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A propos des « lois mémorielles ».

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A propos des « lois mémorielles ».  Empty A propos des « lois mémorielles ».

Message  ramiro Lun 2 Jan - 13:05

Un article de Gérard Noiriel (historien de gauche, spécialiste de l'immigration et du monde ouvrier)

http://noiriel.over-blog.com/article-a-propos-des-lois-memorielles-l-enjeu-des-mots-et-la-pensee-unique-de-l-histoire-95895198.html

A propos des « lois mémorielles ». L’enjeu des mots et la pensée unique de l’histoire

Aujourd’hui je voudrais revenir sur la polémique qui a alimenté les gazettes de ces dernières semaines, à propos de la loi (adopté par les députés le 22/12/2011) réprimant la négation du génocide arménien. Cette polémique est le dernier épisode d’un feuilleton qui a débuté en 2005. Je suis bien placé pour en parler, puisque j’ai été l’un des premiers signataires de la pétition initiée par le regretté Claude Liauzu pour protester contre la loi du 23 février 2005, dont l’article 4 disposait que « les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer »

Cette pétition, lancée dans le milieu enseignant immédiatement après l’adoption de cette loi, a très vite recueilli mille signatures. Nous avons alors organisé une conférence de presse avec la Ligue des droits de l’homme. Dans la foulée, nous avons créé le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH), dont j’ai été président pendant deux ans, et qui est toujours très actif aujourd’hui (voir notre site http://cvuh.blogspot.com/ ). A ce moment-là, nous étions bien seuls. Cette cause n’intéressait ni les journalistes, ni les politiques. Mais quelques mois plus tard, les protestations du président de la République algérienne et celles d’Aimé Césaire ont changé la donne. La gauche a découvert le problème et s’en est servi contre le gouvernement et le président Chirac, plaçant ce dernier en difficulté. On sait que dans ces cas-là, le pouvoir met toujours en place une commission, dans le but de déminer le terrain. C’est ce qui a été fait. L’article 4 de cette loi a finalement été « déclassé ».

C’est seulement en décembre 2005, lorsque le gouvernement a lancé sa contre-offensive, que 17 personnalités (écrivains, journalistes, universitaires) présentées comme des « historiens » dans les médias ont lancé leur propre pétition et leur association « liberté pour l’histoire ». Emmenés par deux académiciens (Pierre Nora et René Rémond), ils ont mobilisé leurs réseaux académiques, politiques et médiatiques pour réclamer la suppression de toutes les « lois mémorielles ». Le nouveau texte adopté par les députés le 22 décembre 2011 réprimant la négation du génocide arménien prouve qu’ils ont échoué sur le plan politique. Néanmoins, ils ont gagné la bataille médiatique, c’est-à-dire la bataille des mots, en imposant comme une évidence l’expression « lois mémorielles ». Au-delà des mots, c’est le point de vue de ce réseau de personnalités qui s’impose aujourd’hui dans les médias comme le point de vue officiel des historiens. Dans son édition du 22 décembre, le Figaro titre : « Génocide arménien : les historiens ne veulent pas de loi ». Le Monde renchérit le même jour, en parlant du « vain débat sur les lois mémorielles », et en présentant Pierre Nora et ses amis comme les seuls interlocuteurs du débat. Décidément, les journalistes ne sont pas encore prêts à admettre le pluralisme dans la maison Histoire.

Au CVUH, nous avons combattu l’expression « lois mémorielles » parce qu’il nous semblait scandaleux, d’un point de vue civique, de placer sur le même plan une loi faisant l’apologie de la colonisation, avec les lois Gayssot et Taubira, ou avec la loi reconnaissant le génocide arménien. En critiquant la formule « lois mémorielles », nous voulions attirer l’attention du public sur un autre point. Englober tous ces textes législatifs sous cette étiquette permettait aux animateurs du mouvement « Liberté pour l’histoire » de déplacer l’enjeu du débat. La loi du 23 février 2005 était, en effet, par son article 4, la seule qui autorisait l’intrusion directe du pouvoir politique dans l’enseignement de l’histoire. Ce qui était contraire aux principes élémentaires de notre démocratie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cet article a été déclassé. Les autres lois incriminées par Pierre Nora et ses amis sont des enjeux de mémoire. Elles peuvent certes avoir des incidences indirectes sur la recherche historique. Mais elles ne disent pas aux historiens ce qu’ils doivent enseigner ou chercher. La bataille contre les « lois mémorielles » est en fait une bataille politique, qui vise à discréditer les revendications des « minorités » qui veulent qu’on reconnaisse les souffrances qu’elles ont subies dans le passé. Cette bataille est une facette des discours dénonçant le « communautarisme » et le « politiquement correct ».

On peut avoir des avis divergents sur ces questions en tant que citoyens, mais il me semble scandaleux, et antidémocratique, d’utiliser sa compétence « d’historien » pour essayer d’imposer son opinion, et prétendre interdire aux représentants du peuple de légiférer sur la mémoire. Nous ne sommes pas au-dessus des lois. Nous devons certes défendre l’autonomie de notre fonction (à la fois contre le pouvoir politique, mais aussi contre les lois du marché, curieusement oubliées par ces combattants de la liberté), mais sans pour autant régenter le passé, car nous n’en sommes pas les dépositaires.

Il était évident dès le début, que même les plus puissants représentants de notre corporation ne dicteraient pas leur loi aux élus du peuple. A la différence de Pierre Nora, qui présente son échec comme une catastrophe nationale, je ne suis donc nullement surpris pour ma part, que les députés aient adopté ce texte réprimant la négation du génocide arménien. Il y en aura d’autres. C’est la première bonne nouvelle de l’année. Le pire serait en effet que notre démocratie tombe sous la dictature des experts qui se présentent comme les garants de nos libertés.
ramiro
ramiro

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Date d'inscription : 01/04/2011

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A propos des « lois mémorielles ».  Empty Re: A propos des « lois mémorielles ».

Message  verié2 Lun 2 Jan - 16:04

On peut avoir des avis divergents sur ces questions en tant que citoyens, mais il me semble scandaleux, et antidémocratique, d’utiliser sa compétence « d’historien » pour essayer d’imposer son opinion, et prétendre interdire aux représentants du peuple de légiférer sur la mémoire.
Je suis désagréablement surpris par cette position de Noiriel, dont j'ai beaucoup apprécié les ouvrages. Car nous savons très bien que les lois mémorielles adoptées par "les représentants du peuple" sont très sélectives et au goût du jour, souvent dans le but de flatter telle ou telle catégorie de la population... et d'électeurs. Il y a peu de chances qu'une loi visant ceux qui nient le rôle de l'armée et de l'Etat français dans le génocide du Rwanda voit le jour. Une loi sur la négation des crimes du colonialisme n'a guère plus de chance d'être adoptée...

Ce n'est pas rendre justice aux victimes, aux survivants et à leurs familles d'adopter de telles lois. Cela aboutit bien souvent à les renforcer dans l'idée que le cas de leur "communauté" serait exceptionnel, voire unique. Et cela contribue à masquer les responsabilités globales du système capitaliste et impérialiste. Voire dans certains cas à embellir les impérialismes "démocratiques", ceux qui n'ont pas commis de génocide "officiel". Par exemple, à New York, il y a le plus grand musée de la "Shoah" du monde, alors qu'on chercherait vainement un musée de l'esclavage ou du génocide des Indiens...
___
A noter : il y a un bon article sur ce sujet dans la LO parue jeudi dernier.


verié2

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