Une porcherie comme les autres : la famille
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Une porcherie comme les autres : la famille
Sangtez-vous bien !?!
Dimanche 27 juin 2010
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BEATRICE CENCI OU LA BELLE PARRICIDE
5 FÉVRIER 1577 - 11 SEPTEMBRE 1599
Article dédié à la présentation d'extraits tirés de l'ouvrage intitulé, Mort de la Famille, et écrit par David Cooper, des Éditions du Seuil. " Je vise ici la dissolution des fausses structures personnelles dans lesquelles notre éducation nous fait vivre, la destruction de notre propre image inculquée de force par nos parents et nos professeurs. " David Cooper
" Le sang est plus épais que l'eau
uniquement en ce sens
qu'il véhicule une certaine stupidité sociale. "
"Résumons certains aspects de la famille qui ont toujours pour effet de nier l'homme quand ils n'ont pas de conséquences fatales. Nous étudierons plus loin les moyens de les détruire.
Il y a, en premier lieu, l'agglutinement des gens, fondé sur le sentiment qu'ils ont de leur incomplétude. Prenons un exemple typique de cette situation : la mère. Elle se sent incomplète en tant que personne et cela pour une série de raisons complexes dont les principales sont sa relation à sa propre mère et son rôle effacé dans la société. Ainsi, dans tout ce système colloïdal qu'est la famille, elle s'accroche à son fils afin qu'il compense un double manque dont l'un est subjectif : c'est sa mère qui lui en a donné le sentiment, et l'autre, objectif : il s'agit de sa suppression sociale. Quant au fils, même s'il "réussit" à quitter la maison et à se marier, il ne parviendra jamais à être plus complet que sa mère parce que, pendant les années les plus critiques de sa "formation", il s'est ressenti comme un appendice du corps et de l'esprit maternels. Au stade suprême de cette symbiose, le seul moyen pour lui de s'en sortir est une série d'actes qui le feront traiter de schizophrène et transférer dans cette réplique de la famille qu'est l'hôpital pour malades mentaux. Il se peut que seule la chaleur de l'amour permette aux gens enferrés dans la famille et les institutions sociales qui la répètent de s'en dégager.
En second lieu, la famille excelle à créer des rôles déterminés plutôt qu'à établir des conditions permettant à l'individu de prendre en charge son identité. Il s'agit ici de l'identité au sens mouvant et actif et non au sens figé des essentialistes. La famille endoctrine l'enfant en lui inculquant le désir de devenir un certain type de fils ou de fille (puis de mari ou de femme, de père ou de mère), elle ne lui laisse qu'une "liberté surveillée", étroitement confinée dans un carcan rigide. Au lieu de nous laisser cultiver un égocentrisme de bon aloi qui permette à nos actions de jaillir du centre de nous-mêmes, d'un nous que nous aurions créé et choisi, on nous apprend à nous soumettre ou à vivre excentré par rapport au monde. Ici, être excentrique signifie être normal puisque c'est être comme tout le monde, éloigné du centre de soi-même qui devient alors une région oubliée d'où nous parviennent seulement des voix de rêve parlant un langage également oublié. La plus grande partie de notre langage conscient n'est qu'une pâle et grinçante imitation des voix étranges et profondes venues de nos rêves et des modes de conscience préréflexifs (inconscients).
Être ainsi excentrique, bien élevé et normal, revient à vivre sa vie en fonction des autres et voici comment la famille inaugure un système de clivage de la personnalité tel que, plus tard dans la vie, nous fonctionnons toujours à l'intérieur des groupes sociaux comme l'une ou l'autre face d'une dualité. Cela découle du paramètre refus/acceptation de notre liberté. Nous refusons certaine de nos propres possibilités et nous en chargeons les autres. Ceux-ci à leur tout démettent en notre faveur des possibilités inverses. Ainsi, par exemple, l'antithèse éducateur-éduqué est bien ancrée dans les familles. Toute possibilité pour les enfants d'élever leurs parents est donc écartée et le devoir socialement imposé aux parents les contraint à refuser toute joie qui risquerait de supprimer la répartition des rôles. Ce système d'obligations est transposé dans toute les institutions dont feront ensuite partie les personnes élevées dans une famille (j'inclus ici, bien sûr, les familles adoptives et les orphelinats qui fonctionnent sur le même modèle). Un des spectacles les plus tristes que je connaisse est celui d'enfants de six ou sept ans, sous l'oeil de leurs parents, " jouant à l'école " avec des pupîtres et donnant des leçons exactement de la même manière qu'à l'école primaire. Comment revenir sur cette abdication et cesser d'empêcher l'enfant de nous transmettre la secrète sagesse que nous lui faisons oublier parce que nous oublions que nous l'avons oubliée ?
