Le Che est encore impertinent
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Le Che est encore impertinent
J'ai lu la version originale il y a longtemps.
Souvent décapant !
Article publié dans L’Anticapitaliste n° 75.
Source:http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=7460
Souvent décapant !
Article publié dans L’Anticapitaliste n° 75.
Source:http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=7460
* Ernesto Che Guevara, Notes critiques d’économie politique, Ed. Mille et une nuits, 2012.Ministre de l’industrie à Cuba de 1962 à 1965, Ernesto Che Guevara s’est longuement interrogé sur les éléments à conserver et à détruire après la révolution, dans la perspective de construire une nouvelle économie socialiste. La publication en français d’une partie de ses réflexions et des discussions au sein du ministère de l’Industrie * illustre les préoccupations principales du Che dans cette phase de transition qui voit Cuba exproprier les grandes compagnies étrangères et par conséquent supprimer la base matérielle du capitalisme sur l’île.
Mais supprimer la propriété privée des moyens de production ne signifie pas que les relations marchandes sont abolies, ni que la division du travail est dépassée. Sur quelle base rémunérer le temps de travail? Quelles écarts salariaux accepter ou promouvoir?
Le Che critique le modèle soviétique
Le Che ne défend pas seulement la centralisation de la planification pour mieux organiser la production et l’usage des maigres ressources disponibles. Il est aussi convaincu qu’il faut se débarrasser au plus vite des rapports marchands hérités. Les besoins de base doivent être assurés pour toute la population de manière égalitaire. Surtout, il faut réduire les stimulants matériels (par exemple, les primes accordées en fonction du travail réalisé), qui, selon une approche introduite dans certains pays du bloc soviétique, sont censés augmenter la productivité. Le Che va critiquer ouvertement cette approche: «Chaque fois que nous donnons plus de liberté à la loi de la valeur, nous revenons au capitalisme.» Il développe ses remarques à partir des expériences qu’il a observées durant ses voyages dans les pays de l’Est et en se basant aussi sur une étude critique du nouveau manuel d’économie politique paru en URSS.
Le Che met en cause la Nouvelle politique économique (NEP), mise en place à partir de 1921 pour reconstruire l’industrie russe et qui introduisit des éléments du capitalisme. En attribuant la responsabilité uniquement à la NEP, il sous-estime le rôle de la bureaucratie en URSS et son caractère profondément réactionnaire et contre-révolutionnaire. Il ne s’agit pas seulement d’«erreurs» commises: en réalité, cette nouvelle couche construite avec Staline a délibérément pris les commandes du pouvoir pour assurer ses propres privilèges et occuper tous les rouages du pouvoir.
Organes d’autogestion libres
Le Che observe «que les gens ont besoin de s’exprimer, besoin d’un outil pour s’exprimer » et propose la mise en place d’ «un outil démocratique nécessaire aux nouvelles institutions à créer» et le transfert des compétences dans le contrôle de la production aux «commissions de conditions de travail, auxquelles on pourrait assigner quelques autres objectifs concrets avec de vraies élections». Autrement dit, la création sur les lieux de travail d’organes de contrôle et d’autogestion libres. «Ces questions requièrent une solution rapide»! Pourtant, le Che n’a pas avancé publiquement ses propositions pour améliorer la vie démocratique.
Or, pour combattre victorieusement cette bureaucratie qui commençait à se constituer à Cuba, il aurait fallu qu’un débat public et contradictoire puisse exister. Ces débats doivent traverser l’ensemble de la société, et pas seulement quelques cercles restreints, et des moyens matériels ainsi que des conditions politiques doivent exister: presse et médias pluralistes, absence de censure, droit d’organisation politique et syndical, reconnaissance des différences d’opinion.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Le Che est encore impertinent
Moi j'ai parcouru le bouquin d'OB et Lowy sur le Che qui cite abondamment ce livre, et j'ai noté quelque chose à côté de quoi OB et Lowy sont passés à côté, c'est que la contestation du Che à propos de la loi de la valeur sous le socialisme (ou plutôt sous le "socialisme", car il s'agit en fait des sociétés capitalistes d'Etat comme l'URSS) ressemble beaucoup à celle, quasi-contemporaine, de Mao, qui avait fait la même quand le manuel d'économie était sorti, et en faisait une raison de plus de rompre avec les "révisionnistes".
Bon, aujourd'hui le Che est beaucoup plus à la mode que Mao, mais il me semble quand même raisonnable de dire qu'ils défendaient des points de vue souvent convergents, pour le meilleur et pour le pire. Tous les deux ont conduit des révolutions dans des pays sous domination impérialiste, avec des forces indépendantes de Moscou et basées essentiellement sur la paysannerie avec une direction petite-bourgeoise radicale, avec comme résultat la mise en place de régimes capitalistes d'Etat permettant l'amélioration du niveau de vie d'une grande partie de la population.
A mon avis cela indique le contexte de la critique du Che et permet de mieux comprendre sa signification : il avait raison de dire que la loi de la valeur ne s'applique pas sous le socialisme, mais il avait tort de penser que les sociétés soviétiques ou cubaine étaient socialistes - dans ces sociétés la loi de la valeur s'appliquait.
Plutôt que de proposer comme alternative le pouvoir de la classe ouvrière et l'appropriation collective réelle des moyens de production dans le monde entier, Che tout comme Mao ont mis en avant le volontarisme, l'idéalisme comme moteur productif permettant le développement national de nations arriérées. Avec le recul on peut d'ailleurs estimer que les dirigeants chinois ont connu un succès certain dans cette voie, même s'ils ont dû changer plusieurs fois leur fusil d'épaule, avec certains épisodes catastrophiques comme le grand bond en avant, mais enfin la période maoïste a quand même posé les bases du développement ultérieur, lequel n'avait pour le coup plus aucun scrupule à revendiquer la loi de la valeur.
Bon, aujourd'hui le Che est beaucoup plus à la mode que Mao, mais il me semble quand même raisonnable de dire qu'ils défendaient des points de vue souvent convergents, pour le meilleur et pour le pire. Tous les deux ont conduit des révolutions dans des pays sous domination impérialiste, avec des forces indépendantes de Moscou et basées essentiellement sur la paysannerie avec une direction petite-bourgeoise radicale, avec comme résultat la mise en place de régimes capitalistes d'Etat permettant l'amélioration du niveau de vie d'une grande partie de la population.
A mon avis cela indique le contexte de la critique du Che et permet de mieux comprendre sa signification : il avait raison de dire que la loi de la valeur ne s'applique pas sous le socialisme, mais il avait tort de penser que les sociétés soviétiques ou cubaine étaient socialistes - dans ces sociétés la loi de la valeur s'appliquait.
Plutôt que de proposer comme alternative le pouvoir de la classe ouvrière et l'appropriation collective réelle des moyens de production dans le monde entier, Che tout comme Mao ont mis en avant le volontarisme, l'idéalisme comme moteur productif permettant le développement national de nations arriérées. Avec le recul on peut d'ailleurs estimer que les dirigeants chinois ont connu un succès certain dans cette voie, même s'ils ont dû changer plusieurs fois leur fusil d'épaule, avec certains épisodes catastrophiques comme le grand bond en avant, mais enfin la période maoïste a quand même posé les bases du développement ultérieur, lequel n'avait pour le coup plus aucun scrupule à revendiquer la loi de la valeur.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
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