Rap : quand la droite "décomplexée" s'emmèle
Rap : quand la droite "décomplexée" s'emmèle
Publié sur "Numérama"
Le député UMP Michel Raison demande au ministère de la Culture quelles mesures il entend prendre pour "contrôler la diffusion de certaines oeuvres musicales" écrites par des groupes "issus de l'immigration".
La proposition n'est pas issue d'un député portant officiellement une étiquette de l'extrême droite, mais elle pourrait l'être. Dans une question posée mardi au ministère de la Culture, le député Michel Raison (UMP) souhaite attirer l'attention du gouvernement "sur les chansons écrites par certains groupes de musique rap issus de l'immigration". L'élu de Haute-Saône estime en effet que "sous couvert de liberté d'expression" (sic), "ces groupes se livrent à de véritables appels à la haine raciale et religieuse en proférant des paroles obscènes, racistes et misogynes".
Il demande donc au ministère de la Culture "les mesures qui ont été prises pour censurer ces chansons et mieux contrôler la diffusion de certaines oeuvres musicales", sous-entendu sur Internet.
La question n'est pas nouvelle, mais c'est la première fois qu'elle est posée avec si peu de précaution linguistique par un député. En avril dernier, le ministère de la Culture avait déjà répondu à une interpellation similaire d'un autre député UMP, qui se contentait alors de viser "certains groupes musicaux", sans stigmatiser les populations issues de l'immigration, ce qui n'est ni juste ni nécessaire. La violence et la mysogynie dans le rap ne sont pas l'exclusivité des groupes dont les membres n'ont pas de parents tous nés en France. Sauf erreur de notre part, le rappeur OrelSan (dont la chanson "sale pute" avait fait scandale et provoqué une demande de censure sur le net par l'ancienne secrétaire d'Etat Valérie Létard) n'est pas "issu de l'immigration".
Dans sa réponse en avril, le ministère de la Culture s'était dit incompétent pour censurer lui-même les chansons de rap. Mais il appelait les maisons de disques à faire ce travail de censure.
Selon le député Raison, "les conséquences sont d'autant plus préoccupantes que ces groupes sont écoutés par des jeunes en pleine construction qui n'ont pas forcément la maturité nécessaire pour prendre du recul par rapport à de tels propos".
Bientôt un contrôle parental étendu au type de musique écouté par l'adolescent ?
gérard menvussa- Messages : 6658
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Re: Rap : quand la droite "décomplexée" s'emmèle
Censurer du rap d'immigrés : le député admet "une connerie"By Aurélie ChampagneCreated 07/29/2011 - 19:00
Entête large:Flux externe:NormalMardi, Michel Raison, député UMP de Haute-Saône, appelait le ministère de la Culture et de la Communication, à censurer « certains groupes de rap issus de l'immigration » [1].
Les réactions n'ont pas tardé [2]. « Je suis un peu vexé », proteste Michel Raison. « Moi qui suis un antiraciste né… »
Contacté au téléphone, il fait machine arrière : il s'agissait d'une « mauvaise formulation » et même d'une « connerie ».
« C'est mon assistante de Paris qui l'a remise en forme »
Quand les appels se sont mis à pleuvoir, dans son bureau de Luxeuil, ville de 9 000 habitants dont il est maire depuis 2008, l'agriculteur dit avoir été surpris :
« Je ne me souvenais même plus de la question. Elle sort aujourd'hui mais j'ai donné mon feu vert en juin. C'est mon assistante de Paris qui l'a remise en forme. Je lui avais dit que lorsque des paroles de chansons excessives venaient d'un groupe issu de l'immigration, ça n'avait pas le même impact que lorsqu'il s'agissait de Français très marqués à droite qui proféraient des propos racistes. Au final, j'ai relu la question trop vite. La formulation est mauvaise.
