là pour faire rendre les armes, ou avait choisi une autre politique, les troupes "libres" de l'extérieur auraient facilement écrasé les groupes de résistants de l'intérieur - avec en plus l'aide de l'appareil d'Etat de l'intérieur, gendarmes, policiers etc. Un peu comme l'armée des frontières de Boumedienne s'est imposée aux katibas de l'intérieur. Et encore, le rapport de forces était certainement moins écrasant en faveur de Boumedienne qu'en faveur de De Gaulle...
On peut noter d'ailleurs que ce sont ensuite des bataillons de la France dite "libre" qui ont été envoyés en Indochine...

Donc, la présence de ces forces armées traditionnelles puissantes limitait beaucoup les risques pris par De Gaulle.
__
Mais, pour en revenir au sujet initial - les causes de la défaite -, je ne crois pas du tout à la thèse de Lacroix-Riz. C'est en fait une thèse complotiste, symétrique de celle de la droite et surtout de l'extrême-droite, qui expliquaient cette défaite de 1940 par la trahison des communistes, les 40 heures, les congés payés, les francs-maçons, Juifs etc. Au moment de l'armistice, la classe politique et le gouvernement Reynaud
(l'auteur du fameux:"Nous vaincrons car nous sommes les plus forts"), étaient très divisés, entre ceux qui préconisaient une capitulation totale, une armistice partielle, un repli outremer etc. Dans les choix qui ont été adoptés alors, ce n'est pas la perspective d'écraser davantage un mouvement ouvrier en plein recul qui a compté.

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Message  sylvestre Jeu 2 Déc - 16:17

verié2 a écrit:Alors, De Gaulle s'est contredit...
On peut supposer qu'après avoir été hostile à des actions armées "spontanées" sur le territoire français, il les a ensuite reprises à son compte, "récupérées"...

Cela-dit, je suis d'accord avec Sylvestre que son choix était un peu plus risqué qu'en 14-18. Néanmoins, De Gaulle comptait avant tout sur la fraction de l'appareil d'Etat et militaire installée dans les colonies. C'est à partir de ces appareils, ou de fractions de ces appareils, qu'il a construit "La France libre" et une armée tout à fait traditionnelle qui comptait 430 000 hommes. A côté de cela, les quelques groupes de guérillas ne pesaient pas lourd.

A vérifier : Wikipédia donne le chiffre de 100 000 comme effectifs des FFI en janvier 1944. (pas tous sous le contrôle du PCF, bien sûr).


D'ailleurs, si le PCF n'avait pas été là pour faire rendre les armes, ou avait choisi une autre politique, les troupes "libres" de l'extérieur auraient facilement écrasé les groupes de résistants de l'intérieur - avec en plus l'aide de l'appareil d'Etat de l'intérieur, gendarmes, policiers etc.

Ca, ce n'est pas si évident, parce que le prix politique aurait été terrible et aurait salement mis en danger la légitimité du pouvoir gaulliste, vraisemblablement cela aurait ouvert une période de guerre civile.


Donc, la présence de ces forces armées traditionnelles puissantes limitait beaucoup les risques pris par De Gaulle.

Bien évidemment, ainsi que celle des forces alliées.
__
Mais, pour en revenir au sujet initial - les causes de la défaite -, je ne crois pas du tout à la thèse de Lacroix-Riz. C'est en fait une thèse complotiste, symétrique de celle de la droite et surtout de l'extrême-droite, qui expliquaient cette défaite de 1940 par la trahison des communistes, les 40 heures, les congés payés, les francs-maçons, Juifs etc
.

Perso ce n'est pas cette thèse que je défends (j'ai d'ailleurs séparé le sujet pour bien signaler qu'il ne s'agissait pas d'une discussion des seules thèses de Lacroix-Riz qu'au demeurant je connais mal), mais celle qui dit que la bourgeoisie française ne s'est pas donné les moyens de vaincre l'Allemagne avant la montée du gaullisme parce qu'elle craignait de devoir s'appuyer sur l'antifascisme populaire.


Au moment de l'armistice, la classe politique et le gouvernement Reynaud
(l'auteur du fameux:"Nous vaincrons car nous sommes les plus forts"), étaient très divisés, entre ceux qui préconisaient une capitulation totale, une armistice partielle, un repli outremer etc. Dans les choix qui ont été adoptés alors, ce n'est pas la perspective d'écraser davantage un mouvement ouvrier en plein recul qui a compté.

