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Racisme et gauche française

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Racisme et gauche française Empty Racisme et gauche française

Message  sylvestre Sam 8 Sep - 20:03

Un article remarquable de Saïd Bouamama.

http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et

<html> <head> <meta content="text/html; charset=ISO-8859-1" http-equiv="content-type"> <title></title> </head> <body> <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=utf-8"> <div class="cartouche" style="border-bottom: 1px dotted silver; margin-right: 35px; margin-left: 35px; color: rgb(0, 0, 0); font-family: 'Helvetica Neue',Helvetica,Arial,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: normal; orphans: 2; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); font-size: small;"> <h1 class="titre" style="margin-top: 0px; font-size: 35pt; margin-bottom: 2px; font-weight: 200; text-align: center;">Les fondements historiques et idéologiques du racisme «&nbsp;respectable&nbsp;» de la «&nbsp;gauche&nbsp;» française</h1> <p class="signature_auteur" style="text-align: center; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 10pt; font-style: italic; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: normal; margin-top: 10px;">par<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><span class="nom_auteur" style="font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 200; line-height: normal; text-transform: uppercase;"><span class="vcard author"><a class="url fn spip_in" href="http://quefaire.lautre.net/auteur/said-bouamama" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">SAÏD BOUAMAMA</a></span></span></p> </div> <div class="chapo" style="margin-top: 35px; margin-bottom: 10px; font-family: 'Helvetica Neue',Helvetica,Arial,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: normal; orphans: 2; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); font-size: small;"> <p style="margin-top: -5px; text-align: justify; margin-bottom: 10px; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: 16pt;">Prise de position en faveur d’une loi sur le foulard à l’école en 2004, soutien plus ou moins assumé et plus ou moins net aux interventions impérialistes en Afghanistan, en Irak, en Lybie, thématique de l’intégration pour penser les questions liées à l’immigration, approche dogmatique de la laïcité découplée des enjeux sociaux, etc.</p> </div> <div class="texte" style="margin-top: 25px; text-align: left; margin-bottom: 0px; font-family: 'Helvetica Neue',Helvetica,Arial,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: normal; orphans: 2; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); font-size: small;"> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Ces quelques exemples contemporains de positions d’organisations et de partis se réclamant de la «&nbsp;gauche&nbsp;» et même de «&nbsp;l’extrême gauche&nbsp;», font écho à d’autres plus lointains&nbsp;: absence ou dénonciation ambiguë de la colonisation, absence ou ambigüité du soutien aux luttes de libérations nationales dans la décennie 50, silence assourdissant pendant des décennies sur les massacres coloniaux de la conquête au 17 octobre 1961 en passant par les crimes de Madagascar (1947), du Cameroun (1955-1960), etc. Les constantes sont telles entre hier et aujourd’hui, qu’il nous semble nécessaire d’en rechercher les causes idéologiques et matérielles. Il existe des héritages encombrants qu’il convient de rendre visible, faute de quoi les reproductions des mêmes pièges idéologiques se déploient et aboutissent aux mêmes cécités et aux mêmes impasses politiques.</p> <h3 class="spip" style="text-align: left; margin-top: 20pt; margin-bottom: 5pt; font-size: 17pt; font-weight: normal; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: normal;">Une hégémonie culturelle assise depuis le 19ème siècle</h3> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">L’hégémonie culturelle est un concept proposé par Antonio Gramsci pour décrire la domination culturelle des classes dominantes. Le concept s’inscrit dans l’analyse des causes du non développement des révolutions annoncées par Marx pour les pays industrialisés d’Europe en dépit de la vérification des conclusions économiques de Marx (crise cycliques, paupérisation de la classe ouvrière, etc.). L’hypothèse de Gramsci est que cet «&nbsp;échec&nbsp;» des révolutions ouvrières est explicable par l’emprise de la culture de la classe dominante sur la classe ouvrière et ses organisations. La classe dominante domine certes par la force mais aussi par un consentement des dominés culturellement produit. L’hégémonie culturelle de la classe dominante agit par le biais de l’État et de ses outils culturels hégémoniques (écoles, médias, etc.) pour produire une adoption par la classe dominée des intérêts de la classe dominante. L’hégémonie culturelle décrit donc l’ensemble des processus de production du consensus en faveur des classes dominantes.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">La radicalité des luttes de classes dans l’histoire française (Révolution antiféodale radicale en 1789-1793, Insurrection de juillet 1830, Révolution de février 1848, et enfin et surtout la Commune de Paris) a amené la classe dominante à comprendre très tôt que son pouvoir ne pouvait pas être assuré uniquement par la force des armes et de la répression (ce que Gramsci appelle la domination directe). Le processus de construction d’un «&nbsp;roman national&nbsp;» fut mis en œuvre afin d’assurer l’hégémonie culturelle de la classe dominante (domination indirecte). Les ingrédients de ce roman national sont essentiellement la diffusion de «&nbsp;légendes nationales&nbsp;»&nbsp;: pensée des Lumières, Révolution française et Déclaration des droits de l’homme, école républicaine et laïcité, etc. À la différence du mythe, la légende s’appuie sur quelques faits historiques identifiables qui sont absolutisés. La mise en légende se réalise par occultation des contradictions et enjeux sociaux, négation de l’histoire et transformation de résultats historiques (avec leurs contradictions, leurs limites, etc.) en caractéristiques permanentes et spécifiques de la «&nbsp;francité&nbsp;», du «&nbsp;génie français&nbsp;», de la «&nbsp;spécificité française&nbsp;», du «&nbsp;modèle français&nbsp;», etc.</p> <div id="exergue" style="border-color: gray; border-width: thin; border-top: thin dotted gray; border-bottom: thin dotted gray; padding: 8px; color: gray; margin-bottom: 20px; text-align: right; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 15pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: 19pt;">Le processus de construction d’un «&nbsp;roman national&nbsp;» fut mis en œuvre afin d’assurer l’hégémonie culturelle de la classe dominante</div> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">L’objectif de l’hégémonie culturelle étant de produire du consensus en faveur des classes dominantes, c’est bien entendu à l’intention des classes dominées et de leurs organisations que sont produites et diffusées les légendes nationales (modèle français de laïcité, modèle français d’intégration, pensée des Lumières comme caractéristique typiquement «&nbsp;française&nbsp;», abrogation de l’esclavage comme volonté de l’état français et non comme résultat de la lutte des esclaves, colonisation française posée comme différente des autres dans ses aspects «&nbsp;humanitaires&nbsp;» et «&nbsp;civilisateurs&nbsp;», etc.). La question n’est donc pas celle du jugement des faits, des hommes et des opinions de la pensée des lumières ou de la Révolution française par exemple. Ces événements et ses pensées sont inscrits dans l’histoire et les hommes de ces périodes ne pouvaient penser le monde qu’avec les données de leurs époques. En revanche le maintien d’une approche non critique, non historicisée, essentialisée, etc. de ces processus historiques est à interroger dans ses causes et dans ses effets désastreux contemporains. Sans cette approche critique, les légendes de la classe dominante s’inscrivent comme données d’évidence dans les lectures de la réalité contemporaine, deviennent des représentations sociales qui déforment la réalité, produisent des logiques de pensées qui empêchent de saisir les enjeux sociaux et les contradictions sociales. Sans être exhaustif abordons deux des légendes de l’hégémonie culturelle construite au 19ème siècle et qui ont fortement imprégnées les organisations de «&nbsp;gauche&nbsp;».</p> <h3 class="spip" style="text-align: left; margin-top: 20pt; margin-bottom: 5pt; font-size: 17pt; font-weight: normal; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: normal;">L’absolutisation de la pensée des Lumières et de la Révolution française</h3> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Les Lumières désignent un courant d’idées philosophiques en Europe qui a connu son apogée au dix-huitième siècle. Ce courant se caractérise par un appel à la rationalité et le combat contre l’obscurantisme. En libérant l’homme de l’ignorance et de la superstition, il s’agit de le faire penser par lui-même et ainsi de le faire devenir adulte. Ces dimensions communes aux différents philosophes des Lumières n’empêchent pas son hétérogénéité. La philosophie des Lumières est parcourue de «&nbsp;courants&nbsp;» correspondant aux intérêts sociaux divers de l’époque. L’absolutisation de la pensée des Lumières commencent ainsi par l’homogénéisation d’une pensée contradictoire. Mais la philosophie des Lumières est également bornée historiquement.