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Affaires Marty-Tillon

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Message  sylvestre Lun 10 Fév - 20:36

Sur le stalinisme au sein du PCF, intéressante interview de Charles Tillon au moment de son exclusion du PCF en 1970 :
sylvestre
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Message  verié2 Mar 11 Fév - 16:28

intéressante interview de Charles Tillon au moment de son exclusion du PCF en 1970
Intéressant, mais limité et bien tardif. Tillon était tout de même ministre de de Gaulle au moment des massacres de Sétif, Oran, Gualma en 1945. De plus, ses critiques, comme celles de la plupart des dissidents et exclus, comme Lecoeur et Marty, a une petite consonance patriotique. C'est sur ce plan qu'il critique Marchais. Certes, Tillon fait quelques sourires aux gauchistes qui le courtisent à cette époque et aimeraient bien le récupérer, mais ça ne va pas très loin.

Voici donc un militant qui a incontestablement fait preuve d'un grand courage, mais qui s'est entièrement coulé dans le moule du stalinisme, jusqu'à approuver ses crimes les plus abominables et sans jamais vraiment en comprendre la nature contre-révolutionnaire, même s'il en dénonça le fonctionnement bureaucratique... quand il en fut victime.

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Message  Babel Mer 12 Fév - 11:17

verié2 a écrit:
intéressante interview de Charles Tillon au moment de son exclusion du PCF en 1970
Intéressant, mais limité et bien tardif. Tillon était tout de même ministre de de Gaulle au moment des massacres de Sétif, Oran, Gualma en 1945. De plus, ses critiques, comme celles de la plupart des dissidents et exclus, comme Lecoeur et Marty, a une petite consonance patriotique. C'est sur ce plan qu'il critique Marchais. Certes, Tillon fait quelques sourires aux gauchistes qui le courtisent à cette époque et aimeraient bien le récupérer, mais ça ne va pas très loin.
Voici donc un militant qui a incontestablement fait preuve d'un grand courage, mais qui s'est entièrement coulé dans le moule du stalinisme, jusqu'à approuver ses crimes les plus abominables et sans jamais vraiment en comprendre la nature contre-révolutionnaire, même s'il en dénonça le fonctionnement bureaucratique... quand il en fut victime.
D'accord avec verié. Même si cette critique faite de l'intérieur de l'appareil stalinien a pu jouer un rôle dans la contestation de l'hégémonie du parti sur le mouvement ouvrier qui s'est développée au cours des années 70, Tillon reste avant tout un homme du sérail. Se perçoit dans l'interview qu'il donne au magazine Panorama toute l'amertume celui qui souffre de l'ingratitude d'un parti auquel il est resté si longtemps dévoué. Et si sa parole prend parfois des accents de vérité, la langue de bois reprend assez vite le dessus.

La crise tchécoslovaque a sans aucun doute joué un rôle dans la sortie du mutisme qu'il s'était imposé, alors qu'il menait depuis 1952 une vie retirée à Aix-en-Provence, consacrée surtout à la rédaction d'ouvrages tournés vers le passé. Mais l'élément déclencheur a été la campagne visant à l'exclure, orchestrée à partir de 69 par un appareil soucieux de mettre au pas ou de se débarrasser d'une opposition interne, surtout concentrée au sein de l'UEC.

Son parrainage du Secours Rouge et sa participation à un meeting "contre la répression" organisé à la Mutu ont servi de prétexte à son exclusion. Laquelle fut votée par 3 voix pour, 2 contre et 2 abstentions, …sur une cellule comptant une vingtaine de membres (les autres s'étaient fait porter pâles).

Se sentant cette fois soutenu par la "constellation" gauchiste, l'ancien bureaucrate retrouve en partie la vigueur et la pugnacité de l'insurgé de la Mer de la Mer Noire qu'il avait été dans sa jeunesse.

Alors qu'il l'avait piteusement bouclée en 52, au moment de la première "affaire", préférant foutre le camp de Paris, et n'hésitant pas à l'occasion à charger Marty - son compagnon d'infortune, alors au centre d'une spirale inquisitoriale d'une extrême cruauté (*)-, cette fois, Tillon décide de l'ouvrir et de passer à la contre-attaque. Signe que les temps ont changé.

Sa critique prend pour cible le passé de Marchais sous l'Occupation et l'épisode de son départ volontaire pour les STO (rappelé dans l'interview), et les privilèges dont jouissent les grands argentiers du parti, Jérôme et Gosnat, qu'il accuse d'avoir profité de leur position pour s'enrichir à partir de la Libération. Et, bien sûr, la normalisation en Tchécoslovaquie.

Si la Ligue accueillit l'initiative favorablement, l'estimant tactiquement utile, LO lui tourna le dos, en arguant le passé de bureaucrate d'un Tillon aux mains couvertes du "même sang que tous les dirigeants staliniens".

Comme le rappelle l'interviewer, le passé de stalinien de Tillon ne fait pas l'ombre d'un pli : élu député de la Seine en 45, entré au BP la même année, il est nommé deux fois ministre (de l'Air, puis de l'Armement) sous le gouvernement De Gaulle de 44-46, puis devient secrétaire d’État chargé de la Reconstruction dans les cabinets qui succèdent le départ de ce dernier.

A ce titre on le verra user de son prestige de résistant pour désamorcer les luttes revendicatives des marins de Toulon et des ouvriers de l'arsenal de Cherbourg, et organiser (sinon couvrir) la répression sanglante de la révolte de Sétif par les troupes terrestres et aériennes de l'armée coloniale, en mai 45.

JM Krivine avait consacré une étude aux différentes affaires qui avaient secoué le parti entre 1931 (date de l'affaire Barbé-Célor) et 1970 (date de la 2e affaire Tillon). Intitulée Les "grandes affaires" du parti communiste français, et signée Louis Couturier, elle avait paru en 72 chez Maspéro, dans la collection "livres rouges". Elle est aujourd'hui épuisée. Je m'en suis inspiré pour rédiger ces quelques notes.

______

(*) Un Marty harcelé sans relâche par un appareil manifestement décidé à l'acculer au suicide : calomnies étalées sur la place publique, traques et interrogatoires incessants, rétention des 3/4 de sa paie mensuelle, fouilles et vols à son domicile, séquestration de sa compagne. Voir sa lettre du 13 novembre 52, adressée "au camarade Jacques Duclos", publiée dans le n° de septembre 63 de Unir, le bulletin de l'opposition.