Encore une fois, regarder les choses juste au moment de l'armistice c'est beaucoup trop restrictif. Bien sûr qu'à ce moment là c'était le chaos, que les décideurs hésitaient entre des solutions variées à court terme, etc. Mais ce qui est décisif ce sont les grands choix de la bourgeoisie dans les années qui ont précédé et qui pointaient de façon dominante dans une direction : "le communisme voilà l'ennemi" (avec confusion de la combativité ouvrière, du stalinisme, de la social-démocratie) et "les fascistes ce sont des gens avec qui on peut avoir des conflits mais avec qui on peut toujours finir par s'entendre".
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Message  verié2 Jeu 2 Déc - 16:35

Franchement, si la bourgeoisie n'avait pas envisagé une guerre avec l'Allemagne, sous prétexte qu'on peut s'entendre avec les fascistes, pourquoi donc aurait-elle construit la ligne Maginot ?

Que les politiciens bourgeois de tout poil puissent toujours s'entendre entre eux, y compris les fascistes, est une chose ; que deux grands Etats impérialistes puisse éviter la guerre en est une autre ! D'ailleurs les alliances militaires ne se concluent en fonction de sympathies, d'affinités politiques, mais en fonction de considérations géopolitiques. Sinon, les anglo-saxons n'auraient pas pu s'allier avec l'URSS...

En ce qui concerne la défaite de 1940, elle a été maintes fois étudiée par les historiens (je ne prétends pas du tout être un spécialiste du sujet). Les causes mises en avant sont le plus souvent la faiblesse du pouvoir politique en France, soumis à des pressions diverses, face à la détermination du pouvoir nazi ; la discipline que les nazis avaient été capables d'imposer ; la faiblesse des chefs militaires français, liée probablement à la faiblesse du pouvoir politique, car on ne voit pas pour quelles raisons ils auraient été par nature plus nuls que les Allemands. Bref, la bourgeoisie française, sa classe politique et sa caste militaire n'ont pas préparé la guerre avec la même détermination que la bourgeoisie allemande, sans doute étaient-ils relativement confiants après leur victoire de 14_18. Mais cette impréparation - relative tout de même, cf encore la ligne Maginot -ne correspond pas à une volonté de voir gagner les Allemands pour qu'ils écrasent le mouvement ouvrier !

Il y a une autre cause géopolitique : contrairement à la guerre de 14-18 où la France avait des alliés, notamment russes, c'est elle qui s'est retrouvée obligée de combattre sur deux fronts, avec la menace italienne qui immobilisait une partie des troupes.

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Message  verié2 Jeu 2 Déc - 16:55

Voici la synthèse de cette position stalino-patriotique exprimée par Georges Gastaud du PCRF-URCF :
http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-le-10-juillet-1940-le-pcf-dans-la-resistance-53707931.html

J'ignore quel sont les liens du PCRF avec Lacroix-Riz, mais ils sont sur la même longueur d'ondes. Et le pacte germano-soviétique passe à la trappe...

Envoyé par Annie Lacroix-Riz

(...)
Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF

Vive le 70e anniversaire de l’Appel des communistes à résister !

Il y a 70 ans, le 10 juillet 1940 la bourgeoisie française et ses partis politiques (de l’extrême droite à la SFIO (PS)) profitaient de la défaite militaire qu’ils avaient organisée et souhaitée face à l’Allemagne nazie, pour se débarrasser de la forme républicaine parlementaire de sa domination de classe et instaurer un régime fasciste sous la direction de Pétain, Weygand et Laval sous la surveillance et la protection du régime hitlérien. C’était la mise en œuvre du « Plutôt Hitler que le Front Populaire » qu’avaient martelé les porte-parole de l’oligarchie financière depuis 1936. C’était la suite logique de la politique d’abandon de la République espagnole face à l’agression fasciste des franquistes soutenus par Berlin et Rome, du refus d’une alliance militaire avec l’URSS, des accords de Munich, de la « drôle de guerre », de la revanche sur le Front Populaire et ses conquêtes sociales.

C’est dans ces conditions que le Parti communiste, presse interdite depuis le 25 août 1939, lui-même interdit un mois plus tard, dont les militants étaient pourchassés férocement depuis 1938 et menacés depuis le 9 avril 1940 de la peine de mort pour une simple distribution de tract par le décret pris par le socialiste Sérol, lançait un Appel au Peuple de France, signé par Maurice Thorez et Jacques Duclos. Ce fut son appel à la résister.

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