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Elle se déploie, non pas comme logique pure, mais comme logique de pensée inscrite dans une époque précise. C’est d’ailleurs la première critique qui lui est faite par Marx et Engels qui veillent à la mettre en correspondance avec les intérêts sociaux qui la suscitent et la portent&nbsp;: «&nbsp;<i>Les philosophes français du XVIIIe siècle, eux qui préparaient la Révolution, en appelaient à la raison comme juge unique de tout ce qui existait. On devait instituer un État raisonnable, une société raisonnable&nbsp;; tout ce qui contredisait la raison éternelle devait être éliminé sans pitié. Nous avons vu également que cette raison éternelle n’était en réalité rien d’autre que l’entendement idéalisé du citoyen de la classe moyenne, dont son évolution faisait justement alors un bourgeois. Or, lorsque la Révolution française eut réalisé cette société de raison et cet État de raison, les nouvelles institutions, si rationnelles qu’elles fussent par rapport aux conditions antérieures, n’apparurent pas du tout comme absolument raisonnables. L’État de raison avait fait complète faillite</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb1" class="spip_note" rel="footnote" title="Friedrich Engels, Socialisme utopique et Socialisme scientifique, Éditions&nbsp;(...)" id="nh1" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">1</a>]</span>. Les droits de l’Homme pour leur part sont caractérisés comme les droits d’un homme abstrait, d’un homme bourgeois, d’un homme égoïste&nbsp;: «&nbsp;<i>L’homme réel n’est reconnu que sous l’aspect de l’individu égoïste et l’homme vrai que sous l’aspect du citoyen abstrait</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb2" class="spip_note" rel="footnote" title="Abdelmalek Sayad, « Le mode de génération des générations immigrées »,&nbsp;(...)" id="nh2" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">2</a>]</span>.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;"><span class="spip_document_435 spip_documents spip_documents_center" style="margin: 1em auto; text-align: center; line-height: normal; display: block; clear: both; width: 620px;"><img src="http://quefaire.lautre.net/local/cache-vignettes/L330xH450/chantiersdelajeunesse-francetoujours-1941ou1942-5cc9d.jpg" alt="Affiche de propagande pour les chantiers de la jeunesse, régime de Vichy, 1941-1942." title="Affiche de propagande pour les chantiers de la jeunesse, régime de Vichy, 1941-1942." style="border: thin solid black; margin: 0px; padding: 0px;" height="450" width="330"></span></p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Depuis cette première critique de l’universalisme des Lumières, d’autres sont venues la compléter&nbsp;: la critique féministe a souligné «&nbsp;<i>les présupposés androcentriques, racistes, économiques et anthropologiques de la philosophie européenne du siècle des Lumières</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb3" class="spip_note" rel="footnote" title="Jennifer Chan-Tiberghien, « La participation féministe au mouvement&nbsp;(...)" id="nh3" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">3</a>]</span>&nbsp;; le caractère ethnocentrique de la pensée des Lumières a également été dénoncé en soulignant que «&nbsp;<i>là où nous lisons «&nbsp;homme&nbsp;», «&nbsp;humanité&nbsp;», «&nbsp;citoyenneté&nbsp;», c’est de l’humanité blanche et européenne que nous parlent les Lumières. Certes, dans les Lumières pourtant les premières lueurs de nos valeurs. À condition d’ignorer la traite, la négritude, l’esclavage</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb4" class="spip_note" rel="footnote" title="Louis Sala-Molins, « Le Code Noir, Les Lumières et Nous », dans Valérie&nbsp;(...)" id="nh4" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">4</a>]</span>. L’universalisme des lumières apparaît ainsi très peu universel que ce soit à l’interne (universalisme masculin du droit de vote jusqu’à l’après seconde guerre mondiale, universalisme excluant les ouvriers du droit de vote jusqu’en 1848) et à l’externe (code noir, code de l’indigénat, etc.).</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Au travers de l’absolutisation de la pensée des Lumières et de la Révolution française, la classe dominante vise à présenter l’histoire française comme n’étant pas le résultat des affrontements sociaux mais comme résultat du déploiement d’un «&nbsp;génie&nbsp;» et/ou d’une «&nbsp;spécificité&nbsp;» française transversal aux différentes classes sociales. Il y aurait ainsi des caractéristiques proprement françaises qui situeraient cette nation au dessus des autres, en avance sur les autres, en avant-garde de l’émancipation et de la civilisation. Bref il s’agit de produire un complexe chauvin pour canaliser les luttes sociales à un moment où se déployait la colonisation violente du monde. L’offensive idéologique visant à ancrer l’idée d’une exceptionnalité/supériorité française est tout azimut et a malheureusement en grande partie réussie. Voici comment par exemple Karl Marx raille la prétention de la «&nbsp;gauche française&nbsp;» à l’exceptionnalité linguistique et républicaine&nbsp;:</p> <blockquote class="spip" style="margin: 0px 0px 14pt 35px; padding: 10px 0px 0px 15px; border-left-width: 0.3em; border-left-style: none; background-image: url(http://quefaire.lautre.net/squelettes/images/quote.png); text-align: left;"> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 12pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: normal;">«&nbsp;Les représentants (non ouvriers) de la «&nbsp;Jeune France&nbsp;» soutenaient que toutes les nationalités et les nations étaient des «&nbsp;préjugés surannés&nbsp;». Stirnérianisme proudhonisé&nbsp;: on répartit tout en petits «&nbsp;groupes&nbsp;» ou «&nbsp;communes&nbsp;» qui forment ensuite une «&nbsp;association&nbsp;» et non pas un état. Et tandis que se produit cette individualisation de l’humanité et que se développe le «&nbsp;mutualisme&nbsp;» adéquat, l’histoire des autres pays doit suspendre son cours et le monde entier attendra que les Français soient mûrs pour faire une révolution sociale.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 12pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: normal;">Alors ils effectueront sous nos yeux cette expérience, et le reste du monde, subjugué par la force de l’exemple, fera de même. (...) Les Anglais ont bien ri quand j’ai commencé mon discours en disant que notre ami Lafargue et ceux qui avec lui supprimaient les nationalités, s’adressaient à nous en français, c’est-à-dire une langue que les 9/10e de l’assistance ne comprenaient pas. Ensuite, j’ai signalé que Lafargue, sans s’en rendre compte, entendait apparemment par négation des nationalités leur absorption par la nation française modèle&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb5" class="spip_note" rel="footnote" title="Karl Marx, « Lettre à Friedrich Engels du 20 juin 1866 », Correspondances,&nbsp;(...)" id="nh5" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">5</a>]</span>.</p> </blockquote> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;"><span class="spip_document_436 spip_documents spip_documents_center" style="margin: 1em auto; text-align: center; line-height: normal; display: block; clear: both; width: 620px;"><img src="http://quefaire.lautre.net/local/cache-vignettes/L600xH314/sans_titre-6c220.jpg" alt="" style="border: thin solid black; margin: 0px; padding: 0px;" height="314" width="600"></span></p> <div id="exergue" style="border-color: gray; border-width: thin; border-top: thin dotted gray; border-bottom: thin dotted gray; padding: 8px; color: gray; margin-bottom: 20px; text-align: right; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 15pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: 19pt;">L’universalisme des Lumières apparaît ainsi très peu universel que ce soit à l’interne&nbsp;: universalisme masculin du droit de vote, etc. [ou] à l’externe&nbsp;: le code noir, le code de l’indigénat, etc.</div> <h3 class="spip" style="text-align: left; margin-top: 20pt; margin-bottom: 5pt; font-size: 17pt; font-weight: normal; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: normal;">La construction du consensus colonialiste</h3> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">L’offensive idéologique de la classe dominante a créé l’espace mental qui a permis la colonisation. L’image des autres cultures et civilisations diffusée par la pensée des Lumières et amplifiée par la Troisième République, de même que l’idée d’être l’avant-garde de l’humanité ont préparé les esprits à la conquête&nbsp;: «&nbsp;<i>il existe un espace mental qui, d’une certaine façon, préexiste à l’instauration de l’ordre colonial, espace essentiellement composé de schèmes de pensées à travers lesquels est reconstruite la coupure entre les occidentaux et les Autres –&nbsp;les schèmes Pur/Impur, Bien/Mal, Savoir/Ignorance, Don d’Amour/Besoin d’Amour. La perception de l’Autre comme un être dans l’enfance de l’humanité, confiné aux ténèbres de l’ignorance comme l’incapacité à contenir ses pulsions informe la pensée coloniale et la connaissance anthropologique</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb6" class="spip_note" rel="footnote" title="Eric Savarèse, L’ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine :&nbsp;(...)" id="nh6" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">6</a>]</span>.