Dernière édition par Babel le Mer 12 Fév - 12:16, édité 1 fois (Raison : corrections de forme.)

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Message  yannalan Mer 12 Fév - 11:43

En ce qui concerne Sétif, il a uen responsabilité dans la mesure où son Parti était au gouvernement et lui aussi, mais en tant que ministre de l'Air, il n'avait pas la direction de l'Armée de l'Air.De Gaulle n'était pas fou, il n'a donné aucun pouvoir militaire aux ministres du PCF...

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Message  sylvestre Mer 12 Fév - 16:09

L'appréciation de Pierre Frank à l'époque de l'affaire Marty-Tillon (1952)

extrait :
Après une telle appréciation fondamentales de Marty, on ne s'étonne plus d'entendre Mauvais nous apprendre que Marty était contre la politique du Front populaire, contre la remise des armes en 1945, contre la participation gouvernementale à la même époque, qu'il était opposé à la transformation des Jeunesses communistes en Union de la Jeunesse Républicaine de France, contre la politique envers la social-démocratie, qu'il était en désaccord avec les campagnes réduites aux pétitions, etc... On apprendra même que, lors d'un voyage en U.R.S.S. en 1949, « il a témoigné pour le moins de la méfiance envers les organismes de sécurité de l'Etat socialiste ». Qu'en termes choisis et délicats il est question de l'attitude du Guépéou envers le dirigeant d'un parti communiste.

La direction du P.C.F., en présence d'une telle ligne, a eu un frisson ; mais c'est du trotskysme qui se niche là-dessous !
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Message  verié2 Mer 12 Fév - 18:10

sylvestre a écrit:L'appréciation de Pierre Frank à l'époque de l'affaire Marty-Tillon (1952)

extrait :
(...)
La direction du P.C.F., en présence d'une telle ligne, a eu un frisson ; mais c'est du trotskysme qui se niche là-dessous !
Il me semble que Frank fantasmait. Les trotskystes de l'époque vivaient dans une mythologie : des pans entiers de l'appareil du parti stalinien allaient les rejoindre. Il suffit de lire le récit que fait par exemple Robrieux sur ces affaires (Son histoire du PCF) pour comprendre qu'on en était très, très loin.

Tillon s'est platement écrasé pour ne pas subir le sort de Marty et Lecoeur (futur exclu lui aussi) a joué le rôle de procureur. Parmi les critiques de Tillon, il y avait l'accusation (difficile à comprendre aujourd'hui) de... "gauchisme" à l'encontre de Duclos, à propos notamment de l'organisation de la manif contre la venue du général américain Ridway qui a entraîné de très violents affrontements et l'arrestation de Duclos. Tillon se comportait alors plutôt comme un ancien ministre respectable qui n'approuvait pas ces bagarres de rue. Une bonne partie des anciens ministres du PCF ont ensuite viré à droite, séduits par les ors de la république. (Fiterman et Gayssot en fournissent de bons exemples plus récents.)

Alors, évidemment, on peut toujours interpréter de diverses façons les divergences et les bagarres de cliques au sein de l'appareil, mais aucune n'a donné naissance à une fraction un chouilla plus à gauche, révolutionnaire n'en parlons. Aucun dirigeant de premier plan n'est passé chez les trotskystes, tous ont situé leurs critiques sur le terrain de la démocratie et du patriotisme. Certes, quelques critiques vaguement "de gauche" pouvaient se mêler à ces discours, et Frank et cie s'en emparaient pour faire vivre leurs illusions, tout comme ils s'emparaient du moindre dissident soviétique pour en faire un crypto trotskyste et raconter qu'on était au bord de la fameuse "révolution politique" espérée par Trotsky.

Aujourd'hui, on mesure le caractère dérisoire de ces illusions...

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Message  Achille Mer 12 Fév - 19:16

à l'époque le courant Pablo/Franck (PCI) prônait l'entrisme il me semble contre Bleibtreu/Lequenne qui s'y opposaient. On comprend donc que le courant "entriste" avait des incompréhensions fondamentales sur le stalinisme, la période politique et la stratégie de construction du parti.

Achille

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Message  Babel Mer 12 Fév - 20:06

verié2 a écrit:
sylvestre a écrit:L'appréciation de Pierre Frank à l'époque de l'affaire Marty-Tillon (1952)
extrait :
(...)
La direction du P.C.F., en présence d'une telle ligne, a eu un frisson ; mais c'est du trotskysme qui se niche là-dessous !
Il me semble que Frank fantasmait. Les trotskystes de l'époque vivaient dans une mythologie : des pans entiers de l'appareil du parti stalinien allaient les rejoindre. Il suffit de lire le récit que fait par exemple Robrieux sur ces affaires (Son histoire du PCF) pour comprendre qu'on en était très, très loin.

Tillon s'est platement écrasé pour ne pas subir le sort de Marty et Lecoeur (futur exclu lui aussi) a joué le rôle de procureur. Parmi les critiques de Tillon, il y avait l'accusation (difficile à comprendre aujourd'hui) de... "gauchisme" à l'encontre de Duclos, à propos notamment de l'organisation de la manif contre la venue du général américain Ridway qui a entraîné de très violents affrontements et l'arrestation de Duclos. Tillon se comportait alors plutôt comme un ancien ministre respectable qui n'approuvait pas ces bagarres de rue. Une bonne partie des anciens ministres du PCF ont ensuite viré à droite, séduits par les ors de la république. (Fiterman et Gayssot en fournissent de bons exemples plus récents.)

Alors, évidemment, on peut toujours interpréter de diverses façons les divergences et les bagarres de cliques au sein de l'appareil, mais aucune n'a donné naissance à une fraction un chouilla plus à gauche, révolutionnaire n'en parlons. Aucun dirigeant de premier plan n'est passé chez les trotskystes, tous ont situé leurs critiques sur le terrain de la démocratie et du patriotisme. Certes, quelques critiques vaguement "de gauche" pouvaient se mêler à ces discours, et Frank et cie s'en emparaient pour faire vivre leurs illusions, tout comme ils s'emparaient du moindre dissident soviétique pour en faire un crypto trotskyste et raconter qu'on était au bord de la fameuse "révolution politique" espérée par Trotsky.

Aujourd'hui, on mesure le caractère dérisoire de ces illusions...
Ce que tu écris est vrai pour Tillon, moins pour Marty : je crois qu'à propos de l'affaire 52, il faut dissocier ces deux personnalités et observer leur trajectoire respective.