En troisième lieu, la famille est la première à socialiser l'enfant et, en tant que telle, à lui inculquer des freins sociaux manifestement plus puissants que ceux dont il aurait besoin pour se frayer un chemin dans la course d'obstacles dessinés par les agents de l'État bourgeois : police, administration universitaire, psychiatres, assistantes sociales, familles répétant passivement le modèle familial de leurs parents, à ceci près que les programmes de T.V. ont un peu changé. Au départ, on n'apprend pas à l'enfant comment survivre en société mais comment s'y soumettre. Le rituel de surface, les bonnes manières, les jeux organisés, les opérations mécaniques apprises à l'école remplacent systématiquement kes expériences créatrices spontanées, les jeux inventifs, le libre développement de l'imagination et des rêves. Il arrive qu'il faille recourir à une thérapie bien comprise pour redonner à nos expériences toute leur valeur, pour enregistrer convenablement nos rêves et, par suite, les développer au-delà du point de stagnation que la plupart des gens atteignent avant leur dixième année. Si cela se produisait sur une assez grande échelle, la thérapie deviendrait subversive et menacerait l'État bourgeois parce qu'elle ferait apparaître de nouvelles formes de vie sociale.
Il suffit pour l'instant de dire que chaque enfant, avant que l'endoctrinement familial ne dépasse un point de non-retour et que l'endoctrinement scolaire ne commence, est du moins en germe, un artiste, un visionnaire et un révolutionnaire. Comment retrouver ce potentiel perdu, comment remonter le chemin qui mène du jeu réellement ludique, qui invente lui-même ses propres règles, aux jeux ridicules et normaux qui ne sont que des comportements sociaux ?
Quatrièmement - et nous étudierons cela avec plus de détails dans d'autres chapitres -. la famille impose à tous les enfants un système de tabous. Elle y arrive, comme il en va généralement de toutes les contraintes sociales, en leur inculquant un sentiment de culpabilité, épée de Damoclès qui risque de tomber sur la tête de quiconque préfère ses options et ses expériences à celles recommandées par la société. Si l'on perd la tête au point de désobéir ouvertement aux impératifs de ces systèmes, on est poétiquement décapité ! Le "complexe de castration", loin d'être pathologique, est une nécessité inhérente aux sociétés bourgeoises ; en fait, c'est lorsque certaines personnes sont en danger d'en guérir qu'elles recherchent avec embaras une thérapie - ou une nouvelle forme de révolution.
Le système de tabous enseigné par la famille dépasse de beaucoup le tabou manifeste de l'inceste. Les moyens sensoriels de communication, hormis l'ouïe et la vue, sont largement restreints. La famille interdit à ses membres de se toucher, de se sentir, de se goûter. Les enfants peuvent s'ébattre avec leurs parents, mais une stricte ligne de démarcation est dessinée autour de leurs zones érogènes. Ainsi, les garçons âgés ne peuvent embrasser leur mère que d'une façon très mesurée, oblique et guindée. Les étreintes et attouchements entre sexes opposés deviennent vite, dans l'esprit de la famille, une dangereuse sexualité. Il y a avant tout le tabou de la tendresse que décrit si bien Ian Suttie dans son livre Origins of love and hate. En famille, la tendresse peut être ressentie - certes - mais en aucun cas exprimée, à moins d'être formalisée jusqu'à perdre pratiquement toute réalité. On peut se souvenir d'un jeune homme dont parle Grace Stuart et qui, voyant son père dans son cercueil, se pencha sur lui, l'embrassa sur le front et lui dit : " Père, je n'ai jamais osé faire cela de ton vivant ". Peut-être que si nous sentions à quel point sont morts les hommes vivants, le désespoir que nous en ressentirions nous inciterait à prendre plus de risques.
Au cours de ce chapitre, j'ai dû employer un langage archaïque, foncièrement réactionnaire et certainement en contradiction avec ma façon de penser ; il en est ainsi, par exemple, du vocabulaire familial : mère, père, enfants (au sens de " leurs enfants "), sur-moi. Le mot "mère" implique un certain nombre de fonctions biologiques, des fonctions de protection première, un rôle conditionné socialement, et aussi une certaine " réalité " juridique. En fait, la fonction maternelle peut s'étendre à d'autres personnes : le père, les frères et soeurs et surtout d'autres personnes extérieures à la famille biologique."