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">De fait l’opposition aux guerres de conquêtes coloniales fut à la fois faible et tardive. Les quelques voix anticoloniales comme celles de Georges Clémenceau et de Camille Pelletan restent isolées et marginales. L’imprégnation coloniale est profonde comme en témoigne le rapport adopté à l’unanimité au congrès interfédéral d’Afrique du Nord du parti communiste en septembre 1922&nbsp;: «&nbsp;<i>L’émancipation des indigènes d’Algérie ne pourra être que la conséquence de la révolution en France (…). La propagande communiste directe auprès des indigènes algériens est actuellement inutile et dangereuse. Elle est inutile parce que les indigènes n’ont pas atteint encore un niveau intellectuel et moral qui leur permette d’accéder aux conceptions communistes. (…). Elle est dangereuse (…) parce qu’elle provoquerait la démission de nos groupements</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb7" class="spip_note" rel="footnote" title="Cité dans René Galissot, « Sur les débuts du communisme en Algérie et en&nbsp;(...)" id="nh7" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">7</a>]</span>.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Certes ces positions furent condamnées par la direction du PCF et peu après les militants communistes donnaient un exemple d’internationalisme dans l’opposition à la guerre du Rif en 1925, mais leur simple existence témoigne de l’imprégnation de l’imaginaire colonial jusque dans la gauche la plus radicale de l’époque. Le reste est connu&nbsp;: abandon du mot d’ordre d’indépendance nationale à partir du Front populaire, promotion de l’Union française après 1945, vote des pouvoirs spéciaux en 1956. En dépit de ces positions, le PCF a été le seul à avoir eu des périodes anticolonialistes conséquentes. La S.F.I.O. pour sa part est ouvertement colonialiste&nbsp;: «&nbsp;<i>à l’exception de quelques individualités «&nbsp;anticolonialistes&nbsp;», la majorité du parti socialiste s’est ralliée à l’idée d’une colonisation «&nbsp;humaine, juste et fraternelle&nbsp;» et refuse de soutenir les nationalismes coloniaux qui attisent la haine des peuples, favorisent les féodaux ou la bourgeoisie indigène</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb8" class="spip_note" rel="footnote" title="Philippe Dewitte, Les mouvements nègres en France, 1919-1939, L’Harmattan,&nbsp;(...)" id="nh8" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">8</a>]</span>.</p> <h3 class="spip" style="text-align: left; margin-top: 20pt; margin-bottom: 5pt; font-size: 17pt; font-weight: normal; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: normal;">Des héritages encombrants toujours agissants</h3> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Au cœur de la pensée des Lumières puis du discours colonial se trouve une approche culturaliste clivant le monde en civilisations hiérarchisées, expliquant l’histoire et ses conflits en éliminant les facteurs économiques et justifiant les interventions militaires «&nbsp;pour le bien&nbsp;» des peuples ainsi agressés. Il s’agit ainsi d’émanciper l’autre malgré lui et si nécessaire par la violence. C’est ce que nous avons appelés dans d’autres écrits le «&nbsp;racisme respectable&nbsp;» c’est-à-dire un racisme ne se justifiant pas «&nbsp;contre&nbsp;» le racisé mais s’argumentant de grandes valeurs censées l’émanciper.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Force est de constater que cette logique de raisonnement est loin d’avoir disparu dans la «&nbsp;gauche&nbsp;» française. Elle a même été étendue en dehors des questions internationales puisqu’elle agit également en direction des questions liées aux français issus de la colonisation. Donnons quelques exemples. Le premier est celui de la logique intégrationniste encore présente fortement à «&nbsp;gauche&nbsp;». Cette logique relève entièrement du culturalisme binaire portée par la pensée des lumières. Les difficultés subies par les citoyens issues de la colonisation, qu’ils soient français ou étrangers, ne sont pas expliquées dans l’intégrationnisme par les inégalités qu’ils subissent ou leurs conditions matérielles d’existence. Ce sont au contraire des facteurs culturels qui sont mis en avant&nbsp;: obstacles culturels à l’intégration, intégration insuffisante, islam comme contradictoire avec la république et la laïcité, inadaptation culturelle, etc.</p> <div id="exergue" style="border-color: gray; border-width: thin; border-top: thin dotted gray; border-bottom: thin dotted gray; padding: 8px; color: gray; margin-bottom: 20px; text-align: right; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 15pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: 19pt;">Il s’agit ainsi d’émanciper l’autre malgré lui et si nécessaire par la violence. C’est le «&nbsp;racisme respectable&nbsp;», ne se justifiant pas «&nbsp;contre&nbsp;» le racisé mais s’argumentant de grandes valeurs censées l’émanciper</div> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Dès lors les objectifs de l’action ne sont pas l’éradication des inégalités mais la transformation des personnes c’est-à-dire qu’il s’agit de les civiliser en les assimilant. Ce n’est pas un hasard si le terme d’intégration est vomi dans les quartiers populaires et perçu comme une agression. C’est ce qu’Abelmalek Sayad appelle le «&nbsp;chauvinisme de l’universel&nbsp;» comme l’a été celui des Lumières&nbsp;: «&nbsp;[Les enfants de parents immigrés seraient]<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>alors, selon une représentation commode, sans passé, sans mémoire, sans histoire (…), et par la même vierge de tout, facilement modelables, acquis d’avance à toutes les entreprises assimilationnistes, même les plus éculées, les plus archaïques, les plus rétrogrades ou, dans le meilleur des cas, les mieux intentionnées, mues par une espèce de «&nbsp;chauvinisme de l’universel&nbsp;»</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb9" class="spip_note" rel="footnote" title="Abdelmalek Sayad, « Le mode de génération des générations immigrées »,&nbsp;(...)" id="nh9" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">9</a>]</span>.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Si la droite est globalement dans ce que Sayad nomme les entreprises «&nbsp;éculée&nbsp;», la «&nbsp;gauche&nbsp;» est encore fortement dans de qu’il nomme le «&nbsp;chauvinisme de l’universel&nbsp;». Ces deux approches recoupent celles entre «&nbsp;colonisation violente&nbsp;» et «&nbsp;colonisation humanitaire&nbsp;» de l’époque coloniale. Elles sont basées sur une coupure binaire entre deux entités homogénéisées (un «&nbsp;Nous&nbsp;» homogène face à un «&nbsp;Eux&nbsp;» homogène) qui est une autre des caractéristiques de l’ethnocentrisme des Lumières puis du discours colonial et qui ne cesse de s’entendre aujourd’hui dans les discours sur le communautarisme ou le «&nbsp;repli communautaire&nbsp;». Écoutons encore Sayad sur le processus d’homogénéisation&nbsp;: «&nbsp;<i>Au fond ne s’autorise-t-on pas du préjugé identifiant les uns aux autres tous les immigrés d’une même nationalité, d’une même ethnie, ou d’un groupe de nationalité (les Maghrébines, les Africains noirs, etc.), pour faire passer dans la réalité et pour mettre en œuvre dans la pratique, en toute légitimité et en toute liberté, l’illusion communautaire&nbsp;? Ainsi la perception naïve et très ethnocentrique qu’on a des immigrés comme étant tous semblables, se trouve au principe de cette communauté illusoire</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb10" class="spip_note" rel="footnote" title="Abdelmalek Sayad, « Le foyer des sans-familles », dans L’immigration et les&nbsp;(...)" id="nh10" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">10</a>]</span>. Sayad parle ici des immigrés mais la logique est en œuvre pour les français issus de la colonisation. De même l’homogénéisation s’est étendue aux «&nbsp;musulmans&nbsp;».</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Lorsque les membres du «&nbsp;Eux&nbsp;» ne perçoivent pas leurs intérêts, il convient de les émanciper malgré eux. Cette logique a justifié autant les guerres coloniales hier, les agressions impérialistes contemporaines comme celle d’Afghanistan par exemple au plan externe et la loi d’interdiction du foulard à l’école en 2004 au plan interne. Hier comme aujourd’hui elle est présente, bien sur à droite, mais également à «&nbsp;gauche&nbsp;». C’est pour émanciper qu’il fallait coloniser, c’est pour libérer les femmes afghane qu’il fallait intervenir militairement en Afghanistan, c’est la libération de la femme qu’il fallait pour instaurer une police des habits. L’héritage est pesant et agissant. Il forme un obstacle épistémologique à la compréhension des enjeux économiques et politiques du monde contemporain et des luttes sociales qui le caractérise.