D'après mon unique source d'information, la situation de Marty fut autrement plus dramatique que celle de son supposé comparse -le couplage de leurs noms n'est-il d'ailleurs pas le fruit d'un procédé de l'appareil bureaucratique, visant à donner corps à la théorie d'un complot fomenté par un groupe dont ces deux hommes auraient été les maîtres d'oeuvre ?

Et Marty, tout épuisé et brisé qu'il fût par la campagne de harcèlement systématique orchestrée par l'appareil stalinien, a tout de même trouvé les forces nécessaires pour tenter de fédérer une opposition interne à la direction Thorez-Duclos. Ce que ne fit pas Tillon.

Après avoir échoué dans sa tentative de conciliation avec ceux-là mêmes qui le persécutaient sans relâche, - Marty s'était en effet imaginé un instant que le retour de Thorez en France, en mars 1953, allait favoriser sa réintégration...-, ce sont les militants du Parti ayant pris fait et cause pour lui qui l'auraient poussé à adopter, presque malgré lui, une attitude plus intransigeante.

C'est seulement à partir de ce moment-là qu'il se serait rapproché de certains groupes oppositionnels extérieurs au Parti, dont celui de la Quatrième Internationale et de groupes de la mouvance anarchiste, publiant deux ans plus tard L'affaire Marty, bouquin qui paraît-il aurait fait date.

Malgré le caractère limité de sa critique du stalinisme, dont il ne semble pas qu'il ait perçu la nature profondément contre-révolutionnaire, ses prises de position de l'époque constituent une première rupture significative avec le dogmatisme bureaucratique et une tentative de d'émanciper la pensée politique de la chape de plomb qui pesait alors sur le mouvement ouvrier faite par un de ses leaders reconnus. Il aurait été ainsi un des rares dirigeants exclus à avoir formulé une critique se situant explicitement à la gauche du Parti.

La fatigue morale, la dépression et la maladie ne lui permettront pas de poursuivre ce combat, et il s'éteint en novembre 56.

Par conséquent, il faudrait se garder de tout jugement rétrospectif un peu rapide, afin de voir les choses avec toute la nuance nécessaire. Au regard de cet itinéraire assez singulier, il est difficile d'avancer que les trotskystes de la IV vivaient uniquement dans le fantasme, en se nourrissant seulement d'illusions.

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Message  verié2 Mer 12 Fév - 20:40

Malgré le caractère limité de sa critique du stalinisme (Marty)
Il a même écrit, toujours à en croire Robrieux, une lettre à Staline pour lui demander d'intervenir en sa faveur.
Babel
Par conséquent, il faudrait se garder de tout jugement rétrospectif un peu rapide, afin de voir les choses avec toute la nuance nécessaire. Au regard de cet itinéraire assez singulier, il est difficile d'avancer que les trotskystes de la IV vivaient uniquement dans le fantasme, en se nourrissant seulement d'illusions.
Je regrette, mais aucune fraction du PCF ni aucun dirigeant de premier plan ne s'est tourné vers le trotskysme. Il n'y a eu que quelques cas de responsables "intermédiaires" comme celui d'un militant de Toulouse, Thourel, je crois. (Orthographe à vérifier). Toutes les scissions du PC se sont tournées vers la droite. Ce n'est que dans une période très récente qu'on a vu quelques petits groupes tout de même très minoritaires se tourner vers la LCR.

Le cas de Marty ne peut pas suffire à contredire ce constat. De plus, comment croire qu'un personnage qui a vécu tout ce qu'il vécu dans l'appareil stalinien, participé à son jeu contre-révolutionnaire, en particulier en Espagne, puisse revenir au communisme révolutionnaire de sa jeunesse ? Marchais lui-même a reconnu peu avant sa mort qu'il s'était peut-être trompé vis à vis des gauchistes en mai 68. Eclair de lucidité ? Peut-être.
J'ai eu l'occasion de discuter assez longuement avec Krasucki, qui n'a tout de même pas fait autant de saloperies que Marty. C'était un homme sincère, qui s'interrogeait lui aussi à la fin de sa vie. Il pouvait d'autant plus se le permettre qu'il n'avait plus alors de responsabilité dans l'appareil. La psychologie humaine est complexe, mais dans aucun pays on n'a vu de dirigeant stalinien devenir ou redevenir révolutionnaire.

A mon avis, l'analyse des trotskystes de l'URSS et du PCF était fausse après la seconde guerre mondiale. Cette erreur est liée à l'incompréhension de la nouvelle période qui s'ouvrait avec le développement économique des trente glorieuses. Tous les trotskystes pensaient que le capitalisme agonisait, que des mouvements révolutionnaires, voire la troisième guerre mondiale étaient imminents. Si on étudie ce qui s'est passé au moment de la fameuse grève Renault de 1947, on constate que le PCF et la CGT ont été momentanément débordés, mais que les militants du PCF ne sont pas pour autant passés du côté des trotskystes et qu'il a suffi que le PCF change de politique en généralisant les grèves pour reprendre la main sans difficultés et récupère son hégémonie sur le mouvement ouvrier jusqu'en mai 68, vingt ans plus tard...

Evidemment, c'est plus facile à comprendre aujourd'hui qu'en 1952. Il ne s'agit pas de jeter la pierre à ces camarades placés dans des situations difficiles, mais de comprendre leurs erreurs d'analyse et leurs causes.

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Message  Roseau Jeu 13 Fév - 0:44

Tout cela me semble juste, à un "détail" près.
Ce ne fut pas un pan entier, mais bien une fraction des jeunes communistes
qui rompirent avec le stalinisme et le PC, pas en 68,
mais quelques années avant, sous l'impulsion des camarades de la IV, créant la JCR.
Et ne pas oublier non plus la fraction qui a donné naissance aux orgas maoistes.
Ces orgas ont eu un rôle clé dans le déclenchement de la plus grande GG en France.
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Message  Achille Jeu 13 Fév - 0:46

Roseau a écrit:
Ces orgas ont eu un rôle clé dans le déclenchement de la plus grande GG en France.