J'assume et je comprends qu'elle soit mal comprise. Mais je maintiens ma question sur le fond : ce sont les paroles que je vise. »
Les mots « rap » et « groupes issus de l'immigration » disparaîtront
Dans sa nouvelle question à venir au Bulletin officiel, les mots « censure », « rap » et « groupes issus de l'immigration » disparaîtront :
« J'enlève le mot “ censure ”, parce qu'il est impossible d'interdire. Pour le reste, je sais qu'il y a certains groupes qui ne font pas de rap et qui tiennent aussi des propos excessifs. »
Aucun nom de groupe ne sera donc cité :
« Je ne suis pas trop spécialiste des musiques actuelles. Je ne connais pas le nom des groupes. »
Une vidéo [3] postée par le riverain Autist Reading rappelle qu'en 1980, le chanteur Renaud faisait rimer « Où est-ce que j'ai mis mon flingue ? » avec « Et votre république, moi, j'la tringle ». Le député « désapprouve » : « C'est quand même grave. »
Dans la vie de tous les jours, Michel Raison « écoute assez peu de musique » :
« J'aime bien le classique. A Luxeuil, on a eu des Hollandais qui nous ont donné des concerts magnifiques. C'était de la musique un peu religieuse, des pro qui tournent dans des campings. On a aussi un festival de musique baroque. Le rap en lui-même ne me dérange pas. »
Le maire a accueilli des rappeurs, « des gens très corrects »
Ses enfants n'écoutent pas de rap, « ils ne sont pas très musique non plus ». De fait, le rap « ne hante pas [les] nuits » du député : « Mes sujets de prédilection sont plutôt l'économie, l'aménagement du territoire, l'emploi. »
Pourquoi le député s'est-il aventuré sur ce terrain ?
« On est représentant des citoyens. Il y en a un certain nombre agacés par ces paroles excessives. Ils viennent nous voir, nous envoient des mails. Quand on finit par en avoir un certain nombre, on pose une question écrite. C'est comme ça que c'est venu. »
Le fait d'avoir reçu « quand même bien 40 ou 50 mails » n'empêche pas le maire d'avoir accueilli des rappeurs à Luxeuil-les-Bains l'année dernière, « des gens très corrects » :
« On n'a eu aucun problème, hormis des problèmes de bruit. Mais cette année, on a fait venir Nolwenn [Leroy], c'était le clou du festival, et on a eu des problèmes de bruit aussi. »
Du rap à Luxeuil-les-Bains
Il raconte le festival de hip-hop Urban Liberties :
« Au concert de rap, j'y suis allé, moi [il lit le programme du festival et énumère péniblement les noms des rappeurs, ndlr]. Je suis même monté les voir sur scène. C'était pas que pour les saluer, c'est parce qu'on donne des accords pour des horaires et […] j'étais aller les voir sur scène pour leur dire : “Quand même, les gars, tachez de pas trop dépasser.” » (Ecouter le son)
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Mohamed Benchagra est employé par la mairie pour diriger la MJC de Luxeuil. Il est l'organisateur du festival de hip-hop :
« En Haute-Saône, il n'y a pas vraiment de scène hip-hop. Il faut aller dans les départements limitrophes, en Lorraine ou dans le Doubs. »
« Surpris » par la question de son député, il préfère y voir « une faute d'inattention » :
« A Luxeuil, il y a une population immigrée qui est venue travailler dans des entreprises de fabrication de meubles. Aujourd'hui, certains jeunes issus de l'immigration ressentent parfois une discrimination à l'embauche. »
Citant l'affaire du député Grosdidier [1] (qui a porté plainte avec 201 parlementaires contre neuf groupes de rap en 2005), le directeur de la radio Générations [4], Bruno Laforestrie, rappelle que « des groupes d'extrême droite font souvent pression sur leur député au niveau local » et entrent dans le débat en utilisant le rap.
