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Polygamie, déchéance de nationalité, diversions xénophobes, etc.

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Message  Gauvain Ven 27 Aoû - 21:57


Du délit de délit de polygamie de fait, escroquerie, abus de faiblesse. Exégèse du ridicule

Posté par Jules le 27/8/10 • dans la catégorie A la une,Débat public,juridique,politique

Dans ce monde où la corruption des valeurs morales étend chaque jour davantage son empire, la loi perd chaque jour en majesté ce qu’elle gagne en excentricité.

Dernière illustration en date, le projet préparé par les services du ministère de l’intérieur1 relatif au délit de polygamie de fait, escroquerie, abus de faiblesse. Du moins, tel qu’il s’évince d’un article du Figaro.

Il s’agit, rappelons-le, de punir de permettre la déchéance de la nationalité d’une personne qui profiterait de relations affectives multiples pour bénéficier indûment de prestations sociales. Ou, en clair et politiquement, de parfaire le glaçage de la pièce montée sécuritaire de l’été fourrée à la xénophobie. La présente contribution est à mettre au crédit du ministère de l’intérieur et des ardeurs de son occupant actuel.

Jetons y cependant le regard du juriste de façon — c’est selon — à en rire ou en pleurer.

Voici le texte réprimant le délit de polygamie de fait, escroquerie, abus de faiblesse. Un conseil, prenez votre respiration :

Le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, de tirer profit ou de partager le produit, de manière habituelle, de prestations sociales indûment perçues, à la suite de déclarations inexactes ou incomplètes, par un tiers avec lequel il a contracté une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Mazette.

L’exercice favori du juriste devant un texte de loi est l’exégèse. Grossièrement, une méthode herméneutique qui s’appuie sur la grammaire. On lit le texte sans rien omettre — même les silences — pour en déterminer le sens. Appliquons donc cet instrument à l’anaconda législatif que constitue le projet d’amendement du ministère de l’intérieur.

Et l’on commence par la détermination de l’infraction.

Délit de polygamie de fait, escroquerie, abus de faiblesse

Le ver est déjà dans le fruit. Trois dénominations pour un seul délit et une cause d’aggravation2, cela fleure le bricolage. Et encore.

La polygamie, tout d’abord, désigne le fait de vivre avec plusieurs femmes et réduit donc le champ de l’infraction décrite, puisque, en toute hypothèse, un délit qui frapperait un comportement au regard du seul sexe serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Fort heureusement, et au prix d’une insulte à la simplicité, le rédacteur a évité ce piège au prix de circonlocutions lourdingues du plus bel effet.

Passons donc au corps du délit3.

Le fait…

Peu de choses à dire. Nombre d’infractions commencent ainsi. Il ne faut pas se méprendre, cependant. Comme tous les délits, celui-ci devra être intentionnel. Le seul fait ne suffira pas à caractériser l’infraction.

… pour une personne engagée dans les liens du mariage…

Commence l’énoncé des conditions qui sont autant de restrictions à l’application de la règle. Ainsi faut-il que l’auteur du délit soit marié. Ce qui signifie qu’il suffira à l’éventuel escroc de s’unir sous forme de pacte civil de solidarité ou de se contenter d’unions libres pour échapper à l’application de la règle. Sans s’avancer exagérément, on peut penser que ceux qui s’aventure sur les contrées de la fraude polygamique se moquent comme d’une guigne de ces administratives distinctions4. Ce qui augure de la redoutable efficacité du dispositif. Notez qu’à ce point, on a examiné la seule première condition.

… de tirer profit ou de partager le produit…

Les termes choisis rappellent ceux du délit de proxénétisme au 2° de l’article225-5 du code pénal :

De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ;

De ce point de vue, le sociologue — ou le psycho-sociologue — du droit a peut-être davantage à dire que le juriste. Car il est tout de même significatif que l’on rapproche, par les termes, les situations d’allocataire de prestations sociales et prostitué(e).

Sur le strict plan du droit, on se contentera de souligner que l’interprétation jurisprudentielle de ces termes est généralement assez large. Le seul fait que le bénéficiaire maintienne ou augmente son train de vie suffit à caractériser la situation5. Encore faut-il, cependant, que l’intéressé ait connaissance de la source litigieuse des fonds dont il profite. Ce qui, on le verra, est rien moins que simple à prouver.

… de manière habituelle…

Nouvelle condition restrictive. Il est nécessaire que le partage ou le profit ne soit pas occasionnel. Même de façon répétée. L’habitude, qui n’est pas une notion stricte, suppose un peu moins que la permanence, mais un peu plus que la seule redondance. Autrement dit, il s’agira que le parquet démontre que les prestations sociales ont profité à plusieurs reprise et continuent de profiter régulièrement au prévenu. C’est une différence avec le proxénétisme ou une invitation au restaurant peut vous envoyer en correctionnelle.

