Fracture d'Alain Tasma
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Fracture d'Alain Tasma
Ce soir, passe sur France 2 Fracture, un téléfilm d'Alain Tasma, d'après le roman de Thierry Jonquet Ils sont notre épouvante.. Comme le signale le quotidien gratuit Métro (pas particulièrement progressiste), ce film s'inscrit dans la lignée des films qui, comme La journée de la jupe prétendent nous montrer la vie des banlieue, la délinquance et les problèmes des enseignants "sans fards".
Quand on a lu le livre de Jonquet, on peut craindre le pire. Ce roman est en effet un collage d'un certain nombre de faits divers relevés dans les médias, le meurtre d'Ilham par le gang des barbares par exemple. On y rencontre une enseignante juive victime de l'antisémitisme de ses élèves beurs et un enseignant trotskyste... antisémite ! Que cette médiocre compilation ait pu acquérir le statut de document sociologique sur la banlieue est assez consternant, quand on sait que Jonquet n'avait pas mis les pieds en banlieue depuis très longtemps, sinon, exceptionnellement, pour participer à des opérations du genre "écrivain dans la classe".
Jonquet, après sa rupture avec la LCR, avait en effet beaucoup évolué, il était devenu très sécuritaire, au point de collaborer avec le site Respublica, d'où est issue Riposte Laïque, même si on peut penser qu'il n'aurait tout de même pas suivi ce chemin... Son roman a toutefois été encensé Par Finkielkraut et lui a valu le grand prix de la LICRA...
Certes, il faudra juger ce film sir pièces. Tasma, s'il n'a pas fait que des chefs d'oeuvre, est tout de même le réalisateur de Nuit noire sur le massacre du 17 octobre. Espérons donc qu'il aura mis un peu de distance et de subtilité, sans se contenter de reproduire à la lettre un pamphlet qui stigmatise une fois de plus les jeunes des cités...
Quand on a lu le livre de Jonquet, on peut craindre le pire. Ce roman est en effet un collage d'un certain nombre de faits divers relevés dans les médias, le meurtre d'Ilham par le gang des barbares par exemple. On y rencontre une enseignante juive victime de l'antisémitisme de ses élèves beurs et un enseignant trotskyste... antisémite ! Que cette médiocre compilation ait pu acquérir le statut de document sociologique sur la banlieue est assez consternant, quand on sait que Jonquet n'avait pas mis les pieds en banlieue depuis très longtemps, sinon, exceptionnellement, pour participer à des opérations du genre "écrivain dans la classe".
Jonquet, après sa rupture avec la LCR, avait en effet beaucoup évolué, il était devenu très sécuritaire, au point de collaborer avec le site Respublica, d'où est issue Riposte Laïque, même si on peut penser qu'il n'aurait tout de même pas suivi ce chemin... Son roman a toutefois été encensé Par Finkielkraut et lui a valu le grand prix de la LICRA...
Certes, il faudra juger ce film sir pièces. Tasma, s'il n'a pas fait que des chefs d'oeuvre, est tout de même le réalisateur de Nuit noire sur le massacre du 17 octobre. Espérons donc qu'il aura mis un peu de distance et de subtilité, sans se contenter de reproduire à la lettre un pamphlet qui stigmatise une fois de plus les jeunes des cités...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Fracture d'Alain Tasma
Bon, j'ai vu le film hier soir. Il est très, très différent du bouquin de Jonquet. Le scénario a été restructuré et simplifié, centré sur quelques personnages, de sorte que ça fait beaucoup moins catalogue des horreurs commises par les racailles de banlieue. De plus les auteurs de l'enlèvement sont humanisés : ce sont deux jeunes de 15 ans complètement déboussolés, et non plus un gang d'horribles barbares.
Au début, ça se situe à mi-chemin entre La journée de la jupe (avec des profs moins caricaturaux) et Entre les murs, puis ça passe au polar pas très très crédible.
L'enseignant pro palestinien n'apparait pas comme antisémite (comme le trotskyste du roman) mais plutôt comme un mélange d'Indigène de la République et d'ultra-gauche allumé - pas très crédible bien que le comédien soit excellent, mais c'est moins dégueulasse que le trotskyste antisémite du roman.
