APPRENONS À FAIRE L’AMOUR
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APPRENONS À FAIRE L’AMOUR
APPRENONS À FAIRE L’AMOUR [1]« Suite à la publication de ce pamphlet, le Conseil de l’Ordre des médecins a infligé au docteur Jean Carpentier une suspension de toute activité professionnelle pendant un an ! C’est durant cette suspension que je l’ai connu et que nous sommes devenus amis.
Depuis lors, bien des choses ont changé ! Ainsi, après de nouveaux ennuis pour avoir été un des pionniers du traitement des drogués par la méthadone, Jean Carpentier a été choisi par l’Ordre des médecins comme « expert » dans le domaine du traitement desdits drogués... »
Henri De Caevel
Au début de l’année 1971, deux lycéens viennent me raconter une histoire : un gars et une fille de leur classe surpris en train de s’embrasser sont tancés vertement et leurs parents reçoivent des lettres de l’administration leur faisant part de la chose. Les deux lycéens sont furieux, et veulent écrire un tract de protestation, « un tract un peu agressif, qui en rajoute, qui dit tout ce qu’un gars et une fille peuvent faire ensemble, on en a ras le bol des interdits stupides ». On écrit un tract sur un coin de table en lui donnant une forme de cours, un peu sec, premièrement, deuxièmement, etc., une « leçon de choses » sans « faire de sentiment » car ce n’est pas la question. D’ailleurs, « ils » s’en foutent pas mal du sentiment et de « la dimension affective » comme ils diront ensuite pour critiquer ce tract et en poursuivre les auteurs : qu’y avait-il de plus sentimental que ce baiser entre un lycéen et une lycéenne ? On fait lire le projet à quelques personnes, y compris des parents d’élèves, il choque mais il plaît car il oblige à parler.
Par un beau matin de printemps, on distribue ce papier devant le lycée :
APPRENONS À FAIRE L’AMOUR
CAR C’EST LE CHEMIN DU BONHEUR – C’EST LA PLUS MERVEILLEUSE FAÇON DE SE PARLER ET DE SE CONNAÎTRE
1. L’homme possède un organe fait de tissu érectile : la verge. La femme possède un organe beaucoup plus petit mais équivalent, situé au-dessus de l’orifice extérieur du vagin : le clitoris.
Ces deux organes sont de taille variable suivant les individus mais cela n’a aucune importance : il n’y a pas lieu de s’en inquiéter, l’important est de savoir s’en servir. En effet, ce qui est important, c’est que leur excitation par toutes formes de caresses produit un plaisir croissant qui provoque du même coup le désir de continuer. Ce plaisir se traduit :
- localement par une érection de ces deux organes, c’est-à-dire un durcissement et une augmentation de leur taille et de leur chaleur ainsi que, chez la femme, une sécrétion abondante qui humidifie l’intérieur du vagin (ce qui va favoriser la pénétration éventuelle et les mouvements de la verge : le coït) ;
- généralement, ce plaisir croissant envahit l’ensemble du corps et se termine par l’orgasme (ou jouissance) si l’excitation n’est pas interrompue.
2. En dehors de ces deux organes, spécifiquement sexuels, le corps possède d’autres zones (dites « zones érogènes ») dont l’excitation par des caresses procure du plaisir, ou rend plus intense le plaisir obtenu par l’excitation des organes sexuels. Ces zones érogènes varient selon les sexes et selon les individus (elles sont d’autant plus nombreuses et utiles que les individus sont moins refoulés sexuellement) : ce sont, par exemple, les lèvres, la bouche, les oreilles, la nuque, les seins, la face interne des cuisses, les fesses, le ventre, etc.
3. Les caresses peuvent être prodiguées par soi-même (masturbation) ou par un ou une partenaire (relations homosexuelles ou hétérosexuelles).
L’intérêt de la masturbation est notamment de bien connaître votre corps et les plaisirs qu’il peut vous procurer, ce qui paraît indispensable à la connaissance d’autres corps (il faut noter par ailleurs qu’elle peut permettre de combler le vide d’une heure de classe ou d’une soirée ennuyeuse).
L’intérêt de l’homosexualité vient surtout du fait que les relations hétérosexuelles (filles-garçons) sont généralement interdites aux jeunes par l’hypocrite morale (qui d’ailleurs a le culot de blâmer l’homosexualité). Les relations hétérosexuelles cependant paraissent les plus riches de plaisir.
Ce papier est fait pour encourager les relations sexuelles, du baiser au coït en passant par les caresses les plus variées, entre les individus de sexes différents. D’une manière générale, pour encourager toutes les activités sexuelles : car, comme le reste, on « apprend » à faire l’amour et on fait des progrès.
4. L’aboutissement des caresses constitue, s’il n’y a pas d’interruption, l’orgasme, qui se traduit chez l’homme par une éjaculation de sperme et, dans les deux sexes, par un état d’abandon complet avec des mouvements et des paroles involontaires. Cet état de jouissance maximale est de courte durée et plus ou moins intense. Il est suivi d’une phase de relâchement (relaxation) très agréable et calmante.
5. La pénétration du vagin par la verge (coït) est une forme d’acte sexuel complet, elle présente cependant le risque de grossesse si l’éjaculation de sperme a lieu pendant la période de fécondité de la femme (à mi-distance des règles, mais il faut se méfier de cette approximation surtout lorsque les cycles menstruels ne sont pas réguliers, ce qui est fréquent notamment chez la jeune fille). À notre époque, cet inconvénient peut être facilement dépassé par l’utilisation de contraceptifs efficaces (pilule, diaphragme). Ceux-ci, utilisés correctement, évitent la crainte toujours présente d’une grossesse prématurée et des pratiques barbares (retrait du garçon avant l’éjaculation par exemple) qui, outre qu’elles sont peu sûres, sont généralement défavorables à l’atteinte de l’orgasme par l’un ou l’autre des partenaires ou les deux. La pilule notamment peut être prise par les filles dès que le désir de relations hétérosexuelles apparaît.
6. Il faut noter, dans un chapitre d’autant plus court qu’il veut souligner avec force que les notions de « normal » et d’« anormal » ne sont nullement fondées, qu’en toute pratique sexuelle, ce qui compte c’est le désir qu’on en a et le plaisir qu’on y trouve, la plus grande liberté doit guider la variété de nos choix. Il n’y a qu’un danger, c’est le refoulement des désirs. Il n’y a pas d’anormal.
7. Ces quelques lignes sont bien schématiques et partielles mais nous engagent à agir. Faites lire ce papier autour de vous, discutez-en, complétez-le, pratiquez-le, surtout. Méprisez et plaignez ceux qui en riront et ne croyez pas sur parole ceux qui feront comme s’ils connaissent : nous savons que les deux tiers des gens sont impuissants ou frigides et l’acceptent. C’est contre cela que nous luttons et peut-être contre ceux-là.
Au cas où vous auriez des explications à demander, interrogez vos parents ou vos professeurs.
Vous comprendrez d’après leurs réactions (en général : « Vous en parlerez quand vous serez plus grand », ou encore gêne, voire hostilité).
Vous comprendrez pourquoi vous n’y avez pas pensé plus tôt.
Vous comprendrez que vous êtes déjà « grand ».
Vous saurez ce qui vous reste à faire.
Comité d’action pour la libération de la sexualité
Notes
[1] Extrait de Textes libres de Jean Carpentier, Paris, Éditions L’impensé radical, 1972.
boutroul- Messages : 14
Date d'inscription : 13/07/2011
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