… de prestations sociales…

C’est l’objet du délit. Et laissez-moi vous dire que l’on se prépare à des discussions. Car si le terme de « prestation sociale » a un contenu économique, il est déjà moins consistant en droit. Ainsi, doit-on entendre d’une « prestation sociale » qu’elle figure au titre de l’aide sociale du code de l’action sociale et des familles ou du code de la sécurité sociale ? Les deux peut-être ?6 Rien, d’ailleurs, dans le terme de « prestation sociale » ne permet d’exclure une prestation en nature, telle que l’accueil des jeunes enfants7. Stricto sensu, au demeurant, le terme « prestation » signifie « service », ce qui tendrait à exclure tous revenus et allocations diverses en unité monétaire, qui relèvent, en droit, de l’obligation de donner et non de l’obligation de faire. Exagérément large ou étroite, le terme de « prestation sociale » promet quelques maux de tête aux juges. Mais là ne s’arrête pas le charme du texte.

… indûment perçues…

Les prestations sociales en questions doivent avoir été reçues indûment, c’est à dire, sans droit. Par exemple, une femme perçoit la majoration du RSA au titre de sa situation parent isolé alors qu’elle vit en couple — selon les termes de la loi — « de manière notoire et permanente ».

Mais encore faut-il que le bénéficiaire indirect — l’amant déjà marié — ait eu connaissance du caractère indu de la prestation. Ce qui suppose que le parquet démontre qu’il connaissait l’irrégularité du bénéfice de la prestation. Comment démontrer, par exemple, qu’un polygame de fait connaissait, non seulement le montant de la prestation, mais également qu’il savait à quel titre elle avait été demandée8. Et ce n’est pas tout.

… à la suite de déclarations inexactes ou incomplètes…

Non seulement les prestations sociales doivent avoir été perçues indûment, mais encore à la suite de fausses déclarations.

Je vous passe la tétratrichotomie du juriste sur la différence entre absence de déclaration et déclaration incomplète9. Mais songez qu’il va falloir au malheureux procureur10 qu’il démontre que le prévenu savait que sa compagne avait procédé à une fausse déclaration. Toujours l’exigence de l’intention délictueuse. Je lui souhaite d’ores et déjà beaucoup de chance. Car si les fraudeurs sont parfois stupides, ils accusent une certaine tendance à la dissimulation qui ne favorise pas toujours la révélation de leurs âme.

… par un tiers avec lequel il a contracté une union de fait…

Le tiers, en l’occurrence, est la personne avec laquelle l’intéressé n’est pas marié. Dans le langage courant, l’on dit « amant » ou « maîtresse ». Une remarque11 pour se moquer.

On « contracte », en droit, par un accord de volonté destiné à produire des effets de droit. Un contrat est ainsi un « acte juridique » car la volonté de chacun est tendue vers les effets de droit qui résulteront de l’engagement. Il en va différemment des « faits » qui peuvent être voulus pour eux-même, mais pas pour leurs conséquences juridiques. Ainsi, lorsque je commet un meurtre, l’effet recherché était de pur fait, mais la peine de prison qui s’ensuit n’était pas voulue12. C’est dire combien il est contradictoire d’évoquer une union de fait « contractuelle ». Autant parler de glace chaude.

C’était la parenthèse « embauchez un ou deux juristes dans les cabinets ministériels, ça ne fera pas de mal à la loi, ni à la langue française. »

… caractérisée par une vie commune…

Au choix, on se moque ou on reste sérieux.

En se moquant, on notera seulement que l’union de fait est caractérisée par la « vie commune » et qu’il n’est donc nul besoin de le mentionner ici.

En restant sérieux et exégétique, on doit déduire de cette formulation qu’il existe des unions de fait qui ne reposent pas sur une vie commune, mais sur une vie séparée. Il faut ainsi en déduire que toutes les unions de fait qui se caractérisent pas un domicile distinct échappent aux prévisions de la loi. Et la cible estivale du ministre de l’intérieur échappe, avec tant d’autres, à la loi qui le visait si directement.

… présentant un caractère de stabilité et de continuité…

Mêmes remarques que précédemment, en ajoutant que la formule rappelle très inutilement l’article 515-8 sur le concubinage :

Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.

Outre que le rédacteur aurait pu nous épargner un peu de sa lourdeur avec l’emploi du terme « concubinage », on doit noter que l’exigence de stabilité et de continuité s’apprécie au regard de la vie commune — et donc de la résidence commune — ce qui rend particulièrement malaisé la caractérisation de l’infraction dans une situation de « polygamie de fait », sauf à supposer que l’intéressé partage sa vie de façon effective13 entre les différents domiciles.

… est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende…

Tout d’abord, une telle peine est lourde. Songez que la fraude — et la complicité — de fraude sont punies d’une peine de 5000 € d’amende sans risque d’emprisonnement.

Songez encore que l’escroquerie et le recel sont punissable de cinq années de prison, comme le présent projet. Et, à mon humble avis, bien plus aisées à caractériser14.

Et tout ceci pour….

La possibilité de mettre en œuvre la déchéance de la nationalité sous une forme qui n’est d’ailleurs pas précisée par le texte.