Ce qui reste en commun avec le roman, c'est tout de même la vision entièrement négative et l'importance accordée à l'antisémitisme : on a l'impression que quasiment tous ces jeunes sont antisémites ! Et, dans la classe de l'héroïne, il n'y a pas un élève sympa. Comme le soulignaient un chef d'établissement et des profs, au cours du débat qui a suivi, dans les établissements de banlieue, il n'y a pas que des drames, mais aussi de la joie, des rires, des cours où le courant passe entre élèves et profs. Faut dire que Jonquet était devenu complètement pessimiste, presque misanthrope : seule son enseignante trouvait grâce à ses yeux.
Notons tout de même aussi que, dans le film, le contexte social apparait un peu plus que dans le livre. Mais, dans les deux cas, il y a une violence qui est absente : la violence sociale, la misère et la violence policière contre ces jeunes...
___
PS J'aimerais bien avoir l'avis de ceux qui l'ont vu...
Au début, ça se situe à mi-chemin entre La journée de la jupe (avec des profs moins caricaturaux) et Entre les murs, puis ça passe au polar pas très très crédible.
L'enseignant pro palestinien n'apparait pas comme antisémite (comme le trotskyste du roman) mais plutôt comme un mélange d'Indigène de la République et d'ultra-gauche allumé - pas très crédible bien que le comédien soit excellent, mais c'est moins dégueulasse que le trotskyste antisémite du roman.
Ce qui reste en commun avec le roman, c'est tout de même la vision entièrement négative et l'importance accordée à l'antisémitisme : on a l'impression que quasiment tous ces jeunes sont antisémites ! Et, dans la classe de l'héroïne, il n'y a pas un élève sympa. Comme le soulignaient un chef d'établissement et des profs, au cours du débat qui a suivi, dans les établissements de banlieue, il n'y a pas que des drames, mais aussi de la joie, des rires, des cours où le courant passe entre élèves et profs. Faut dire que Jonquet était devenu complètement pessimiste, presque misanthrope : seule son enseignante trouvait grâce à ses yeux.
Notons tout de même aussi que, dans le film, le contexte social apparait un peu plus que dans le livre. Mais, dans les deux cas, il y a une violence qui est absente : la violence sociale, la misère et la violence policière contre ces jeunes...
___
PS J'aimerais bien avoir l'avis de ceux qui l'ont vu...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Fracture d'Alain Tasma
J'ai pas vu, mais merci de tes commentaires, ça m'intéressait de savoir ce qu'on peut penser de ce truc.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Fracture d'Alain Tasma
verié2 a écrit:
Ce soir, passe sur France 2 Fracture, un téléfilm d'Alain Tasma, d'après le roman de Thierry Jonquet:
" Ils sont notre épouvante.."
Eux,non Verié,le véritable titre est:"Ils sont VOTRE épouvante,et vous etes leur crainte".
(si tu as lu le texte comme tu as lu le titre,ca craint un peu pour le serieux de ta critique).
jacquouille- Messages : 758
Date d'inscription : 25/06/2010
Age : 77
Localisation : Reims
Re: Fracture d'Alain Tasma
Sur le plan des fautes de ce genre, tu me fais une sérieuse concurrence !Eux,non Verié
Si tu parlais du sujet, au lieu de polémiquer sur des mots, toi qui fais 10 fautes par post ?
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Fracture d'Alain Tasma
Ce que j'aimerais plutot, c'est que ceux qui ont vu le téléfilm nous donnnent leur avis : Vérié et Jacquouille (puisque je suppose qu'il a vu de quoi on parle)
Maintenant la poésie de Hugo dont est tiré le titre de jonquet est plutot une critique (par anticipation) de l'attitude de LO
"Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.…."
Ce Victor Hugo, quel islamogauchiste (par anticipation là aussi) tout de même...
Maintenant la poésie de Hugo dont est tiré le titre de jonquet est plutot une critique (par anticipation) de l'attitude de LO
"Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.…."
Ce Victor Hugo, quel islamogauchiste (par anticipation là aussi) tout de même...