" Un psychologue, Tiz, me raconta qu'un garçon
enfermé en ce moment dans une prison psychiatrique
avait coupé la tête de sa mère et l'avait rôtie au four.
Mes réflexions sur l'affaire :
il avait peut-être faim. "
"Les gens sont, de toute évidence, des cochons ; les institutions humaines sont, de toute évidence, des porcheries, des élevages de porcs et des abattoirs. Le "pourquoi" de cette "évidence" est le cours même de l'histoire. Les cochons se roulent dans leur boue avec la même satisfaction que nous dans notre boue écologique, les émanations et les ordures de nos villes et de nos campagnes. Les cochons détruisent souvent leur progéniture ; nous en faisons autant, mais avec des raffinements tortueux d'humanistes. Les modèles de saloperie négligente et de cannibalisme gratuit sont très proches chez l`homme et chez le porc.
Les parents bourgeois et conventionnels sont tout à la fois un énorme cochon bisexué et une gigantesque usine de bacon. Voilà leur ambiguïté fondamentale. Ceux qui s'échappent par une issue de secours ou sous un déguisement d'ouvrier finissent en général dans une grande mangeoire à gorets, une prison ou un autre abattoir. D'autres, peu nombreux, après un dur travail et beaucoup de peine, arrivent à s'enfuir et deviennent sains d'esprit. Ceux-ci portent inévitablement un prophétique fardeau."
" Que la libération, dès son origine, signifie douleur immédiate et dur travail sur soi-même, il n'y a là rien de mystérieusement paradoxal, c'est une conséquence de l'intériorisation d'une contradiction objective de la société bourgeoise. "
Repose sur tes deux oreilles, belle décapitée.
Dans une étude sur les testaments, Philippe Ariès démontre qu'avant le milieu du XVIIIe siècle la famille n'intervenait dans la vie des gens que durant les crises ou après la mort. Ce n'est que depuis cette époque que la famille a envahi la vie de tous les jours au point d'annexer toute la vie quotidienne en en faisant son territoire : territoire des crimes les plus violents de notre société, voire de meurtres souvent déguisés en martyres d'enfants. Tous les meurtres sont des meurtres familiaux ayant lieu soit dans une vraie famille, soit dans ses répliques.
La forme familiale de l'existence sociale, qui caractérise toutes nos institutions, détruit fondamentalement les initiatives autonomes parce qu'elles refuse de reconnaître ce que j'ai appelé la dialectique entre être-seul et être-avec-les-autres. Au cours de ces deux derniers siècles, la famille s'est fait l'intermédiaire d'une invasion de la vie des individus, laquelle était indispensable à la survie du capitalisme impérialiste. Par définition, la famille ne peut jamais nous laisser seuls, car elle est l'ultime convergence des mass media les plus perfectionnées. La famille est un poste de télévison plein d'effets de couleur, de sensations tactiles, de goût et d'odeurs que l'on nous impose pour nous faire oublier d'éteindre le poste. Aucune drogue psychédélique n'aura d'effets tant que nous n'aurons pas appris à fermer opportunément ce poste familial. Cela doit se faire en fonction d'une liquidation ou du moins d'une neutralisation partielle des membres de la famille et de ses rouages; la liquidation de ces derniers est encore plus importante que celle des objets familiaux intériosisés. La famille est un système que nous surimposons perpétuellement aux autres, avec une violence aveugle qui les encourage à violer aveuglément la source de cette violence aveugle. Voilà en quoi nous devons intervenir.
Le moment est venu d'écrire nos dernières volontés et notre testament : il n'y a qu'une clause essentielle et expresse. Rien ne doit être laissé à la famille. Mère, père, frères, soeurs, fils et filles, mari et femme nous ont précédés dans la mort. Ce n'est pas à eux que nous donnerons quoi que ce soit qui nous appartient, ce n'est pas eux que nous garderons en nous. Le sans de consanguinité s'est déjà écoulé par les gouttières des rues familiales de banlieue.
L'âge de nos parents est révolu puisqu'ils ont envahi le centre absolu de nous-mêmes, tout comme nous si nous ne comprenons pas le sens profond de ces dernières volontés.
J'espère qu'à la fin de notre vie nous aurons un amour à quitter, même s'il a été meurtri, et qu'il nous restera aussi un désespoir. finalement vaincu. Nous les laisserons tous deux aux hommes, aux femmes et aux enfants.