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Message  Roseau Jeu 13 Fév - 1:08

Complément sur Tillon en particulier.
Je ne connaissais pas cet interview,
et n'avais entendu Tillon que dans un meeting.
Je recommande aux camarades qui ne connaissent pas bien le stalinisme.
Il faut écouter attentivement. C'est une condamnation sans appel du stalinisme,
notamment lorsqu'il reconnait que les militants des brigades,
comme d'autres qui se sont opposés au fascisme ont été systématiquement liquidés,
parce que régulièrement il fallait éliminer le passé
pour défendre la position des dirigeants.
Sa blague polonaise m'a aussi frappé.
Et situer tout cela par rapport au passé, hyper stalinien de Tillon,
bien décrit ci-dessus par les camarades.

Par ailleurs, je n'avais pas fait attention à la trajectoire des ministres communistes
dont parle Vérié. A-t-il des précisions ?



Dernière édition par Marco Pagot le Jeu 13 Fév - 11:42, édité 1 fois (Raison : Attaques personnelles)
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Message  Roseau Jeu 13 Fév - 3:24

Le ministre Tillon reconstruit les bandes armées du capital
Ou comment le PC a livré les résistants aux bourgeois.


Dernière édition par Marco Pagot le Jeu 13 Fév - 11:43, édité 1 fois (Raison : Copier coller permanents et attaques personnelles)
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Message  Prado Jeu 13 Fév - 9:28

verié2 a écrit:
sylvestre a écrit:L'appréciation de Pierre Frank à l'époque de l'affaire Marty-Tillon (1952)

extrait :
(...)
La direction du P.C.F., en présence d'une telle ligne, a eu un frisson ; mais c'est du trotskysme qui se niche là-dessous !
Il me semble que Frank fantasmait. Les trotskystes de l'époque vivaient dans une mythologie : des pans entiers de l'appareil du parti stalinien allaient les rejoindre.

Des pans entiers de l'appareil ? Je ne sais pas sur quoi repose cette affirmation. L'idée de fond, c'était plutôt :
1) que des courants "centristes" (et non pas trotskystes) allaient se développer dans le PCF (ce n'est pas la même chose que "l'appareil").
2) qu'il fallait être à l'intérieur du PCF pour peser sur l'évolution de ces courants.

Mais le type de fonctionnement du PCF  empêcha l'organisation de courants critiques et, sauf exceptions (crise de l'UEC, formation d'un parti pro-chinois) les militants en désaccord sortirent de manière dispersée du PCF.
Pierre Frank était réaliste quand il écrivait dans le texte cité par Sylvestre : "Aujourd'hui, informés des positions de Marty et Tillon qu'ils ignoraient, ces militants vont commencer par réfléchir et comprendre qu'il s'agissait de quelque chose de plus qu'une erreur ; mais il n'est guère probable qu'ils s'emballent pour une lutte politique et organisationnelle ouverte contre la direction".

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Message  verié2 Jeu 13 Fév - 10:37

la trajectoire des ministres communistes
Les ministres PCF de Mitterrand :
-Fiterman : PS
-Gayssot : ralliement à Frèche (PS tendance raciste) pour conserver une (petite) place locale. Alors qu'il fut le "chargé de l'idéologie" ultra-rigide sous Marchais...
-Anicet le Pors : passage dans un club proche du PS.
-Marcel Rigout :Après avoir quitté le Parti communiste il crée l'ADS (Alternative Démocratie Socialisme, membre de la Convention pour une alternative progressiste) avec ses amis de Limoges, nombreux à avoir abandonné la fédération de la Haute-Vienne.
-Ralite : le seul à ne pas avoir quitté le PCF, mais il était devenu un notable très "consensuel".
En revanche, parmi les anciens ministres PCF de de Gaulle, il n'y a que Tillon qui a été viré du parti. Les autres (Croizat, Maranne) sont restés.  
(L'idée était que) des courants "centristes" (et non pas trotskystes) allaient se développer dans le PCF (Prado)
Le fait est que ces courants centristes ne se sont pas développés. Ce sont plutôt des courants droitiers. Sauf la toute petite fraction d'étudiants communistes emmenée par Krivine et les maoïstes ultra minoritaires - dont les seules prises de guerre furent le philosophe Gilbert Mury, directeur de l'"université nouvelle" du PCF et Jurquet (revenu au bercail depuis...), donc du menu fretin.
les militants en désaccord sortirent de manière dispersée du PCF.
Certes, mais l'immense majorité de ces "dissidents" ou "oppositionnels" (comme on les appelait à l'époque) a évolué vers la droite. Seuls quelques rares militants ont rejoint l'extrême-gauche.

Ca me parait difficile de nier que les trotskystes nourrissaient l'espoir de gagner des fractions importantes du PCF et de la CGT et que ces espoirs ont été déçus.

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Message  Prado Jeu 13 Fév - 12:42

Sur ce que fut vraiment l'entrisme, voici un témoignage en deux parties de Denis Berger, l'un des rares militants trotskystes à l'avoir pratiqué dans les années 50 :
http://variations.revues.org/471
http://variations.revues.org/268


Achille a écrit:à l'époque le courant Pablo/Franck (PCI) prônait l'entrisme il me semble contre Bleibtreu/Lequenne qui s'y opposaient.

Ce n'est pas exact. Voici ce que dit Michel Lequenne :
"D’ailleurs quand on parle de cette scission, on dit « vous étiez contre l’entrisme ». En fait, nous avions développé une autre conception de l’entrisme. Pour Pablo, il s’agissait de faire rentrer toute l’organisation, en ne gardant qu’un tout petit noyau, alors que la plupart de nos militants étaient connus comme militants trotskistes. Pour rentrer ils devaient faire ce que Pablo nous avait dit de faire, et dire qu’ils s’étaient trompés. Cette terrible pratique de l’entrisme ne pouvait se comprendre qu’à cause de la conception que développait Pablo à propos d’une nouvelle guerre mondiale imminente".
Source : http://variations.revues.org/513?lang=en


Dernière édition par Prado le Jeu 13 Fév - 21:39, édité 1 fois

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Message  alexi Jeu 13 Fév - 20:19


Une longue interview de Jurquet dans Dissidences datée du 1/3/10 :


Actuellement les communistes chinois tiennent compte de toutes les erreurs commises en URSS, et s'efforcent de ne pas les renouveler. Un exemple intéressant : les soviétiques étaient interdits de sortie de leur pays, les Chinois peuvent se promener dans le monde entier et l'on ne découvre jamais un Chinois qui désire ne pas retourner en Chine après son voyage. Il y a un tas d'autres exemples.
(...)
Je suis aujourd'hui un communiste sans carte.