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 68
Localisation : La terre
Re: Fracture d'Alain Tasma
Ce texte a été écrit après la Commune. Hugo verse quelques larmes, mais il faut rappeler qu'il a été très hostile à la Commune, même s'il a eu le mérite de réclamer l'amnistie pour les Communards... vaincus.la poésie de Hugo dont est tiré le titre de jonquet
D'une manière générale, le peuple à genoux ou vaincu inspire la commisération des grandes âmes de ce genre, qui n'apprécient pas le peuple debout.
On peut évidemment interpréter ce texte de toutes sortes de façons. Jonquet, dans son livre, avait surtout pour volonté de dénoncer l'"angélisme" et de réclamer la répression, même si, formation politique oblige, il avait tout de même conscience que ces populations de banlieue ont été délaissées. D'où sa référence à Hugo, qui colle bien : répression des classes dangereuses, mais pleurnicheries et élan de générosité quand elles ne peuvent plus nuire...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Fracture d'Alain Tasma
Victor hugo n'était pas un révolutionnaire, c'est sur ! Tout au plus un "républicain de gauche" (ce qui n'était pas si mal si on se souvient qu'il été à l'origine monarchiste et réactionnaire...
Ceci étant dit, ce n'est pas le sujet...
Ceci étant dit, ce n'est pas le sujet...
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 68
Localisation : La terre
Re: Fracture d'Alain Tasma
Voici un éclairage sur le roman de jonquet, publié par le site Backchich info.
(Cela-dit, je le répète, le film de Tasma est beaucoup plus nuancé que ce roman. Même s'il en reprend certains aspects.)
Et le point de vue d'un enseignant...
(Cela-dit, je le répète, le film de Tasma est beaucoup plus nuancé que ce roman. Même s'il en reprend certains aspects.)
CULTURE / CHRONIQUE BOUQUINS
Thierry Jonquet a jeté l’encre noire (
(...)
Publié pour la première fois en 2006, Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte est une analyse caricaturale des conflits de banlieue. Une analyse qui ferait passer les reportages de TF1 pour des analyses sociologiques impartiales. D’un côté les « feujs », de l’autre les « rebeus » et, entre les deux, quelques Gaulois perdus.
Proche-Orient et intellectuels français
De la seconde guerre mondiale jusque dans les années 1990, les intellectuels français sont pratiquement tous sionistes. Les abominations de l’antisémitisme qui ont conduit à la Shoah ne permettent alors aucune alternative. Puisque l’on ne peut garantir l’éradication de l’antisémitisme, il faut aider les juifs à se doter d’une nation. Les juifs d’Europe ont choisi Israël, l’Occident qui avait laissé commettre ce génocide ne pouvait qu’adhérer et soutenir. Les autorités françaises ayant devancé les ordres allemands doivent faire oublier leur comportement. La France participe donc activement au soutien du jeune Etat. Une partie des équipements de la nouvelle armée israélienne (Tsahal) est française. L’armée française intervient même militairement pour soutenir Tsahal. Ce fut le cas en 1956. Israël bénéficie, à cette époque, d’un statut privilégié dans l’inconscient collectif hexagonal. Marginalement, les origines laïques et socialistes de l’Etat d’Israël participent de cette adhésion quasi universelle. L’antisémitisme nazi et ses abominations ont, pendant de longues années, légitimé le sionisme.
Puis progressivement, les années passant, le génocide des juifs d’Europe est entré dans l’histoire. Il trouve sa place dans la liste des abominations humaines. Une place particulière, originale, singulière comme toutes les abominations. Son statut va se transformer. Son actualité va progressivement disparaître pour laisser la place à de pleines pages dans les manuels d’histoire de classe de Terminale.
Débarrassée de sa mauvaise conscience antisémite, la lecture des acteurs va évoluer. L’actualité va progressivement entraîner une transformation de la perception du sionisme. La Palestine avant que les juifs viennent l’occuper était peuplée d’arabes en majorité musulmans. Cette population a été chassée de son territoire par les sionistes. Très rapidement et très légitimement ces Palestiniens vont demander à revenir sur leur territoire. Israël refuse. Le système démocratique donnerait très rapidement le pouvoir aux Palestiniens à la démographie galopante. Le conflit s’installe. Les pays arabes et musulmans à la recherche d’un thème fédérateur vont s’en saisir pour souder leur population. Ce thème évite de remettre en causes les rentes, voire la corruption de leurs élites. Fort de ce soutien, les abominations vont se succéder. Les attentats, l’utilisation de kamikazes, entraînent une radicalisation des Israéliens. Les origines laïques et socialistes de l’Etat Israélien font aujourd’hui partie de l’histoire. Dans cette démocratie le pouvoir appartient à la minorité religieuse ultra qui fait la pluie et le beau temps à la Knesset. Les violences vont crescendo et dans une partie l’inconscient collectif français, et chez de nombreux de ses intellectuels, le statut des juifs d’Israël va changer. Les sionistes, de victimes, vont devenir persécuteurs. Le statut d’opprimés va changer de camp.