Ainsi ferai-je. "
David Cooper
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boutroul- Messages : 14
Date d'inscription : 13/07/2011
Re: Une porcherie comme les autres : la famille
Actuel Marx
n° 37, 2005/1
Critique de la famille
http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2005-1.htm
Emerson Douyon
LA FAMILLE ET LA DÉLINQUANCE DANS TROIS SPHÈRES CULTURELLES
(1975)
http://www.erudit.org/revue/crimino/1975/v8/n1-2/017039ar.html?vue=resume
n° 37, 2005/1
Critique de la famille
http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2005-1.htm
Emerson Douyon
LA FAMILLE ET LA DÉLINQUANCE DANS TROIS SPHÈRES CULTURELLES
(1975)
http://www.erudit.org/revue/crimino/1975/v8/n1-2/017039ar.html?vue=resume
COOPER David 1931- 1956 [01] De la psychiatrie à l’antipsychiatrie : si la maladie mentale est d’origine sociale et familiale, c’est la société qu’il faut réformer.
http://www.archipope.net/article-12170940.html
[Ne faut-il pas ramener l’origine des « confusions mentales » du « malade » à la confusion et aux contradictions des impératifs sociaux et familiaux ? La maladie mentale, inadaptation sociale, est d’origine sociale et remet en cause les normes sociales. De la psychiatrie à l’antipsychiatrie et de l’antipsychiatrie à la nécessité de la révolution…]
« Dans l’imagerie populaire, le schizophrène est le prototype du fou, il est l’auteur d’actes insensés, parfaitement gratuits et toujours empreints de violence à l’égard d’autrui. […] Il est l’homme illogique, celui dont la logique est «malade». Ou du moins le dit‑on. Mais peut‑être pourrions‑nous découvrir un noyau de sens au coeur de ce non‑sens apparent. […] Se pourrait‑il que sa folie dissimulât une secrète santé ?
Premièrement, il est né dans une famille, et certains diraient que c’est là le plus grand des facteurs qu’il ait en commun avec nous. Mais examinons‑la, sa famille, en supposant pour l’instant qu’elle se distingue de beaucoup d’autres d’une manière significative.
Dans la famille du futur « schizophrène », nous observons une sorte d’extrémisme particulier. Même les questions apparemment les plus banales sont articulées sur les pôles santé/folie, vie/mort. Les lois du groupe familial qui règlent non seulement le comportement mais aussi les expériences autorisées sont à la fois inflexibles et confuses. Dans une telle famille, un enfant doit apprendre un certain mode de relation avec sa mère (par exemple) mode dont on lui enseigne que dépend entièrement son intégrité mentale et physique. On lui dit que s’il viole les règles, et l’acte autonome apparemment le plus innocent peut constituer une telle violation, il provoquera tout à la fois la dissolution fatale du groupe familial, la destruction de ce qui est la personnalité de sa mère, peut‑être celle d’autres personnes encore. Du coup, […] il est progressivement placé dans une position intenable. Son choix, au dernier point critique, est entre la soumission totale, le complet abandon de sa liberté d’un côté, et d’un autre côté, le départ hors du groupe, avec l’angoisse d’assister à la dévastation prophétisée et de se heurter au sentiment de culpabilité qu’on lui a inculqué à travers tant de soins affectueux. La plupart des futurs schizophrènes trouvent à ce dilemme une réponse globale qui souvent coïncide, dans l’état des choses du moment, avec celle que la famille trouve pour eux : en quittant leur famille, mais en ne la quittant que pour entrer dans un hôpital psychiatrique.
Dans l’hôpital psychiatrique, la société a construit, avec une habileté infaillible, une structure sociale qui reproduit à de nombreux égards les particularités génératrices de folie de la famille du patient. Il y trouve des psychiatres, des administrateurs, des infirmières, qui sont ses véritables parents, frères et sueurs, et qui jouent entre eux un jeu trop souvent ressemblant, par la complexité de ses règles, au jeu où il échoua dans sa famille.
[…] On a noté que le malade dit schizophrène avait dû à plusieurs reprises faire face à des exigences contradictoires dans sa famille, et parfois même à l’intérieur de l’hôpital psychiatrique. Certains chercheurs américains ont employé ici le vocable de « double contrainte ». […] On peut dès maintenant illustrer [cette notion] par l’exemple banal de la mère qui fait une déclaration contredite par sa conduite : elle dit à son fils : « Va, trouve toi‑même tes propres amis et ne sois pas si dépendant de moi », mais en même temps elle montre (hors de toute verbalisation) qu’elle serait bouleversée s’il la quittait vraiment, fût‑ce dans cette faible mesure. Ou bien, en se montrant soucieuse d’éviter toute intimité physique avec lui, elle lui dit «Viens embrasser ta mère, mon chéri ! » A moins que son enfant ne réussisse à trouver en lui‑même une absence de pitié, une contre‑violence par laquelle détruire tout cet échange absurde, sa réaction ne peut consister qu’en un trouble et finalement en ce qu’on appelle confusion psychotique, désordre mental, catatonie, etc.