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Message  verié2 Jeu 13 Fév - 22:54

alexi a écrit:
Une longue interview de Jurquet dans Dissidences datée du 1/3/10 :


Actuellement les communistes chinois tiennent compte de toutes les erreurs commises en URSS, et s'efforcent de ne pas les renouveler. Un exemple intéressant : les soviétiques étaient interdits de sortie de leur pays, les Chinois peuvent se promener dans le monde entier et l'on ne découvre jamais un Chinois qui désire ne pas retourner en Chine après son voyage. Il y a un tas d'autres exemples.
(...)
Je suis aujourd'hui un communiste sans carte.
Malheureux Jurquet...
Si je disais qu'il est "revenu au bercail", c'est parce que je l'ai rencontré dans une fête de l'Huma de province où il parlait au nom... du Mouvement de la paix (ça semble encore exister...) et était visiblement très proches des responsables PCF locaux. Jurquet, ex dirigeant du PCMLF, la tendance maoïste la plus stalinienne qui publiait L'humanité rouge, n'a jamais été une tête politique. Quand je lui ai rappelé qu'ils avaient écrit que Trotsky avait été assassiné pour une affaire de moeurs (sic), il a eu une attitude pleurnicharde, du genre "c'était compliqué etc"...

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Message  Babel Ven 14 Fév - 21:03

Prado a écrit:Sur ce que fut vraiment l'entrisme, voici un témoignage en deux parties de Denis Berger, l'un des rares militants trotskystes à l'avoir pratiqué dans les années 50 :
http://variations.revues.org/471
http://variations.revues.org/268
Témoignage précieux : merci, Prado. La relation des faits s'y double d'une analyse qui m'a semblé aussi honnête que lucide.

Denis Berger expose sans fard les difficultés et les potentialités réelles (= non fantasmées…) du travail entriste, avec ses réussites éphémères et ses échecs patents. Et il parvient ainsi à rendre intelligibles et concrets les débats qui traversaient le PCI de l'époque et l'Internationale - presque une gageure !

Du coup, la lecture de son texte suscite d'autres interrogations qui, au-delà de l'utilité et de la pertinence l'activité entriste au sein des partis ouvriers bureaucratiques (staliniens ou sociaux-démocrates), ont trait à la stratégie de construction d'un parti révolutionnaire *.

_________________________________________

* Bien qu'elle sorte du cadre de la discussion, je relèverai cette observation incise de Berger qui garde, à mon sens, une certaine actualité :
Je cite cette discussion car elle me semble révélatrice d’une myopie du trotskisme dans le domaine de la réflexion sur la construction d’un parti. Les positions dans ce domaine sont une référence permanente – et mécanique – aux mouvements sociaux d’ampleur historique qui automatiquement produisent les évolutions souhaitables. Ce déterminisme largement artificiel est incapable d’aider à concevoir que la construction d’une organisation passe d’abord par l'apprentissage de l’autonomie individuelle et collective.

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Message  Babel Dim 16 Fév - 12:31

Cette affaire, je m'en aperçois, apparaît comme un condensé de l'histoire du stalinisme français. Si on tire un à un les fils emmêlés de la pelote, on voit se dérouler progressivement les trois décennies aux cours desquelles la section française de l'IC est devenue l'un des plus fidèles défenseurs des intérêts de la bureaucratie du Kremlin.

Commencée peu après la mort de Lénine (avec l'exclusion de Treint, Monatte, Rosmer, Souvarine, et la mise en place des rouages de la machinerie bureaucratique), la "bolché-stalinisation" du PC franchit un seuil décisif en 1931, avec l'envoi en France par Manouilski d'Eugen Fried. La mission de ce dernier est de verrouiller un PCF alors au plus mal : ventes de l'Huma en baisse vertigineuse, échecs électoraux, appareil de cadres intermédiaires déboussolé par l'application de la ligne ultra-gauche dictée par le Komintern…

La reprise en main du noyau dirigeant qui tient l'appareil s'opère en deux temps. Fried, (alias le « camarade Clément »), qui a désormais tout pouvoir sur les dirigeants du Parti français, monte la 1ère  affaire en date contre deux des principaux responsables du PCF, Barbé et Celor, qu'il fait exclure du bureau politique. Puis il désigne une équipe de dirigeants plus docile, composée de Thorez, Duclos, Frachon, Marty et Tréand.

C'est cette nouvelle direction qui va personnaliser, à une exception près, le stalinisme français pendant les deux décennies qui suivent. Si tous font preuve pour l'occasion d'un zèle irréprochable, Marty s'illustre par l'ardeur qu'il met à dénoncer ses anciens camarades.

Pour le poste de secrétaire général, Fried choisit Thorez, intronisé en 1934, et écarte Doriot, jugé peu fiable en raison des réserves qu'il émet quant à l'application de la ligne de la 3e période. Véritable éminence grise du Parti, Fried transmet directement à Thorez les ordres venus du Kremlin. Il met en place une « commission des cadres », chargée de former et de contrôler les principaux responsables. Par le biais de cette police politique, il inculque à l'appareil du Parti une discipline de fer.

Désormais la nouvelle équipe épousera avec une docilité sans nuage tous les zigzags du Komintern : exclusion de Doriot, au nom de la lutte "classe contre classe", puis application deux ans plus tard du virage droitier vers les fronts populaires qui scelle l'adoption définitive par le PCF d'une ligne nationaliste-chauvine de collaboration de classe.

Vient ensuite l'affaire espagnole, où Marty a l'occasion une nouvelle fois de s'illustrer, en manifestant ses qualités de stalinien irréprochable.

En tant que membre du secrétariat de l’IC (élu pour seconder le secrétaire général Dimitrov), Marty supervise l'action des Brigades Internationales en Espagne. La décision en 37 du gouvernement républicain espagnol d'intégrer les Brigades internationales dans l’armée populaire espagnole s'accompagne de sa nomination à leur tête en tant que chef veillant à renforcer la “ vigilance ” contre les trotskystes, à la suite des procès de Moscou et des affrontements de Barcelone de mai de la même année.

Au cours de l’été, il couvre les exactions des hommes de main du Guépéou (liquidation de 500 militants anarchistes, trotskistes et poumistes à Albacete), et y gagne la réputation de “ boucher", sans qu'il soit toutefois avéré qu'il ait pris part au massacre.