Michel Raison admet :
« Il est sûr que les gens qui nous envoient ces mails ne sont pas des gens d'extrême gauche. »
« Je ne fais pas partie de la droite populaire »
Mais il n'est pas proche de François Grosdidier :
« Je n'ai pas de très bonnes relations avec lui. Cette affaire n'a rien à voir. Je ne demande pas au ministère de la culture de faire de nouvelles lois. Je lui demande juste d'être plus attentif à certaines paroles excessives. Il ne faut pas donner de grain à moudre aux extrémistes de droite. »
N'est-ce pas l'effet produit par sa question ? Silence du député :
« Non. Encore une fois, je vous le dis et j'assume, la formulation est mauvaise. C'est une connerie […] Je ne fais pas partie de la droite populaire. Mes amis tournent davantage autour des proches de Villepin. »
Dominique de Villepin a tout de même activement participé à l'acharnement judiciaire du ministère de l'Intérieur contre le groupe La Rumeur [5] pendant huit ans. Michel Raison en a « vaguement entendu parler ».
Photo : Michel Raison (DR).
URL source: http://www.rue89.com/2011/07/29/censurer-le-rap-dimmigres-le-depute-admet-une-connerie-216098Links:
[1] http://www.rue89.com/2011/07/27/un-depute-ump-veut-censurer-du-rap-issu-de-limmigration-215874
[2] http://www.sos-racisme.org/content/la-question-de-michel-raison-une-grande-consternation
[3] http://www.rue89.com/2011/07/27/un-depute-ump-veut-censurer-du-rap-issu-de-limmigration-215874?page=10#comment-2551337
[4] http://generationsfm.com/
[5] http://www.rue89.com/tag/la-rumeur
[6] http://www.rue89.com/tag/hip-hop-0
[7] http://www.numerama.com/magazine/19422-un-depute-veut-controler-la-diffusion-du-rap-issu-de-l-immigration.html
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Rap : quand la droite "décomplexée" s'emmèle
En tout cas, pour une fois un article intéressant du nouvel obs (c'est assez rare pour être remarqué !)
Pourquoi le "rap de fils d'immigrés" dérange-t-il tant la droite ?
RAP. Le problème des groupes de rap serait-il que beaucoup de leurs membres sont issus de l'immigration ? Derrière ce prétexte fallacieux pour contrôler la production hip-hop, il faut voir d'autres raisons, bien plus concrètes.
Comme à intervalles réguliers depuis vingt ans, la teneur des propos de rappeurs français est remise en cause par le personnel politique en général, et la droite en particulier. En effet, mardi 26 juillet à l'Assemblée nationale, le député UMP Michel Raison a "attiré l'attention du ministre de la Culture et de la Communication sur les chansons écrites par certains groupes de musique rap issus de l'immigration".
Poursuivre les rappeurs, rien de nouveau
Déjà, dans les années 1990 et 2000, plusieurs artistes (NTM, Ministère Amer, Sniper, La Rumeur...) ont été poursuivis pour leurs propos parfois à la demande de membres de la classe politique. En 2005, 152 députés et 49 sénateurs UMP soudés derrière François Grosdidier, avaient déposé une plainte contre sept groupes de rap, les accusant "d'incitation au racisme anti-blanc"…
Plainte rejetée.
D'après cet article du Monde.fr, on comptait cinq plaintes jusqu'en 2010, aboutissant à deux condamnations, deux relaxes et une affaire toujours en cours (Orelsan). On constate donc que les condamnations des politiques ne correspondent pas toujours à celles de la justice.
Pour ma part, les différents propos qui ont fait l'objet de plaintes ne sont pas plus violents que ça, ça, ou ça. Je pense que comme les autres citoyens, les rappeurs ont le droit d'être stupides ou maladroits.
Indépendance et nouveaux circuits de distribution
Intéressons-nous maintenant à l'évolution du rap français au niveau économique.
L'évolution des moyens de production et de diffusion de chansons et de clips, le soutien qu'apportent de célèbres et riches footballeurs aux rappeurs issus de l'immigration, n'est-ce pas cela qui inquiètent certains députés au fond ?
Révolue, l'époque du collectif Time Bomb, où il fallait attendre que la radio Générations 88.2 (qui partageait alors sa longueur d'ondes avec Paris Jazz) diffuse les textes fracassants des rappeurs de ce label informel (Ill et Cassidy, Booba, Oxmo Puccino, Pit Baccardi...) pour en prendre plein les oreilles.