[…] Dans une large mesure, la «maladie » ou l’illogisme du schizophrène trouve son origine dans une maladie de la logique autour de lui.
Ainsi, la famille, afin de préserver son mode de vie inauthentique, invente une maladie Et la science médicale, sensible à des besoins sociaux si grands, produit une discipline spéciale, la psychiatrie, pour conceptualiser, formaliser, classer et fournir des traitement; à cette maladie.
La notion de maladie, en soi, implique des symptômes : la famille en prépare une liste gigantesque. Les symptômes de la schizophrénie sont constitués virtuellement de par tout ce que fait la famille, insupportablement anxieuse face aux tentatives de comportement indépendant de l’un de ses membres. Les signes de ce comportement comprennent habituellement l’agression, la sexualité, et en général, toute forme d’affirmation autonome de soi.
Or, quand on examinait avec soin les circonstances de la crise familiale, on découvrait que le comportement agressif et violent du patient tenait en ceci : il avait : a) cassé une tasse à thé, b) claqué la porte d’entrée, c) frappé du pied, une seule fois mais avec énergie, dans l’allée du jardin. A repérer les responsabilités dans la situation de la famille et à monter une reconstitution de la «crise», on découvrit que la mère luttait depuis de nombreuses années contre de fortes tendances dépressives. A un certain moment, comme le père, lui‑même dépressif, et complètement refermé sur lui‑même, avait été paralysé par une attaque, il avait fallu que la mère se débarrasse elle‑même de ses forts sentiments de culpabilité, afin de faire face à son nouveau (et difficile) rôle d’infirmière, et la seule personne alors susceptible de devenir le dépositaire des sentiments de culpabilité était le fils, âgé de vingt‑cinq ans, et qui avait été assez bien conditionné pour remplir cet office. Cette situation, maintenant arrivée au point critique, s’était développée pendant trois ou quatre ans. Le fils avait, à l’âge de vingt et un ans, traversé la période habituelle d’extrême sensibilité vis‑à‑vis de soi‑même. Il avait projeté dans les autres tout ce qui, de lui-même, constituait une part sexuelle et agressive inacceptable, il en avait éprouvé le retour sur soi comme une moquerie et même comme une persécution. Ceci l’avait conduit à une première admission en hôpital, où il avait déclaré être Jésus‑Christ. A cette époque, comme lors de sa seconde admission, il portait le fardeau entier de la culpabilité de sa mère à la place de celle‑ci et, au sein de la microsociété familiale, était occupé à mourir afin que les autres, principalement sa mère, puissent être sauvés. Nous mourons tous plusieurs fois de morts partielles afin que d’autres, dont nous sommes les offrandes sacrificatoires puissent vivre. Le Christ‑archétype, dans la mesure où il peut avoir une quelconque réalité, est ainsi en chacun de nous. En ce sens, le délire où s’était installé le patient était tout à fait vrai; mais d’une vérité que personne ne pouvait lui permettre de voir. »
[David Cooper, Psychiatrie et antipsychiatrie, pp. 39‑4I, 44‑46, 47‑48, Seuil]
[Note de Cooper] Le corps médical tend à considérer la psychiatrie avec condescendance. Cela n’est pas totalement injustifié. La justification tient au fait que nombre de psychiatres se sont complètement perdus dans les complications de la médecine organique; ils passent des examens de médecine supérieure, apprennent comment on inspecte le fond de l’oeil et comment on fait l’analyse précise des substances qui composent nos divers excréments. Progressivement et laborieusement, ils acquièrent le détachement requis à l’égard du patient qu’ils ont en face d’eux et auquel, le plus souvent, ils refusent de faire face. En fait, de nombreux psychiatres ne sont que des médecins médiocres ‑ des gens qui n’ont pas pu «réussir» en médecine générale; mais cela ne limite en rien pour eux les possibilités de la vanité. La vanité, en revanche, s’effondre dans certains cas ‑ quand le psychiatre a vraiment essayé de comprendre son malade à partir de ce qu’il a essayé de comprendre de lui‑même ‑, peut‑être à travers une lente et coûteuse formation psychanalytique. C’est là sans doute une démarche boiteuse et imparfaite, mais c’en est une en tout cas pour laquelle le corps médical et ses comités de sélection soigneusement composés touchant les postes de psychiatrie, ne montrent guère de signes de compréhension. Après quoi des personnages qui sont humainement, techniquement et professionnellement mal armés, sont placés à des postes socio‑médicaux importants, tels que : consultant, inspecteur, et parfois même professeurs de psychiatrie.