</p> <div id="exergue" style="border-color: gray; border-width: thin; border-top: thin dotted gray; border-bottom: thin dotted gray; padding: 8px; color: gray; margin-bottom: 20px; text-align: right; font-family: Georgia,'Times New Roman',Times,serif; font-size: 15pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; line-height: 19pt;">Les difficultés subies par les citoyens issues de la colonisation ne sont pas expliquées dans l’intégrationnisme par les inégalités qu’ils subissent. ce sont au contraire des facteurs culturels qui sont mis en avant</div> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Prenons un dernier exemple dans les révolutions qui ont secoué la Tunisie et l’Égypte. Elles ont massivement été saluées comme signe positif par l’ensemble de la gauche. Il restait à les caractériser et de manière significative ont fleurit des expressions les comparant à 1789&nbsp;: «&nbsp;le 1789 du monde arabe&nbsp;». De nouveau l’étalon reste la France comme le raillait déjà Marx il y a plus d’un siècle. L’historien Pierre Serna commente&nbsp;: «&nbsp;<i>Non la Tunisie n’est pas en 1789&nbsp;! Par pitié que l’on cesse d’instrumentaliser l’Histoire en mesurant l’histoire du monde à l’aune de l’histoire de France. La posture consciente ou non de Jean Tulard, dans</i><span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span>Le Monde<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>du 18 janvier, qui consiste à considérer les Tunisiens en face de leur 1789, relève d’une lecture post-colonialiste insultante au pire, condescendante au mieux. Les tunisiens auraient 220 ans de retard sur l’histoire de France et découvriraient enfin les vertus de la liberté conquise. Eh bien non&nbsp;! La liberté n’est acquise pour nul peuple, et à leur façon les français doivent lutter pied à pied pour leurs anciennes conquêtes en ces temps de recul systématique du pacte républicain. C’est nous qui devons apprendre des Tunisiens et non le contraire. Nous sommes restés dans un 1789 mental, mythifié et figé. Les Tunisiens eux sont bien en 2011</i>&nbsp;»<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nb11" class="spip_note" rel="footnote" title="Pierre Serna, Les tunisiens ne sont pas en 1789 ! ou impossible n’est pas&nbsp;(...)" id="nh11" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">11</a>]</span>.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;"><span class="spip_document_438 spip_documents spip_documents_center" style="margin: 1em auto; text-align: center; line-height: normal; display: block; clear: both; width: 620px;"><img src="http://quefaire.lautre.net/local/cache-vignettes/L312xH450/affichepc1930couleur-01d31.jpg" alt="Affiche du PCF de 1930 pour dénoncer les 100 ans de dominations française en Algérie." title="Affiche du PCF de 1930 pour dénoncer les 100 ans de dominations française en Algérie." style="border: thin solid black; margin: 0px; padding: 0px;" height="450" width="312"></span></p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">L’insulte ou la condescendance, le paternalisme, le maternalisme ou le fraternalisme d’une part et la condamnation indignée d’autre part, la diabolisation ou l’infantilisation, etc. sont des attitudes politiques extrêmement fréquentes à «&nbsp;gauche&nbsp;» et même à «&nbsp;l’extrême-gauche&nbsp;» dans les analyses sur les quartiers populaires et leurs habitants. Elles ont été présentes au moment des débats sur la loi d’interdiction du foulard à l’école, lors des révoltes des quartiers populaires en novembre 2005, au cours des multiples débats sur la revendication d’une régularisation de tous les sans-papiers, etc. Elles sont présentes également dans les commentaires des résultats électoraux en Tunisie et en Égypte comme elles l’étaient au moment des agressions contre l’Irak, l’Afghanistan ou la Libye.</p> <p style="margin-bottom: 17pt; margin-top: 3px; font-family: 'Helvetica Neue',Arial,Helvetica,Geneva,sans-serif; font-size: 13pt; font-style: normal; font-variant: normal; line-height: 1.4; font-weight: 300;">Dans notre approche matérialiste, les penseurs des Lumières sont le résultat de leur époque, de son état des savoirs et de ses limites historiques. Le regard non critique et dogmatique sur la pensée des Lumières est depuis bien longtemps une arme des classes dominantes et un héritage encombrant pour les dominés. ■</p> </div> <div class="notes" style=" font-family: 'Helvetica Neue',Helvetica,Arial,Geneva,sans-serif; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal; letter-spacing: normal; line-height: normal; orphans: 2; text-indent: 0px; text-transform: none; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px; background-color: rgb(255, 255, 255); font-size: small;"> <h2 style="list-style-type: disc; margin-top: 5px;">Notes</h2> <div id="nb1"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh1" class="spip_note" title="Notes 1" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">1</a>]&nbsp;</span>Friedrich Engels,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Socialisme utopique et Socialisme scientifique</i>, Éditions sociales, Paris, 1950, p. 35.</p> </div> <div id="nb2"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh2" class="spip_note" title="Notes 2" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">2</a>]&nbsp;</span>Abdelmalek Sayad, «&nbsp;Le mode de génération des générations immigrées&nbsp;»,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Migrants-formation</i>, n°&nbsp;98, septembre 1994, p. 14.</p> </div> <div id="nb3"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh3" class="spip_note" title="Notes 3" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">3</a>]&nbsp;</span>Jennifer Chan-Tiberghien, «&nbsp;La participation féministe au mouvement altermondialiste&nbsp;: Une critique de l’Organisation Mondiale du Commerce&nbsp;»,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Recherches Féministes</i>, volume 17, n°&nbsp;2, 2004, p. 199.</p> </div> <div id="nb4"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh4" class="spip_note" title="Notes 4" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">4</a>]&nbsp;</span>Louis Sala-Molins, «&nbsp;Le Code Noir, Les Lumières et Nous&nbsp;», dans Valérie Lange-Eyre (dir),<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Mémoire et droits humains&nbsp;: Enjeux et perspectives pour les peuples d’Afrique</i>, Éditions d’En Bas, Lausanne, 2009, p. 38.</p> </div> <div id="nb5"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh5" class="spip_note" title="Notes 5" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">5</a>]&nbsp;</span>Karl Marx, «&nbsp;Lettre à Friedrich Engels du 20 juin 1866&nbsp;»,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Correspondances</i>, tome VIII, Éditions sociales, Paris, 1981.</p> </div> <div id="nb6"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh6" class="spip_note" title="Notes 6" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">6</a>]&nbsp;</span>Eric Savarèse,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>L’ordre colonial et sa légitimation en France métropolitaine&nbsp;: oublier l’autre</i>, L’Harmattan, Paris, 1998, p. 134.</p> </div> <div id="nb7"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh7" class="spip_note" title="Notes 7" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">7</a>]&nbsp;</span>Cité dans René Galissot, «&nbsp;Sur les débuts du communisme en Algérie et en Tunisie&nbsp;: socialisme colonial et rupture révolutionnaire&nbsp;», dans<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Collectif, Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron</i>, Éditions ouvrières, Paris, 1976, p. 101.</p> </div> <div id="nb8"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh8" class="spip_note" title="Notes 8" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">8</a>]&nbsp;</span>Philippe Dewitte,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Les mouvements nègres en France</i>, 1919-1939, L’Harmattan, Paris, 1985, p. 62.</p> </div> <div id="nb9"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh9" class="spip_note" title="Notes 9" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">9</a>]&nbsp;</span>Abdelmalek Sayad, «&nbsp;Le mode de génération des générations immigrées&nbsp;»,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Migrants-formation</i>, n°&nbsp;98, septembre 1994, p.14.</p> </div> <div id="nb10"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh10" class="spip_note" title="Notes 10" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">10</a>]&nbsp;</span>Abdelmalek Sayad, «&nbsp;Le foyer des sans-familles&nbsp;», dans<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>L’immigration et les paradoxes de l’altérité</i>, De Boeck Université, Paris-Bruxelles, 1991, pp. 91-92</p> </div> <div id="nb11"> <p><span class="spip_note_ref">[<a href="http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no09-avril-mai-2012/article/les-fondements-historiques-et#nh11" class="spip_note" title="Notes 11" rev="footnote" style="text-decoration: none; color: rgb(239, 51, 53);">11</a>]&nbsp;</span>Pierre Serna,<span class="Apple-converted-space">&nbsp;</span><i>Les tunisiens ne sont pas en 1789&nbsp;! ou impossible n’est pas tunisien</i>, Institut d’histoire de la révolution française, Université Panthéon-Sorbonne.</p> </div> </div> </body> </html>