En 1939, il manifeste beaucoup de méfiance devant les tentations de participation gouvernementale communiste et rappelle à Duclos l’hostilité de l’IC à une telle perspective, tandis que Fried, Thorez, Duclos et Péri multiplient les contacts exploratoires avec certains milieux parlementaires. Puis au moment du Pacte de non-agression germano-soviétique, il se fait le porte-parole intransigeant du nouveau cours en publiant une “ Lettre ouverte à Léon Blum ” qui dénonce le “ caractère impérialiste, anti-ouvrier, contre-révolutionnaire ” de la guerre, datée du 5 septembre 1939.

Sortie exsangue des Grandes Purges de 36-38, l'IC a en effet pour nouvelle mission de se faire le chantre et le défenseur du Pacte germano-soviétique notamment par la dénonciation de la Seconde Guerre mondiale commençante en tant que conflit « inter-impérialiste ».

En France, cette ligne nouvelle conduit la direction du PC à négocier de juin à août 40 avec Otto Abetz (le représentant de von Ribbentrop) la parution de l'Huma et la légalisation du PCF, condamné à la clandestinité par décret du gouvernement Pétain-Laval, depuis août 39. Les négociations sont conduites par Maurice Tréand et supervisées par Duclos, via l’ambassade d’URSS à Paris où celui-ci vient de s’installer, avant de gagner une planque en RP.

L'ordre de négocier se fait en application de la consigne de Dimitrov d" utilise(r) la moindre possibilité favorable pour faire sortir journaux syndicaux, locaux, éventuellement L'Humanité", tout en veillant  à ce que "ces journaux... ne donnent aucune impression de solidarité avec envahisseurs ou leur approbation."

Mais là encore le zèle des domestiques dépasse le désir des Maîtres : les termes de l'argumentaire qui sert de base à la négociation entre Tréand et Abetz sont un infect bouillon de culture, où se mêlent dénonciation de la nature impérialiste de la guerre et défense du pacte Hitler-Staline, condamnation des gouvernements qui ont conduit à la défaite et allusions antisémites (dénonciation à trois reprises du "juif Mandel"), défense des intérêts des masses populaires et garantie de bonne entente avec l'occupant : " nous ne ferons rien pour vous mais rien contre vous."

Parallèlement, l'appareil clandestin du Parti tire à 600000 exemplaires, le 10 juillet 40, un appel "Au peuple de France" signé Thorez-Duclos. Résultat d'une ligne politique hybride de "négociation sans compromission", où il s'agit de se différencier d’une politique ouvertement collaborationniste sans marquer non plus une franche hostilité vis-à-vis de l'occupant, le texte combine des accents cocardiers avec d'autres directement issus de la 3e période.

On y exalte une France libre et indépendante, et y dénonce le gouvernement de Vichy et la complicité des "politiciens à la Daladier, à la Reynaud, à la Mandel" qui "ont poussé la France à la guerre pour servir les intérêts des ploutocrates, supprimer les libertés publiques, faire régner la terreur, écraser le peuple et porter les armes contre l’URSS, pays du socialisme, " et ont ainsi conduit le pays à la défaite.

Tout en stigmatisant les activités antinationales des généraux, des affairistes et des banquiers, ("TOUS RESPONSABLES DES MALHEURS DE LA FRANCE")-, et en y condamnant avec vigueur le gouvernement "des ploutocrates et des profiteurs de guerre", l'appel accepte l'occupation comme un fait accompli.

En effet, il en appelle à la paix et à la reconstruction nationale, -un des leitmotiv étant : " IL FAUT REMETTRE LA FRANCE AU TRAVAIL"-, et réclame la constitution d'"un gouvernement du Peuple "pour relever la France", la "remettre au travail", assurer son "indépendance dans la Paix", et "libérer notre pays des chaînes de l’exploitation capitaliste".

Bref, l'appel réclame un "gouvernement que l’Unité de la Nation rendra possible demain ; un gouvernement qui sera le Gouvernement de la renaissance nationale, (…) un gouvernement du Peuple, tirant sa force du Peuple, du Peuple seul, et agissant exclusivement dans l’intérêt du Peuple."

La phraséologie adoptée emprunte donc autant son répertoire à la vulgate de la propagande communiste qu'à celle qui a cours dans les milieux de l'extrême-droite nationaliste.

Quoiqu'il en soit, le pacte Staline-Ribbentropp avait provoqué de sérieux remous au sein du Parti. Avec le départ de nombreux cadres et de militants, écœurés, un appareil du Parti sérieusement affaibli, une direction réduite à la clandestinité, et un nombre important de ses militants mobilisés sous les drapeaux, le PC est au plus mal.

Et, si la majorité des communistes encore actifs suivent la ligne, -hormis quelques exceptions notables comme Gabriel Péri ou Charles Tillon, à qui il répugne de se commettre dans de telles négociations-, ladite ligne est suffisamment sinueuse pour donner le tournis à plus d'un.

Un télégramme de Dimitrov et de Thorez, visant à arrêter le processus en cours et jugeant que, malgré la justesse de la ligne générale, l'entrevue avec Abetz est une faute risquant de compromettre parti et militants, est envoyé le 20 juillet. Mais les directives nouvelles attendront un mois avant d'être appliquées. Les négociations sont rompues fin août.

Cependant, le mal est fait. Et puisqu'il faut un responsable à cette faute, Tréand fera l'affaire : écarté et démis officieusement de ses fonctions de responsable de l'appareil clandestin, il meurt, complètement marginalisé, en 1949.

A partir du printemps 1941, avec le tournant de la guerre et l'offensive allemande contre l'Union Soviétique, le PC entre officiellement dans la Résistance. La nouvelle ligne du Komintern adressée aux partis communistes d'Europe occupée intime l'ordre de conclure des ententes avec des forces non-communistes pour lutter contre les Allemands : le 15 mai 1941, le PCF fonde le "Front National de Lutte pour l'Indépendance de la France", qui lui permet d'estomper le caractère plus qu'équivoque de la ligne précédente.

Marty joue là encore un rôle de premier plan dans l'application de ce nouveau tournant stratégique du Komintern. Après la dissolution de l’IC en mai 1943, resté dans le sillage de Dimitrov, il transforme en Algérie le groupe des 27 députés communistes, libérés des camps d’internement, en délégation du CC du PCF, dont il assure le secrétariat. Et, à la Libération, en application de la ligne de reconstruction nationale, il obtient de de Gaulle le ministère de L’Information. Entré au secrétariat du parti en janvier, il occupe la 3e position au sein de sa hiérarchie, derrière Thorez et Duclos.