Comme les producteurs de lait, outrés par les marges que la grande distribution se fait sur leur dos alors qu'ils peinent à faire des bénéfices avec leur production, certains rappeurs ont depuis longtemps quitté le circuit de la distribution classique à la recherche de l'indépendance.
Inspirés par certains ainés ayant connu la grande époque des partenariats avec les maisons disques (en 1998, le Secteur Ä – Passi, Lino et Calbo d'Ärsenik, Doc Gyneco, mais aussi des groupes marseillais comme la Fonky Family, préfigurent le renouveau du rap français, tous signés en major) dont le très influent rappeur du Havre, Médine, a tiré le bilan dans le morceau Candidat Libre en 2009, les membres de la "nouvelle école" se tournent plutôt vers la création de labels indépendants, la promotion de nouveaux talents ainsi que celle de marques de street wear pour diversifier leurs revenus et produire, sans aucune contrainte, les chansons, vêtements, films et documentaires qu'ils désirent.
Les circuits indépendants : une alternative crédible au tout-Skyrock
Également dans le viseur de ces nouveaux indépendants, la radio Skyrock (qui a récemment connu quelques problèmes au niveau de sa direction) dirigée par le condamné en appel pour "corruption de mineure", Pierre Bellanger. Radio avec laquelle les précurseurs de La Rumeur (dont l'un des MC, Hamé, a gagné un procès intenté par Nicolas Sarkozy) n'ont jamais collaboré, et qu'ils ont toujours condamnée pour ses accointances avec les institutions comme dans la chanson Les funérailles de Skyrock.
Force est de constater que certains dans le rap considèrent qu'ils n'ont pas esoin des radios, télés et magazines éphémères (type R.E.R, Radikal...) pour assurer la diffusion et la promotion de leurs œuvres.
Sur internet, un jeune entrepreneur qui se fait appeler Fif lance, en 2005, le site Booska-P (en référence au héros du film brésilien La Cité de Dieu qui devient photographe, Buscapé), un pure-player de rap français qui depuis est devenu incontournable sur ce segment de marché, avec "un million de visiteurs uniques mensuel".
Une entreprise réputée dans le milieu hip-hop pour son féroce appétit. Le site a des contrats avec beaucoup d'annonceurs, aussi bien pour promouvoir des artistes signés en major, que des indépendants, et les tarifs pour placer une page de pub sur Booska-P sont à la hauteur du trafic constaté sur le site.
Le rap rapporte : est-ce cela qui inquiète ?
Ainsi, à la remorque de Booska-p, se sont développés des blogs constituant une "rapposphère" (Rap Impulsif, 13OrduHipHop, Rapadonf, N-da-Hood, Raprnbleblog...), sur lesquels des stars de la télé comme Mouloud Achour, du football comme Zinedine Zidane (qui a soutenu le projet "113 Universel" du rappeur Rim-K), ou l'international français Loïc Remy (qui a participé à la promotion des t-shirt du rappeur Dosseh) interviennent parfois en exclusivité pour soutenir ce mouvement hip-hop.
N'est-ce pas ce rapprochement entre des millionnaires du hip-hop et d'autres du football, qui ont parfois pour point commun d'être issus de l'immigration, qui inquiète certains ?
Des personnages comme le rappeur Booba (qui devient en 2002 le premier rappeur français à avoir été disque d'or en indépendant), dont la fortune est estimée à 5 millions d'euros, comme MC Solaar qui pèserait 15 millions d'euros, Alpha 5.20 (qui a déjà produit un film) ou le controversé Morsay, qui vient d'investir 400.000 euros dans un long métrage (La Vengeance), ne génèrent-ils pas une certaine angoisse à droite ?
En tous cas, selon Michel Raison, il faut penser à "contrôler la diffusion de certaines œuvres musicales" écrites par des groupes "issus de l’immigration"...
Et pourquoi pas imposer des quotas dans le recrutement des footballeurs destinés à jouer en équipe nationale, tant qu'on y est ?
gérard menvussa- Messages : 6658
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