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Message  Toussaint Mer 19 Sep - 2:22

Remarquable texte, comme souvent, du camarade des Indigènes de la République... Un texte qui remet les choses en place... merci, Sylvestre.
Toussaint
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Message  Roseau Mer 19 Sep - 3:30

Effectivement.
je fais circuler sans modération.
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Message  Toussaint Jeu 20 Sep - 0:38

Intéressant, ce texte en ce qui concerne l'évolution de Saïd, non, Sylvestre?

Pour le coup, j'ai l'impression que même si cela reste très peu critique sur le PCF, ce n'est plus du tout un texte stalinien.

Je me demande comment il va gérer la glose nationaliste et colonialiste de Mélenchon. Parce qu'il a appelé à voter Mélenchon, je suppose, Bouamama, non?
Toussaint
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Message  sylvestre Jeu 20 Sep - 11:53

Toussaint a écrit:Intéressant, ce texte en ce qui concerne l'évolution de Saïd, non, Sylvestre?

Pour le coup, j'ai l'impression que même si cela reste très peu critique sur le PCF, ce n'est plus du tout un texte stalinien.

Je me demande comment il va gérer la glose nationaliste et colonialiste de Mélenchon. Parce qu'il a appelé à voter Mélenchon, je suppose, Bouamama, non?

Je ne sais pas, et par ailleurs je connais très mal l'évolution idéologique de Saïd Bouamama. Je sais que ses bases sont plutôt maoïstes - et la critique maoïste du stalinisme du point de vue du racisme et de l'impérialisme est souvent tranchante, avec des tas de choses qui la rapproche de la nôtre (quoiqu'il soit évidemment abusif de parler de "critique maoïste" comme un bloc homogène - mais je pense à des gens comme Theodore W Allen et Harry Haywood).

Dans cet entretien, SB revient sur ses premières années de militantisme :

Que Faire : Peux-tu rapidement retracer ton parcours militant ?

Saïd Bouamama : On peut le dater dès mes 14 ans, dans un quartier populaire de Roubaix. La crise n’est pas encore forte donc ça reste une ville ouvrière avec beaucoup de liens sociaux, avec une dynamique évidente. On est dans l’après 68 et les maoïstes arrivent donc dans les quartiers populaires de manière très offensive. Ils apportent quelque chose de particulier qui est d’autoriser à la révolte : une des premières phrases que je me rappelle c’est « on a raison de se révolter », ce qui correspondait exactement à ce qu’on se disait. Sur Roubaix cent jeunes issus de l’immigration avaient fini par adhérer soit à une structure proche des maoïstes, soit directement chez les maoïstes – le PC-MLF à l’époque, puis le PC-RML. En réalité ce qui nous intéressait le plus ce n’était pas le maoïsme, mais leur discours sur les milieux populaires : « arrêtez de nous considérer comme ne valant rien ». Il y avait une dimension de valorisation extrêmement forte qui nous a beaucoup plu. Deuxièmement, il y avait la question palestinienne qui a été très vite une question centrale pour nous. Et troisièmement ils nous incitaient à lire, et plusieurs trajectoires en ont été transformées : j’aurais été en échec scolaire comme la plupart de mes camarades si je n’avais pas croisé le chemin des maoïstes.

Et puis très vite ça a clashé sur une question de classe : nous n’avions pas leurs réflexes culturels, leurs goûts etc., Voilà le point de rupture avec les maoïstes : la rupture est née de ce décalage entre ce qu’on vivait, nous enfants d’ouvriers immigrés, et ceux qui prétendaient changer la société. Cela va rester pour moi un des points de vigilance permanents et donc d’engueulade y compris avec des camarades proches : dans le nord je travaille beaucoup avec des gens sortis du PC qui essaient de reconstruire quelque chose, mais en même temps je suis infernal avec eux sur cette question de base sociale : « qui va changer la société ? ».
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Message  nico37 Dim 23 Juin - 21:20

« Peut-on être de gauche, raciste et xénophobe ? »
Entretien avec Yves Coleman Questions par Stéphane Julien

Yves, tu es allé faire un topo à Lyon le 11 décembre dernier sur les convergences laïques-extrême droite. Comment s’est passée cette réunion ?

La proposition des copains de la librairie La Gryffe était que je vienne introduire un débat sur les rapports entre religion et politique. Je leur ai proposé de le faire sous un autre angle qu’il y a deux ans (l’offensive multiforme des religions sur tous les continents), et de nous intéresser aux nouvelles positions adoptées par la droite et l’extrême droite européennes face à la laïcité, aux homosexuels aux droits des femmes, etc. Je remarque d’ailleurs que quelques jours plus tard, Eric Fassin, que j’avais épinglé dans un texte sur « Les 6 péchés capitaux de la gauche identitaire postmoderne » soulignait lui aussi dans « Libération » que l’extrême droite européenne avait commencé à changer son fusil d’épaule sur ces questions jusque-là chasse gardée de la gauche (défense du féminisme et de la laïcité, dénonciation de l’homophobie et de l’antisémitisme), et que ce n’était pas du tout une bonne nouvelle à cause de la confusion que cela crée. Au moins, sur ce point-là, on est d’accord !

En ce qui me concerne, la partie la plus intéressante de la discussion de Lyon a été constituée par le débat avec des camarades athées, d’origine maghrébine ou se disant de « culture musulmane ». Militant dans des quartiers populaires de Lyon, ils ont posé d’excellentes questions qui montrent que les « islamogauchistes », les multiculturalistes et les identitaires de gauche ou les Indigènes de la République n’ont rien compris ou font semblant de ne rien comprendre.

Ils se demandaient comment politiser, sur des bases de classe, les problèmes de la vie sociale et du travail dans les « quartiers ». Ils souhaitaient savoir s’il existait en Israël/Palestine et plus généralement au Proche et au Moyen-Orient des groupes qui voulaient dépasser le terrain du combat nationaliste, etc.

Ils se demandaient comment lutter au coude à coude, sur des bases de classe encore une fois, avec des prolétaires portant le hijab, ou tout autre « signe religieux ostensible ». Quand et comment discuter des convictions religieuses – ou ne pas en discuter. Quelles alliances politiques étaient possibles avec des groupes religieux, et sur quelles bases, etc.

Bref, « que du bonheur », car pour une fois on était loin et du discours victimaire antiraciste des bobos ou de la gauche caviar, mais aussi à des kilomètres des discours tiersmondistes dominants à gauche.