En froid avec Thorez, au moins depuis leur séjour moscovite, et toujours très populaire, il est amené à gérer quelques dossiers chauds de la Résistance et de l’Occupation comme responsable politique des « cadres » de la Libération à 1947, ou lors de l’enquête interne de mai 1949 sur la publication légale de l’Humanité. Il s’occupe aussi de l’Algérie, des questions coloniales, des problèmes de formation et des problèmes de la jeunesse.

C’est lui qui, au CC du 18 mai 1945, intervient à propos des massacres du Constantinois qui font suite à la manifestation du 8 mai à Sétif. La répression féroce de l'armée coloniale y tue entre 10 et 20.000 Algériens, alors que Tillon, ministre de l'Air, affiche un silence complice et reste au gouvernement comme les autres ministres communistes.

Et alors que la direction du Parti, rivalisant d'ignominie avec De Gaulle, réclame avec virulence l'adoption d'une politique de répression implacable contre les militants anticolonialistes algériens, taxés "d'hitlériens" et de suppôts des "fonctionnaires de Vichy encore en place".(*)

Marginalisé au sein du BP à partir de 1947, où on l'oriente vers des fonctions essentiellement honorifiques, Marty en reste membre jusqu'en 1952, sa place dans la hiérarchie lui permettant de conserver une certaine autorité.

La suite, on la connaît.

Thorez - victime d’une attaque d’hémiplégie en octobre 1950 - étant parti se faire soigner en URSS, Marty ne risque-t-il pas de devenir le secrétaire général par intérim, si jamais Duclos (nettement moins populaire que lui) est dans l’impossibilité d’exercer sa fonction ? Or, dans le contexte de la guerre froide, les tensions qui s'exacerbent dans le mouvement communiste international comme dans le PCF réveillent les vieilles inimitiés qui favorisent la sortie des cadavres des placards, en vue de prochains règlements de compte.

« André, depuis combien de temps es-tu en désaccord avec le Parti ? », lui demande Léon Mauvais, dans le secret d’une réunion du secrétariat, à laquelle assistent Lecœur, Duclos, Servin, le 26 mai 1952, deux jours avant la manifestation violente contre la présence du général Ridgway à Paris qui marque un net durcissement de la ligne du Parti.

Le 1er septembre 1952, Marty et Charles Tillon sont mis en cause devant le Bureau politique. La commission d'enquête formée de Léon Mauvais et Marcel Servin avait préparé ce « procès interne » depuis plusieurs mois.

L’affaire Marty-Tillon s'inscrit donc dans ce contexte des grands procès qui ont lieu dans les démocraties populaires (affaire des blouses blanches, procès de Prague, affaire Rajk en Hongrie, etc.).

Selon Tillon, Duclos, avec l'accord de Thorez, n'a alors aucun mal pour faire admettre à Staline qu'en France aussi, il y a des traîtres…

______________________

(*) L’Humanité écrit dans ses colonnes que « les auteurs des troubles étaient d’inspiration et de méthode hitlériennes », et fustige la « provocation fomentée par les grands trusts et par les fonctionnaires vichystes encore en place ».
Le 12 mai le bureau politique du PCF publie un communiqué affirmant : « Il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l’émeute », au nom de la défense « de la République française, métropole et territoires d’outre-mer, une et indivisible ».
Le 21 mai, le PC demande au gouvernement de « punir comme ils le méritent les chefs pseudo-nationalistes ».
Et le 11 juillet, Fajon, porte-parole du Parti, déclare à la tribune de l’Assemblée nationale : « Les tueries de Guelma et de Sétif sont la manifestation d’un complot fasciste qui a trouvé des agents dans les milieux nationalistes. »


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Message  Babel Dim 16 Fév - 14:26

Sources :
Ce travail de compilation et de synthèse doit beaucoup à la biographie de Marty rédigée par Jean Maitron et Claude Pennetier (notice rédigée par Claude Pennetier après le décès de J. Maitron, mais avec le dossier qu’il avait constitué : http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/) extraite du Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, sous la direction de Jean MAITRON, 4e partie : 1914-1939, "De la première à la seconde Guerre mondiale", t. XXXVI. Paris, Les Editions ouvrières, 1990, p. 8-22.

Ont également largement été consultées (voire pillées...) les notes fournies par l'encyclopédie en ligne Wikipédia, en relation avec les entrées nécessaires à sa constitution : notices biographiques des individus, ou historiques récapitulatives des différents épisodes et événements mentionnés. Les informations recueillies ont ensuite été croisées et confrontées avec d'autres sources d'origine diverses, qu'il serait fastidieux de mentionner ici.

J'ai enfin constamment gardé sous le coude le bouquin de JM Krivine, évoqué précédemment, y jetant un coup d’œil de temps à autre, histoire de vérifier, voire de rectifier certaines formulations éventuellement litigieuses, rencontrées en cours de rédaction.

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Affaires Marty-Tillon Empty Tillon finit applati devant Mitterrand

Message  Roseau Dim 16 Fév - 15:20

“Sentiment national », « responsabilité civique », la soupe mitterrandienne

Réactions de Charles Tillon après l'élection de... por ina
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Message  Babel Lun 17 Fév - 10:36

Pour tenter d'effacer le sentiment nauséeux que suscite la lecture des lignes écrites ci-dessus, où s'étalent tant de médiocrité et de bassesse, j'éprouve le besoin de revenir sur le parcours à certains égards exemplaire de Tillon.

Parcours représentatif de ce qu'a pu signifier l'engagement communiste pour des dizaines de milliers de militants, qui ont risqué et souvent perdu leur vie dans un combat associant la lutte contre les fascismes pétainiste et hitlérien à celle pour une société débarrassée des chaînes de l'exploitation.

Né en 1897, Tillon est matelot mécanicien en février 1919 à bord du croiseur Guichen, au sein de l'escadre chargée d'appuyer les troupes françaises d’intervention en Mer Noire contre l’URSS. Ayant pris la tête de la mutinerie de l’équipage de son croiseur le 25 mai, il est arrêté et condamné à cinq ans de bagne. La campagne de solidarité du PC en faveur des mutins de la Mer Noire aboutit à son acquittement.