Le retournement va être long, mais va être une nouvelle ligne de fracture dans l’intelligentsia française. Progressivement dans les années 1990 une partie de la gauche, avec pratiquement toute l’extrême gauche prend fait et cause pour le peuple palestinien privé de ses terres. L’essentiel de la droite protège Israël au nom de la défense de l’Occident. La communauté juive va suivre le mouvement. Une partie de la communauté soutenait jusque là la gauche par méfiance contre la droite jugée antisémite, elle va voter pour une droite favorable aux sionistes. Ce clivage devient très important en ces débuts du XXIe siècle.
Ces événements ne vont pas avoir que des conséquences sur le milieu intellectuel. La France est aussi un des pays d’Europe où vivent d’importantes communautés juives et musulmanes. Dans les deux camps, une part des français de chaque origine, voire de chaque confession, se sent solidairement engagée dans le conflit Israélo-palestinien.
(...)
Dans sa dernière œuvre Thierry Jonquet va remplacer « la violence des rapports sociaux » qu’il admirait tant chez Manchette par la violence du communautarisme que la société des années 1990 a laissé mettre en place. Son roman se passe en banlieue parisienne. Dans son 93, les villes et les quartiers de banlieues se définissent par leur communauté. Le maire de Vadreuil a choisi de laisser s’installer une communauté juive. Certigny est peuplé en majorité de Musulmans. Un parc, une erreur médicale et le conflit du Proche-Orient séparent les deux communautés.
Dans ce monde impitoyable, Jonquet a fait son choix, c’est celui d’Alexandre Adler. Le roman a donc été accueilli avec gêne, comme le dit notre confrère de Rue89. Jonquet, un ancien de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), dresse un portrait flatteur de l’ancien du Bétar qui n’a jamais renié ses engagements, alors que le plus modéré des musulmans est présenté comme un alcoolique. Voici les professions qu’il a distribuées à ses personnages. Les musulmans appartiennent tous au lumpenproletariat. Le père de Lakdar est un technicien de surface, le frère de Djamel est un champion de karaté qui a terminé videur dans un sex-shop à Pigalle. Les salafistes tiennent une librairie musulmane. Alors que les juifs sont profs et se dévouent aux élèves ou médecins dans un hôpital de banlieue.
La référence Thierry Jonquet
Pour le reste il a les qualités ou les défauts de nombres de penseurs de sa génération. Passé de la critique du système capitaliste, via la LCR, il a progressivement perdu toutes ses convictions (...)
Puis, la dérive s’est progressivement engagée vers une critique acerbe et caricaturale des musulmans, des blacks et de tous ceux qui ont du mal à s’intégrer, d’abord dans « Jours Tranquilles à Belleville » puis dans ce dernier ouvrage. Toujours avec une certaine plume et des romans extraordinairement bien construits.
Et le point de vue d'un enseignant...
Jonquet a travaillé en banlieue il y a très longtemps. Je suis prof en banlieue (actuellement) à Sarcelles (considéré comme une banlieue très chaude et où vit une très importante communauté juive). J’ai donc une certaine expérience du terrain.
Je peux dire que la banlieue que décrit Jonquet n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. Elle n’est pas très rose, j’en conviens, pas la peine de la caricaturer ni de jeter de l’essence sur le feu. Entre autre, je vous le dis, la communauté juive n’est pas au dessus du conflit.
Pour terminer je suis d’origine juive comme le confirme mon nom de famille. Je ne m’en suis jamais caché à mes élèves. Je n’ai jamais été insulté par mes élèves pour cela.
Bertrand Rothé
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
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