Dis-moi si je me trompe: j’ai le sentiment qu’alors que j’interprète ces convergences, que les Assises de Riposte laïque et des Identitaires ont remises d’actualité, comme plutôt une expression du terrain du « choc des civilisations », tu y vois davantage une vieille tentation pré-existante, récurrente, dans l’histoire de la gauche. C’est sûrement pour ça que tu posais cette question qui peut sembler si curieuse, si étonnante: « Peut-on être de gauche, raciste et xénophobe ? »

Il y avait bien sûr un peu de provoc’ dans cette interrogation, mais aussi une part de vérité.

Quand on parle du racisme et de la xénophobie, je crois qu’il faut faire la différence entre les préjugés quotidiens, les petites conneries que n’importe quel individu peut dire sous le coup de la colère, de la fatigue, ou par ignorance, et les discours politiques savamment construits, ou les discriminations collectives imposées par l’Etat ou massivement pratiquées par des individus ou des groupes d’individus, même s’il existe parfois une continuité entre les deux phénomènes.

Donc quand je parle de la xénophobie et du racisme de la gauche, je parle de vieux courants politiques qui ont toujours existé, pas de la remarque stupide et passagère de tel mec ou nana vis-à-vis d’un collègue « étranger » ou à l’apparence « non européenne ».

Je crois que les gens de Riposte laïque sont – hélas ! – sincères. Ils pensent qu’on peut être de gauche et tenir des propos racistes et xénophobes. En le théorisant, en le proclamant ouvertement, ils légitiment, tout comme le Front national l’a fait à une échelle massive depuis trente ans, la « xénophobie d’Etat » (expression qui relève du pléonasme pour nous puisque tout Etat est xénophobe) mais aussi la xénophobie d’une partie du « peuple de gauche » qui serait tentée de voter contre « l’UMPS » (dixit le FN) aux prochaines élections.

Si on se contente, comme l’immense majorité des militants de gauche et d’extrême gauche, de traiter Riposte Laïque de « fachos », on ne comprend rien, non seulement à ce groupuscule qui n’a aucune implantation réelle, mais surtout aux millions de travailleurs ou de petits bourgeois de gauche qui tiennent ou risquent de tenir le même langage qu’eux. Et qui désormais vont pouvoir le faire en toute bonne conscience.

Pour ce qui concerne le « choc des civilisations » que tu évoques dans ta question, on peut dire qu’il a toujours existé. Les invasions militaires, les guerres de conquêtes, les massacres de masse, les déportations, les mises en esclavage de peuples entiers ne datent pas du XXe siècle. La question qui se pose est plutôt de savoir quelle est la portée aujourd’hui de ces conflits entre « civilisations » différentes, et pourquoi « on » y attache une telle importance au XXIe siècle. Il est évident que les attentats meurtriers du 11 septembre 2001 ont permis à cette thématique de devenir dominante dans les médias, même si la critique de l’islam et la dénonciation de l’islamisme sont beaucoup plus anciennes.

Mais cela ne me semblait pas utile de revenir sur ces évidences-là (voire ces discours automatiques là), à propos desquelles n’importe quel militant de gauche ou d’extrême gauche ou libertaire ne soulèvera jamais d’objections. Il me semblait plus intéressant de revenir sur nos limites, à nous qui prétendons vouloir l’avènement d’un autre monde, sans classes, sans États, sans argent, sans salaires et sans frontières.

Si nos ancêtres politiques (à commencer par une partie des blanquistes et des communards français – nos héros !) n’ont pas eu des positions claires sur le nationalisme, sur l’importance des migrations et du mélange de différentes populations en « Occident », et si nous n’en tirons pas le bilan, pas étonnant alors que le chauvinisme, le patriotisme, ou le nationalisme continuent à faire des ravages dans nos rangs.

Le nationalisme universaliste français a des caractéristiques très spécifiques qu’il faut décortiquer sous peine de déraper constamment, d’ignorer la richesse et les apports des combats de classe dans d’autres régions que l’Hexagone et de soutenir inconsciemment le racisme institutionnel en France qui nuit aux combats des prolétaires en les segmentant en unités rivales.
De l’éloge de la Résistance bourgeoise durant la Seconde Guerre mondiale à l’apologie du Hamas et du Hezbollah, du refus de soutenir efficacement les luttes des travailleurs immigrés au silence total sur la question de l’immigration pendant les campagnes électorales de la gauche et de l’extrême gauche, il y a une inquiétante continuité et surtout une absence totale de réflexion, sauf dans de minuscules cercles ultragauches qui malheureusement n’ont jamais mis leurs idées en pratique dans les quartiers ouvriers et dans l’immigration.

Nous avons tous deux dénoncé Riposte laïque depuis ses débuts. Ce groupe est arrivé en quelque sorte à la fin de son cycle de floraison, ce qu’il portait en germe a éclos, il ne saurait plus guère surprendre personne, quand bien même il appellerait à voter pour Marine Le Pen en 2012. Mais n’est-on pas pour autant à l’abri d’autres dangers (voire pièges) à l’avenir sur le terrain des convergences instrumentilisées avec l’extrême droite ?

J’ai des copains anarchistes communistes qui sont persuadés que le fascisme monte en Europe, à la fois dans les esprits et dans ses tentatives d’infiltration de tous les milieux de gauche et d’extrême gauche, et dans ses capacités d’organisation. Au début, quand je les ai rencontrés, je les trouvais un peu monomaniaques voire paranos. Mais depuis que j’ai commencé à m’intéresser un peu plus à l’extrême droite en France et en Europe, je me dis qu’ils ont certainement perçu un phénomène important, que j’avais sous-estimé tant ce thème de la « fascisation » me rappelait les stupidités des maos dans les années 70 et les unes de « La Cause du Peuple » ou de « L’Humanité Rouge ». D’ailleurs, c’est un élément que les camarades communistes libertaires de De Fabel van de illegaal (aujourd’hui au sein du groupe néerlandais Doorbrak) décrivent depuis une dizaine d’années, à propos de l’altermondialisme, de certaines formes antisémites d’antisionisme, de certains discours contre l’Union européenne, des partis dits nationaux populistes, etc., comme en témoignent les textes qu’a publiés la revue « Ni patrie ni frontières » depuis  2003.

Donc effectivement la vigilance s’impose, mais surtout la clarification politique et théorique dans nos milieux. Vaste chantier !

nico37

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Message  Toussaint Dim 23 Juin - 21:43

ils ont posé d’excellentes questions qui montrent que les « islamogauchistes », les multiculturalistes et les identitaires de gauche ou les Indigènes de la République n’ont rien compris ou font semblant de ne rien comprendre.

Ils se demandaient comment politiser, sur des bases de classe, les problèmes de la vie sociale et du travail dans les « quartiers ». Ils souhaitaient savoir s’il existait en Israël/Palestine et plus généralement au Proche et au Moyen-Orient des groupes qui voulaient dépasser le terrain du combat nationaliste, etc.

Ils se demandaient comment lutter au coude à coude, sur des bases de classe encore une fois, avec des prolétaires portant le hijab, ou tout autre « signe religieux ostensible ». Quand et comment discuter des convictions religieuses – ou ne pas en discuter. Quelles alliances politiques étaient possibles avec des groupes religieux, et sur quelles bases, etc.

Bref, « que du bonheur », car pour une fois on était loin et du discours victimaire antiraciste des bobos ou de la gauche caviar, mais aussi à des kilomètres des discours tiersmondistes dominants à gauche.

Un excellent texte qui pose bien les questions.