Ouvrier ajusteur à Nantes, il adhère au Parti en 21, se consacre au travail syndical et devient permanent de la CGTU à partir de 24. Il entre au CC en 32, puis devient député d’Aubervilliers en 36. Le 26 septembre 39, l'interdiction du PC par le gouvernement Pétain-Laval l'oblige à entrer dans la clandestinité, avec pour mission de réorganiser le parti dans le Sud-Ouest.

A la mi-juin 1940, il est l'auteur du tract appelant à la lutte antifasciste, et plus tard du manifeste du PCF de la région de Bordeaux-Côte atlantique appelant à la résistance. Le contenu de ce tract, même s'il est empreint du nationalisme caractéristique de la ligne adoptée par le PC sous le Front Populaire, se distingue tout de même vigoureusement du salmigondis "kominterno-réactionnaire" daté du 10 juillet 40, et portant la signature des Thorez-Duclos.

Ayant rétabli le lien avec Frachon en septembre de la même année, Tillon intègre rapidement la direction clandestine du PCF et entame à partir de cette date une activité de résistant qui précède de six mois celle de son Parti.

A partir d’octobre, il met en place les "groupes OS" chargés des Opérations Spéciales (tractages, collage d'affiches, intimidation des traîtres, protection des militants prenant la parole sur les marchés, récupération des fonds...), dirige à partir de 41 le Comité Militaire National (CMN), crée et assure le commandement des Francs Tireurs et Partisans (FTP), et lance l’appel à l'insurrection parisienne du 10 août 44.

Appel du 17 juin 1940
"Les gouvernements bourgeois ont livré à Hitler et à Mussolini : l’Espagne, l’Autriche, l’Albanie et la Tchécoslovaquie... Et maintenant, ils livrent la France.

Ils ont tout trahi.

Après avoir livré les armées du Nord et de l’Est, après avoir livré Paris, ses usines, ses ouvriers, ils jugent pouvoir, avec le concours de Hitler , livrer le pays entier au fascisme.
Mais le peuple français ne veut pas de la misère de l’esclavage du fascisme.
Pas plus qu’il n’a voulu de la guerre des capitalistes.
Il est le nombre : uni, il sera la force.

Pour l’arrestation immédiate des traîtres
Pour un gouvernement populaire s’appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, établissant la légalité du parti communiste, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s’entendant avec l’URSS pour une paix équitable, luttant pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes.

Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, UNISSEZ VOUS DANS L’ACTION !

Charles Tillon, Gradignan, 17 juin 1940

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Message  yannalan Lun 17 Fév - 13:31

Juste une précision, la mutinerie à laquelle a participé Tillon a eu lieu en Méditerranée, assez loin d ela Mer Noire. Son croiseur transportait les troupes entre l'Italie et la Grèce.

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Message  Babel Lun 17 Fév - 20:11

yannalan a écrit:Juste une précision, la mutinerie à laquelle a participé Tillon a eu lieu en Méditerranée, assez loin d ela Mer Noire. Son croiseur transportait les troupes entre l'Italie et la Grèce.
C'est en effet ce qu'affirme Wiki, que je n'avais pas consultée.

Me fiant à des informations de seconde main, qui semblaient corroborer le souvenir lointain j'avais de son récit de mémoires, La Révolte vient de loin, j'ai employé une formulation pouvant prêter à confusion.

Retour aux sources, donc.

1. JM Krivine :
Tillon est lui aussi un ancien bagnard. La nouvelle de la révolution de la Mer Noire l'atteint alors qu'il est quartier-maître sur le croiseur Guichen voguant dans l'Adriatique. Il a 22 ans.
Comme Marty, il tente de soulever l'équipage et d'exiger le retour au pays. Il est arrêté avec 24 compagnons, jugé par le Conseil de guerre de Brest, et condamné à cinq ans de travaux forcés. Déporté au Maroc, il y frôle la mort.
[Louis Couturier, Les "grandes affaires" du parti communiste français,ch. 2, p. 21-22, Fr. Maspéro éd. Coll. livres rouges, Paris, 1972.]

2. C. Tillon dans ses mémoires parle d'une mutinerie organisée par les marins de son croiseur, née de leur volonté de rentrer en France et de ne pas contribuer à l'envoi de corps expéditionnaires vers la Mer Noire, contre les Soviets :
En transportant des soldats envoyés contre les Soviets, ne tirions pas sur eux par procuration ! Mais sur le Guichen nous étions seuls, privés de l'ambiance d'une révolution, et contraints d'accomplir presque clandestinement ce que les soldats et les marins de la mer Noire avaient décidé au grand jour. Et il nous fallait trouver une voie... Les députés socialistes qui interpellaient à Paris sur les affaires de la mer Noire ignoraient à quel rôle on nous employait entre Tarente et Itéa. Alors on le saurait.
[Charles Tillon, La Révolte vient de loin, ch. 13 "Sur la braise", p. 244,  UGE, coll. 10-18, C. Bourgois. Paris, 1969.]

Ce que le rédacteur de l'article de Wikipedia met en cause, c'est le caractère directement politique, pro-bolchévik, de la révolte impulsée par Tillon sur son croiseur :
Il faut noter qu'il ne faisait partie à ce moment d'aucun mouvement révolutionnaire ou de sympathie pour le bolchevisme et que c'est de sa propre initiative qu'il avait provoqué une mutinerie à bord du Guichen.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Tillon

Alors que, bien entendu, pour Tillon, cela ne fait pas de doute, puisque c'est la matière même de son livre : raconter la naissance et l'enracinement d'une conscience politique communiste.

Qui bidonne ? Tillon, peut-être, qui chercherait à arranger les faits à son avantage. Ce qui pourrait se comprendre, à la lecture de son avant-propos :
Un soir de septembre 1952, les plus proches de mes camarades qui, le matin encore, me tendaient une main apparemment chaleureuse, se muaient en procureurs et en juges pour me déclarer soudain coupable des pires indignités.
(...)
On m'avait dépouillé de trente années d'un passé soutenu d'ambitions légitimes pour les idées auxquelles j'attribuais la densité des hommes dans leur masse. Cette vie-là, assurément, appartenait à un parti que j'avais servi sans réserve pour qu'il naisse et grandisse. Une vie qui ne se renie à aucun prix.
Ibidem, p. 9

L'entreprise de réhabilitation de soi à laquelle il se livre se serait donc faite au prix de quelques entorses à la vérité historique. C'est possible.

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