The Black Power Mixtape

[sylvestre]

Un bon montage d'archives sur les mouvements noirs radicaux des Etats Unis dans les années 60-70, avec une double distance - les images ont été filmés par des journalistes suédois, et elles sont commentées par des militants qui se revoient à 40 ans de distance et des artistes qui ont continué l'héritage du mouvement. Des tas de moments fascinants, émouvants, intrigants, une belle corbeille d'expérience pour les militants d'aujourd'hui.

[sylvestre]

Ca passe ce soir sur Arte !

[gérard menvussa]

Entretien avec David Glover, le producteur du film, sur le site web "Blackchich" :

The Black Power Mixtape : Entretien avec Danny Glover

« I’m too old for this shit ! » En France, on connaît Danny Glover, 65 ans, pour son rôle de flic bougon, quasiment à la retraite, dans la série L’Arme fatale. Depuis, l’acteur a tourné dans plus de 120 films – aussi différents que Predator 2 et Manderlay de Lars Von Trier - avant d’endosser les casquettes de réalisateur et de producteur. Ambassadeur pour l’UNICEF, très engagé politiquement, Danny Glover est le producteur de The Black Power Mixtape, documentaire sur la révolte noire aux USA entre 1967 et 1975. Constituée d’images de la télévision suédoise absolument inédites, abandonnées sur des étagères poussiéreuses depuis plus de 30 ans, cette compilation ressuscite l’âme d’une génération qui ne se reconnaît plus dans la non-violence de Martin Luther King et qui prône une lutte frontale avec le pouvoir. En voix-off, un membre des Black Panthers comme Bobby Seale, des figures de la scène soul et rap comme Talib Kweli, Erykah Badu ou QuestLove. Et des images exceptionnelles d’une Amérique noire tourmentée, avec des interviews des principaux leaders de l’époque : de Martin Luther King à Angela Davis, en passant par Malcolm X ou Stokely Carmichael, théoricien du Black Power et Premier ministre honoraire des Black Panthers.
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Vous avez produit Oncle Boonemee, Palme d’or à Cannes, ou Le temps qu’il reste d’Elia Suleiman. Pourquoi avoir financé The Black Power Mixtape ?

Danny Glover : J’ai appelé ma boîte de production Louverture Films, en hommage à Toussaint Louverture, esclave haïtien, premier leader noir à avoir vaincu les forces d’un empire colonial européen dans son propre pays. Je produis des films pour faire connaître le passé, ouvrir le débat, s’engager. Pour The Black Power Mixtape, j’ai rencontré le réalisateur alors que je tournais un film en Suède en 2009. Documentariste suédois, Göran Hugo Olsson a exhumé des images extraordinaires, inédites, filmées entre 1967 et 1975, une période très importante pour moi. De fait, en 1967, j’étais étudiant à l’université de San Francisco. En tant qu’étudiant, j’étais membre du Syndicat des étudiants noirs et nous avions des relations très étroites avec le parti des Black Panthers. Sans aucun doute, nous étions influencés par la pensée de ces jeunes hommes et femmes, particulièrement des hommes comme Stokely Carmichael ou Rap Brown et d’autres encore qui s’éloignaient de cette idée de non-violence chère à Martin Luther King. Pour The Black Power Mixtape, j’ai trouvé une partie du financement et présenté au réalisateur toutes les personnalités qui ont enregistré les voix-off, notamment Robin Kelley, Bobby Seale, Angela Davis ou les rappers Talib Kweli et QuestLove.
Fiston, comment veux-tu rentrer chez toi ? Dans la voiture avec toute la famille ou dans un cercueil ?

Parlez-nous de votre engagement dans les années 60.

D. G. : J’ai entendu parler de Stokely Carmichael quand j’avais 15 ou 16 ans. A l’époque, je lisais ce que lui et d’autres activistes avaient écrit, j’admirais leur combat dans le sud du pays et je voulais en faire autant. Un beau jour, j’ai rendu visite à mes grands-parents qui vivaient dans la Géorgie profonde, bastion de la ségrégation. J’avais 16 ans et j’ai décidé que j’entrerais par la grande porte dans un restaurant, et non par la porte de derrière comme un panneau l’ordonnait. Je suis donc entré franchement dans un restaurant. Tout le monde s’est retourné vers moi, m’a dévisagé, et là, je me suis presque uriné dessus. Mon grand-père m’a dit alors : « Fiston, comment veux-tu rentrer chez toi ? Dans la voiture avec toute la famille ou dans un cercueil ? »

Que pensiez-vous du message de non-violence de Martin Luther King ?

D. G. : Cette idée de non-violence, avec cette conscience de la désobéissance civile, que l’amour peut tout changer, nous la questionnions. Mais docteur King a prouvé que son approche n’était pas obsolète quand il a élevé le débat en parlant de pauvreté, de matérialisme ou de la guerre du Vietnam. Nous n’avions peut-être pas la même approche, mais nous étions d’accord sur ce que sont les vrais problèmes.

Et la violence des Black Panthers ?

D. G. : Je pense que la violence du mouvement a été pour le moins amplifiée par ceux qui voulaient discréditer ce mouvement. Sans aucun doute, cette violence était de la self-défense. Et la self-défense, c’est une violence en réaction à quelque chose, ce n’est pas une violence d’agression.

Dans le film, Stokely Carmichael déclare : « Je suis né en prison ».

D. G. : Oui, mais c’est à l’origine une phrase de Malcolm X qui parlait du manque de débouchés, de la pression du racisme, de l’exclusion, de la violence de la société… Mais cette prison existe toujours pour de nombreuses communautés dans notre pays. Pas seulement pour la communauté noire, mais aussi la communauté hispanique. Des Hispaniques qui vivent dans la peur d’être déportés.

Après avoir vu The Black Power Mixtape, on ne peut s’empêcher de mettre en perspective la situation des Noirs dans les sixties et dans l’Amérique d’Obama, un pays où près de 26% des Afro-Américains vivent en dessous du niveau de pauvreté, contre 9 % des Blancs.
Pour changer il faut une véritable volonté politique et nous ne l’avons pas

D. G. : Plusieurs choses se sont mal passées. Il faudrait une très longue discussion pour en parler, pour comprendre. Dans les faits, l’éducation a – en dollar constant – baissé, l’accès aux études supérieures a baissé. Nous dépensons maintenant plus d’argent dans les prisons que dans les écoles. Et le nombre d’Afro-Américains en prison en plus important que celui des Afro-Américains à la fac ! L’élection d’Obama a été une immense victoire. C’est le président des Etats-Unis, il a été élu par le peuple qui devrait lui donner plus de pouvoir pour agir… Pour changer, il faut une véritable volonté politique et nous ne l’avons pas…
Il n’y a pas beaucoup de noirs dans le cinéma français non ?

The Black Power Mixtape nous présente une génération très engagée politiquement.

D. G. : Chaque génération écrit son histoire propre. Peut-être que pour cette nouvelle génération, l’idée du passé ne résonne pas aussi puissamment que l’idée du présent. Mais pour comprendre le présent, vous devez connaître le passé.

Que pensez-vous d’Hollywood ?

D. G. : L’industrie cinématographique est beaucoup moins diversifiée de nos jours, en genre et en race. On s’en aperçoit tout simplement en lisant les titres des films : Iron Man, Spider-Man, Superman. Ils sont tous basés sur des mâles et plus spécifiquement des mâles blancs. Mais bon, c’est la même chose partout. J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de noir dans le cinéma français, non ?

[cundo]

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