A ceci près que lorsqu'on parle des Indigènes, il vaut mieux en parler honnêtement. Et une bonne partie de ce qu'il juge intéressant, et "que du bonheur", est fait sur le terrain par les Indigènes. Et notamment par des gens comme Saïd avec les Sans-Papiers. Saïd est par exemple porte parole du CSP 59, pas exactement une petite chose... Ceci dit, en effet la question de l'alliance avec les groupes religieux est une autre histoire, le PIR ne se pose pas tellement la question, mais il a été rejoint par pas mal de gens qui sont croyants, et même des gens qui sont des cadres d'assos "religieuses". Mais le CMF, avec le conseil de Ramadan, a participé sans s'engager dans le PIR, Ramadan considérant que c'était faire en quelque sorte du "communautarisme", et courir le risque de s'isoler du reste des opprimés.
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Racisme et gauche française Empty Social-chauvinisme : de l’injure au concept

Message  Roseau Lun 6 Jan - 22:29

http://www.contretemps.eu/interventions/social-chauvinisme-injure-concept#footnote14_jsa6im7
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Message  Roseau Ven 5 Sep - 10:54

http://www.npa2009.org/actualite/racisme-banalisation-croissante-capitulation-gauche
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Racisme et gauche française Empty Racisme et gauche française

Message  MO2014 Mar 2 Juin - 21:55

Le livre de Laurent Levy : « La « gauche », les Noirs et les Arabes » est téléchargeable gratuitement sur le site des éditions La Fabrique :

http://www.lafabrique.fr/spip/IMG/pdf_Laurent_Levy.pdf

Bonne lecture.

MO2014

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Message  MO2014 Ven 3 Juil - 8:46

SOS racisme, histoire d'une imposture
Youssef Boussoumah

Au début des années 80 quand le pouvoir socialiste a réalisé avec la marche pour l'égalité de 83 que les enfants de l'immigration post coloniale étaient en train de s"organiser de façon autonome, c'est à dire sans lui, il a senti le danger politique que cela recelait c'est pourquoi il a décidé de tuer dans l’œuf cette volonté politique.

Pour cela il a créé un fake. Il a sorti de son sac un métis Harlem désir, un métis ça fait tout de suite plus sérieux, qu'il a placé à la tête d'une nouvelle assoc à qui il a donné des moyens financiers considérables à travers des subventions hors normes. Ainsi est né SOS Racisme. En peu de temps il a transformé cette assoc en machine de guerre contre toute tentative d'organisation autonome de la jeunesse issue de l'immigration. Ses moyens d'action: organisation de concerts géants et gratuits, avec le soutien de tout le monde artistique et médiatique, par la suite testing à l'entrée des boîtes de nuit, pour ramener le racisme à une question aussi secondaire et individuelle que celle de videurs de boîte de nuit, en gommant toute politique d'Etat, mais aussi monopole absolu médiatique sur la parole anti raciste, le tout enveloppé dans un slogan paternaliste aux antipodes de ce que souhaitaient les marcheurs de 83: "Touche pas à mon pote" .

Pendant ce temps , le véritable racisme d’État ne connaissait aucun répit , au contraire, à l'encontre des jeunes des cités, des ouvriers maghrébins et Africains ( grèves dans l'automobile, des techniciens de surface dans le métro ), l’État PS laissait faire comme d'habitude les crimes policiers, il donnait un nouvel élan à la France Afrique, à la répression coloniale notamment en Kanakie, plus que jamais il soutenait la politique agressive d'Israël ( 1ere intifada de 1988). Et tout ça avec comme paravent SOS racisme. On peut dire que SOS racisme a été la caution morale du racisme impérialiste français pendant plus 20 ans. Du coup tout cela méritait bien que l'on ferme les yeux sur certains tripatouillages au niveau de la gestion de l'entreprise SOS racisme. Ainsi quasiment tous les présidents de SOS auront des problèmes avec la justice liés à l'utilisation des fonds publics. Par la suite d'autres d'associations satellites de SOS comme NPNS seront mises sur le marché par le PS avec toujours les mêmes deux grandes particularités: la parfaite inefficacité et des moyens quasi illimités.

Le message de SOS est tellement stupide et basique, que par exemple, pour lui le summum de l'anti racisme, c'est quand un blanc fait un bébé à une Noire. Bien sûr rien sur le racisme systémique, rien sur le racisme d’État, sur le racisme d'essence coloniale, rien sur le privilège blanc.

Cette association lucrative sans but, selon le mot de Mouloud Aounit, (qu'il repose en paix ) a une longue existence derrière elle, parfaitement inutile si ce n'est d'assurer les emplois de ses permanents. Celle persistance est due au seul acharnement financier du PS tant si SOS disparaissait seuls ses permanents s'en rendraient compte. Mais il a fait perdre un temps considérable au véritable mouvement de lutte contre le racisme. Au moins 20 ans. Sur ça aussi le PS devrait rendre des comptes.

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Message  MO2014 Mar 7 Juil - 14:58

SOS Racisme… des potes qui nous voulaient du bien
Sadri Khiari

Racisme et gauche française Julien-Dray-Jean-Luc-M%C3%A9lenchon-et-Marie-No%C3%ABlle-Lienemann-d%C3%A9filent-contre-le-racisme-400x250

Le succès de SOS-Racisme a généralement été appréhendé comme une simple opération de « récupération », concoctée dans les cabinets de Mitterrand et favorisée par « l’immaturité » des mouvements « beurs ». Dans sa thèse sur le traitement médiatique de l’association anti-raciste, P. Juhem [1] a mis en lumière les multiples déterminations qui ont rendu possible la « récupération ». Plutôt que de recourir à l’hypothèse fantaisiste d’une vaste manipulation engagée par une sorte de « comité central » des médias dominé par les socialistes, il a tenté de repérer les logiques spécifiques au champ médiatique, la pluralité des facteurs (enjeux internes, compétitions, stratégies commerciales, évolution du profil idéologique des journalistes, etc.), qui ont convergé pour aboutir à une gigantesque campagne de promotion de SOS-Racisme, sans minimiser, pour autant, la volonté politique de certains responsables socialistes – en premier lieu, Mitterrand – et l’efficacité de leurs interventions dans un contexte favorable.

Les énormes subventions reçues, le soutien de plus en plus affirmé de la gauche, des médias et de nombreux intellectuels ont incontestablement contribué, en effet, au succès de SOS-Racisme. On doit y voir également l’effet de dispositifs propres au système postcolonial. La « récupération » apparaît comme une menace inhérente à celui-ci – ce qui ne signifie pas inévitable – et non pas comme le seul produit d’intérêts politiques circonstanciés et de stratégies habilement menées. On a parfaitement raison de condamner de ce point de vue la politique du PS mais il est tout aussi important de saisir pourquoi, malgré leur bonne volonté, de nombreux militants antiracistes ont pu jouer le jeu d’une entreprise d’exclusion/inclusion.

Au début des années 80, « les Beurs deviennent trop subversifs » [2]. La Marche pour l’Egalité et les multiples formes d’action qui l’ont précédé ou suivi donnent aux jeunes issus de l’immigration une formidable visibilité qui inquiète, dans un contexte politique mouvant. L’abandon des promesses qui avaient conduit Mitterrand au pouvoir et l’adoption d’une politique de rigueur ne suscite pas la mobilisation sociale qu’espérait l’extrême gauche. La tendance politique dominante, notamment au sein de la jeunesse lycéenne et étudiante, n’est plus à la contestation mais plutôt à la désaffection vis-à-vis de l’engagement politique tandis qu’avec le recul des paradigmes marxistes s’imposent les idéologies molles de la défense des droits de l’homme et du progrès « sociétal ». La droite, par contre, progresse. Elle remporte plusieurs élections municipales partielles et repart à l’offensive comme en témoignent les gigantesques manifestations pour « l’école libre ». Le Front national connaît, quant à lui, ses premières grandes victoires (élections européennes). La « bête immonde » resurgit, craignent de nombreux secteurs de la gauche, assimilant la nouvelle situation à la montée du fascisme dans les années 30. Pour beaucoup, la lutte antifasciste devient la priorité de l’heure et l’antiracisme devient l’arme de cette lutte, d’autant plus efficace leur semble-t-il qu’un antiracisme moral et englobant peut permettre un large rassemblement de forces et remobiliser la jeunesse sur des « valeurs de gauche ».