boutroul- Messages : 14
Date d'inscription : 13/07/2011
Re: Une porcherie comme les autres : la famille
Psychiatrie et anti-psychiatrie
Étude d'une famille
Étude d'une famille (1)
http://www.reocities.com/clemsnide23/davidcooper1.html
Étude d'une famille (2)
http://www.reocities.com/clemsnide23/davidcooper2.html
Étude d'une famille
Introduction :
Je mets ce texte en ligne en raison de son importance dans la compréhension qu'il apporte de la problématique basée sur la double-contrainte, une problématique sans issue, dans laquelle toutes les alternatives sont négatives. Elle peut engendrer la schizophrénie.
Dans ce contexte du texte de David Cooper, elle concerne une famille. Mais elle peut également s'exercer à d'autres niveaux : national, international, etc. La compréhension des postulats piégés sur lesquels elle repose permet de la résoudre, comme c'est le cas dans l'exemple de cette famille.
De la même façon, la compréhension d'une problématique enfermant un groupe d'individus donnés permet de la résoudre de la même façon aux autres niveaux.
Certaines problématiques enferment des peuples, des nations, des civilisations. A ces niveaux elles engendrent des conflits, qui se perpétuent tant que les oppositions et contradictions générées par les faux postulats n'ont pas été analysées, et ces postulats, remplacés par des postulats similaires aux faits. Elles sous-tendent également les systèmes de contrôle.
Si ce texte est surtout connu en psychiatrie, il est également utile pour la compréhension des conflits aux niveaux politique, religieux, etc., dans la mesure où les mécanismes en question sont similaires au niveau des individus.
Très schématiquement, on distingue deux sortes de problématiques :
- les problématiques de culpabilité, qui reposent sur la notion de crime sans victime, sur des interdits doctrinaux sans rapport avec les conséquences des actes interdits, et sont à l'origine des tabous et des névroses,
- les problématiques existentielles, basées sur une conception de l'existence tragique, absurde et désespérée. Elles engendrent des psychoses.
La double contrainte joue sur les deux registres, mettant en jeu des mécanismes de culpabilité, tout en menaçant la personne dans son existence même.
Mais névroses et psychoses sont la résultante des interactions au sein du groupe social : sans ces problématiques, pas de psychoses ni de névroses. Il n'y a donc pas d'un côté des gens "sains" et de l'autre des "malades", contrairement à l'idée accréditée, ces derniers n'étant que les manifestations visibles des problématiques qui enferment l'ensemble du groupe, comme le démontre l'analyse des entretiens enregistrés dans le chapitre ci-dessous.
Le piège de la psychiatrie consiste à attribuer les troubles psychiques à la seule personne qui en souffre. Cette dernière joue alors le rôle de bouc émissaire, et l'enfermement qui la frappe permet au groupe de rejeter sur elle l'origine de sa folie, et, en l'isolant, de refuser de se confronter à la problématique qui l'enferme, aux postulats sur lesquels elle repose. Elle lui évite de s'inclure comme un élément de l'ensemble, se situant comme extérieur à la problématique, comme si celle-ci ne le concernait pas. Dans la mesure où les mécanismes mentaux en jeu ici sont inconscients, ce n'est pas de culpabilité dont il est question ici, mais d'inconscience et d'irresponsabilité. Le refus du groupe de se confronter aux conséquences de ses actes repose sur la peur d'une remise en question de la structure du groupe, elle même structurée par les tabous, les faux postulats sur lesquelles repose sa structure mentale.
Mais cette peur n'est pas justifiée, dans la mesure où la mise en lumière des faux postulats et leur remplacement par des postulats correspondant à ce qui se passe exactement engendre la résolution des problématiques et libère le groupe tout entier, tout comme dans l'histoire d'Eric et de sa famille.
Isabelle Baudron
Étude d'une famille (1)
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Étude d'une famille (2)
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boutroul- Messages : 14
Date d'inscription : 13/07/2011
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