S’agira-t-il d’une peine complémentaire prononcée par le juge ou d’une réforme générale de l’article 25 du Code civil remettant au gouvernement le soin — et l’opportunisme politique quelque peu arbitraire — d’une telle mesure ?

Si, comme on l’a vu, la déchéance est conditionnée au prononcé d’une condamnation pour délit de polygamie de fait, escroquerie et abus de faiblesse, seuls les imbéciles peuvent trembler, parce qu’on voit mal les juges parvenir sans peine à caractériser tous les éléments de l’infraction.

On ne peut donc manquer d’inviter le ministère de l’intérieur à rapporter son projet sans nous accabler d’un épisode législatif inévitablement croquignole.



1. Au mépris de ses attributions ministérielles, au demeurant. [↩]
2. En l’occurrence, la situation de faiblesse n’est pas une condition de l’infraction, mais une circonstance qui la rend plus grave. [↩]
3. Oui, je m’amuse. [↩]
4. Il est vrai que le mariage constitue une méthode d’acquisition de la nationalité française. On répondra néanmoins à cette objection que la « polygamie effective » permet de faire obstacle à une telle acquisition, ce qui est tout de même moins alambiqué que notre nouveau texte ; et l’on ajoutera qu’une fois la nationalité acquise, un divorce suivi d’un PACS peut opportunément servir les desseins de celui ou celle qui entend surprendre la générosité de notre protection sociale. [↩]
5. Avis aux amateurs, d’ailleurs. L’enfant d’une prostitué — même mineur — peut être proxénète aux yeux de la loi française dès lors que ce qu’il reçoit de sa mère excède l’obligation alimentaire. [↩]
6. Mais l’aide personnalisée au logement, par exemple, relève des dispositions du code de la construction et de l’habitat. [↩]
7. dont on évaluerait le profit pour l’auteur par le temps passé en salle de musculation, de prière, de bistrot ? [↩]
8. Sans compter, au passage que beaucoup de polygames de fait ne vivent pas de façon « permanente et notoire » avec la bénéficiaire de l’allocation. Mais on y reviendra. [↩]
9. Bon, je vous la fait en note, quand même. Imaginez qu’une femme bénéficiaire d’une majoration du RSA au titre de sa situation de parent isolé inaugure une relation de concubinage. Elle doit déclarer cette nouvelle situation aux organismes de prestation sociale. Si elle omet cette déclaration, elle n’a pas fait, stricto sensu, de déclaration inexacte ou incomplète puisqu’elle n’a fait aucune déclaration. Or, le droit pénal est d’interprétation stricte. [↩]
10. Ou substitut, plutôt. [↩]
11. Avec une note relative à l’auteur de la fausse déclaration. Il doit s’agir de la maîtresse ou de l’amant — « Par un tiers« . Si le bénéficiaire indirect — le mari aux mille femmes, la femme aux mille hommes — était l’auteur de la fausse déclaration, l’infraction n’est pas constituée. Vous me direz que l’auteur de la déclaration est toujours et par nécessité celui qui réclame les prestations. C’est exact s’il a apposé sa signature sur un document qu’il savait faux. Mais il en irait autrement, veux-je croire, de celui ou celle qui a ignoré la fraude. [↩]
12. Tout du moins, pour les principes du droit qui ignorent souvent les tréfonds psychanalytiques des actes. [↩]
13. Avec des affaires personnelles qui ne se réduisent pas à une brosse à dent. [↩]
14. Les éventualités d’un mariage ou d’une vie commune ne sont pas nécessaires. [↩]




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Message  alexi Dim 10 Oct - 20:47

L'Etincelle du 11/10/10

Ne pas se voiler la face
La loi interdisant le port du voile intégral dans les lieux publics, votée en septembre par le Parlement, vient d’être validée par le Conseil Constitutionnel et sera applicable au printemps 2011.
La burqa et le niqab sont une prison dans laquelle certains voudraient enfermer les femmes, sous des prétextes religieux. Ce sont des pratiques réactionnaires qu’il faut combattre, avec celles et ceux qui luttent véritablement pour l’émancipation de la femme.
Mais ce n’est pas ce que vise cette loi, voulue par Sarkozy par démagogie politicienne, et qui soumettra seulement les femmes concernées à l’arbitraire de contrôles policiers humiliants, sans rien résoudre au problème. C’est pourquoi nous y sommes opposés.

alexi

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Message  vilenne Dim 10 Oct - 20:55

La burqa et le niqab sont une prison dans laquelle certains voudraient enfermer les femmes, sous des prétextes religieux.
Toujours ce manichéisme. Malgré les multiples témoignages de femmes qui choisissent de porter volontairement le niqab, c'est pas politiquement correct pour certains. Ce sont des témoignages à gommer manifestement. La raison scientifique ne saurait se satisfaire des faits qui ne rentrent pas dans le schéma.
Etincelle, LO, même combat ? La même vision simpliste de la société ?


vilenne

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Message  Oudiste Jeu 14 Oct - 9:34

vilenne a écrit: La même vision simpliste de la société ?
Vue de la salle des profs.
Oudiste
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