Dans ce contexte, le mouvement « beur » pose incontestablement problème. L’irruption des enfants de l’immigration sur la scène publique inquiète. Il alimenterait le discours du Front national. Il embarrasse le pouvoir socialiste déterminé à restreindre l’immigration, mais il peut constituer aussi une nouvelle ressource électorale pour la gauche. D’une part, parce que de nombreux jeunes issus de l’immigration ont le droit de vote mais également parce que la problématique antiraciste qui est la sienne suscite la sympathie de larges franges de la jeunesse. Il s’agit dès lors de l’encadrer, de neutraliser ses tendances les plus contestataires et d’aseptiser son discours. « Convergence 84 révéla, écrivent Ahmed Boubeker et Nicolas Beau, une réelle capacité de mobilisation des cités. Personne pourtant pour canaliser cette révolte. Une place était à prendre ; message vite compris par Harlem Désir et ses potes : le jour même de l’arrivée de Convergence, 5000 badges « Touche pas à mon pote » de SOS-Racisme étaient vendus. L’idée du mélange, débarrassée de ses relents égalitaires, était reprise par Harlem Désir : « Vivons avec nos ressemblances, quelles que soient nos différences » : ce slogan de Convergence permettait à chacun, français ou immigré, de s’exprimer, sans complexes, sur la société multiraciale. Les beurs avaient perdu ce monopole. Avec SOS-Racisme, la société française reprenait la parole. Le relais était passé. » [3] C’est, en effet, à l’occasion de la seconde Marche, organisée par « Convergence 84 » que le petit groupe constitué autour de Julien Dray, transfuge de la LCR au Parti socialiste, apparaît sur la scène publique en diffusant massivement la fameuse petite main jaune. Mogniss Abdallah y voit un «talisman, hybride de la main de Fatma et de l’étoile jaune des Juifs sous le nazisme » [4]. Alors que les jeunes issus de l’immigration avaient manifesté contre le racisme particulier dont ils sont l’objet, SOS met en avant une vision exclusivement moralisante et non politique du racisme, détachée de l’histoire sociale et politique concrète. La référence implicite à l’étoile jaune n’est pas non plus innocente. Elle n’est pas sans lien avec le « choix exclusif de l’UEJF comme co-fondatrice de l’association » [5] suppose Mogniss Abdallah. En décembre 1983, de nombreux marcheurs étaient fiers de porter le Keffieh, symbole du peuple palestinien. Le « talisman » de SOS suggère, quant à lui, que la question palestinienne ne serait qu’un conflit entre juifs et arabes soluble dans l’antiracisme. M.Abdallah décrypte également le slogan « Touche pas à mon pote ». Celui-ci met « en scène un Français (anti-raciste) s’adressant à un autre Français (raciste, donc souvent suspect d’accointance avec le FN) pour protéger son « pote » issu de l’immigration. Le « pote » devient par un spectaculaire retournement de situation le spectateur passif d’un enjeu politique franco-français où il est question de cordon sanitaire anti-FN ou d’un « front républicain » pour des échéances électorales et les « combinazzione » à venir » [6]. Le racisme apparaît ainsi comme un rapport inter-individuel, une forme d’hétérophobie portée par l’extrême-droite. L’antiracisme devient une posture éthique, un combat qui se déroule entre Blancs.

Si le discours de SOS évoluera progressivement au fur et à mesure de l’enracinement du mouvement et des nouveaux enjeux politiques qui se poseront à lui, à sa fondation, la nouvelle association s’attache à se présenter comme a-politique, ni trop de gauche ni de droite. « Alors que quelques années auparavant un mouvement se proclamant « apolitique » aurait rencontré l’opposition de toutes les organisations politiques et antiracistes « de gauche », note P. Juhem (…), au contraire en 1985, l’affichage de « l’apolitisme » du mouvement est la condition de sa réussite, à la fois à l’égard de journalistes qui se réjouissent de la « fin des idéologies » et vis-à-vis de jeunes qui sont proportionnellement plus nombreux qu’auparavant à être indifférents à l’égard de « la politique ».» [7] SOS apparaît ainsi comme le cadre idéal pour mobiliser la jeunesse et canaliser la révolte des banlieues.

La finalité de l’association antiraciste est double. Il s’agit d’inclure les « beurs » dans des logiques politiques qui ne sont pas les leurs et d’exclure du champ politique ceux qui développent une orientation en rupture avec le consensus antiraciste basé sur l’intégration individuelle. Cette exclusion se réalise par diverses procédures. La première est évidemment de donner à SOS une légitimité qu’elle n’a pas en la présentant comme l’héritière de la Marche de 1983[8]. La seconde consiste à marginaliser les mouvements autonomes qui n’ont guère d’alliés dans le champ politique blanc ni, évidemment, de subventions. Le soutien gigantesque dont bénéficie SOS lui permet alors d’occuper tout l’espace antiraciste. Les mouvements autonomes sont soumis, quant à eux, à une terrible injonction qui contribuera à aggraver les dissensions en leur sein : se résoudre à une alliance avec SOS, c’est-à-dire accepter son hégémonie et les enjeux (blancs) qui sont les siens, ou prendre le risque de l’isolement avec – déjà – l’accusation de diviser le mouvement antiraciste. Ainsi, si SOS ne parvient pas à s’implanter réellement dans les cités, elle réussira néanmoins à gagner des militants comme Kaïssa Titous et Malik Lounès qui se résignent à y voir le seul cadre de regroupement possible et espèrent avoir suffisamment d’influence pour en changer l’orientation. « Lors du premier congrès de SOS-Racisme à Epinay-sur-Seine en 1986, rapporte P. Juhem, le principal débat aura lieu entre, d’une part, Julien Dray et la direction historique de l’association et, d’autre part, Kaïssa Titous qui, soutenue par les militants de la LCR, tentera de constituer au sein de SOS une tendance « beur », attachée à défendre la spécificité des « jeunes issus de l’immigration maghrébine ». D’autres batailles seront menées, notamment pour que l’association antiraciste prenne partie en faveur du peuple palestinien ou s’oppose à l’engagement des troupes françaises lors de la première guerre du Golfe. Mais ces batailles, si elles n’ont pas toujours été sans résultats, ne pouvaient pas rendre la parole à ceux qui en avaient été exclus.

Au principe de SOS, il y a en effet l’exclusion des « Beurs » du champ politique ou leur implication dans des enjeux qui leur sont extérieurs. SOS n’existe que comme cadre de mobilisation et de pression au sein du jeu des forces politiques blanches en instrumentalisant les problématiques de l’immigration et du racisme. Les « beurs » sont appelés à y trouver leur place à la condition de s’insérer dans les enjeux du champ politique blanc et de ne pas en bousculer les règles. SOS n’a pas « récupéré » le mouvement pour l’égalité au sens où elle s’est contentée d’en prendre la direction ; en exploitant ses ambivalences, elle l’a projeté dans le plan politique blanc. Ce faisant, elle a retourné le mouvement contre lui-même.

Sadri Khiari

Source : ce texte est extrait du livre de Sadri Khiari, Pour une politique de la racaille.Immigré-e-s, indigènes, jeunes de banlieue, que nous recommandons vivement.

[1] Juhem, P., Thèse de science politique : « SOS-Racisme, histoire d’une mobilisation « apolitique ». Contribution à une analyse des transformations des représentations politiques après 1981 ».

[2] Bouamama, S., Dix ans de marche des Beurs. Histoire d’un mouvement avorté, Desclée de Brouwer, 1994, p.4

[3] Ibidem, p.91

[4] Ibid., p.69

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] « SOS-Racisme est le premier mouvement de masse de l’après-guerre fondé sur des résolutions d’ordre exclusivement éthique. Il ne propose aucun projet de société, ne nourrit aucune ambition politique. Ses adhérents, pour la plupart des jeunes, ne se font guère d’illusions sur l’état du monde, […].Ils ne croient pas davantage aux promesses d’un monde lointain », Marek Halter, La main ouverte, Le Monde, 16 juin 1985 (cité par P. Juhem).

[8] « À la fin de 1984, il n’y a pas d’organisation nationale ou de porte-parole qui puisse revendiquer représenter l’ensemble des « jeunes issus de l’immigration ». Lorsque SOS-Racisme apparaît les journalistes peuvent, sans risque d’être démentis, faire de l’association l’héritière des « marches » et la représentante naturelle des « beurs ». » Ibidem.

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