IVG, contre les idées reçues
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IVG, contre les idées reçues
Un entretien remarquable par le site féministe "les filles des 343 salopes" !
« l’IVG est une solution et on ne prévient pas les solutions, on les utilise. »
Publié le 30 mai 2011 par Les filles des 343
Les filles des 343 vous proposent un entretien avec Sophie Gaudu, gynécologue-obstétricienne, responsable d’une unité d’IVG et de planification familiale dans un hôpital public.
« c’est très gratifiant de participer à l’indépendance des femmes. D’être le professionel qui leur permet de réaliser leur choix. »
Les Filles des 343 : Pouvez-vous, en quelques mots, vous présenter et nous expliquer les activités que vous exercez ?
Sophie GAUDU : Je suis gynécologue-obstétricienne, responsable d’une unité d’IVG et de planification familiale dans un hôpital public depuis 10 ans. En 2010, notre équipe a réalisé 2200 IVG.
Les Filles des 343 : Pourquoi avoir choisi cette spécialité, et spécifiquement la pratique de l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) ?
Sophie GAUDU : J’ai choisi la gynécologie-obstétrique, c’est-à-dire le suivi des grossesses et la pratique des accouchements. J’ai commencé mes études de médecine en 1975. La loi Veil venait d’être votée et c’était une vrai avancée pour les femmes. Quand j’ai choisi l’obstétrique, faire des IVG était une évidence pour moi, j’en ai toujours fait. La responsabilité d’une unité d’IVG m’a été proposée en 2000. Depuis cette date j’ai exercé pour moitié soignant les patientes qui poursuivent leur grossesse pour moitié en soignant les patientes qui interrompent leur grossesse. Mon travail est d’assurer la santé des femmes dans le respect de leurs choix.
Les Filles des 343 : Dans les médias, nous entendons souvent dire que l’IVG n’est pas un acte gratifiant pour le praticien-ne, et pas seulement en termes financiers. Nous avons pourtant rencontré des médecins qui exprimaient un sentiment contraire : pour elles/eux, pratiquer des IVG est un acte gratifiant, elles/ils ont le sentiment d’aider des femmes à faire un choix capital. Et vous, comment vous situez-vous ?
Sophie GAUDU : L’IVG est un acte médical techniquement simple. En ce sens cela peut sembler peu gratifiant. On ne réalise pas une prouesse technique. Mais effectivement c’est très gratifiant de participer à l’indépendance des femmes. D’être le professionnel qui leur permet de réaliser leur choix.
Les Filles des 343 : Certaines idées fausses circulent autour de l’IVG. Il nous semble important de rassurer les femmes à ce propos. En tant que praticienne, pouvez-vous répondre à ces deux affirmations, qui circulent beaucoup, sur Internet notamment…
• l’IVG serait dangereux pour la santé des femmes/l’IVG est un acte chirurgical lourd :
Sophie GAUDU : C’est une contre-vérité. Si on considère les complications médicales, il y a une graduation : le moins dangereux est de ne pas risquer une grossesse et donc d’utiliser une contraception ; puis interrompre une grossesse est moins dangereux que de la poursuivre. Du point de vue du geste chirurgical, ce n’est pas un geste lourd, c’est simple rapide et les complications sont extrêmement rares.
• L’IVG rendrait les femmes stériles :
Sophie GAUDU : C’est aussi une contre vérité. Les avortements clandestins dans les pays ou l’IVG n’est pas autorisée peuvent se compliquer d’infections et donc de stérilité. Mais quand l’IVG est médicalisée, il n’y a pas de risque de stérilité ultérieure. C’est un acte médical très sûr. En France où une femme sur deux fait une IVG dans sa vie, nous avons également la natalité la plus haute d’Europe. Et ce sont les même femmes.
« Je vois dans le discours dominant, relayé même par des gens favorables à l’IVG, « recours à l’IVG égal traumatisme psychologique définitif » un succès des mouvements anti-IVG. »
Les Filles des 343 : À propos d’idées reçues… nous avons mis en place ce blog, « IVG, je vais bien, merci », contre ce que nous pensons être une idée reçue sur l’avortement : l’IVG serait forcément traumatisante et dramatique pour les femmes. Nous pensons que cette description de l’avortement est caricaturale, déformée, et fausse pour une bonne partie des femmes. Vous qui êtes tous les jours au contact des femmes qui avortent, qu’en pensez-vous ?
Sophie GAUDU : Une étude récente parue dans le Lancet est venue confirmer ce que la plupart des praticiens pensaient. C’est l’état psychologique de la patiente avant l’IVG qui détermine son état après l’IVG. Si une femme ne va pas bien avant l’IVG, elle n’ira pas bien après. Je vois dans le discours dominant, relayé même par des gens favorables à l’IVG, « recours à l’IVG égal traumatisme psychologique définitif » un succès des mouvements anti-IVG. C’est sans doute la première et la plus violente des agressions auxquelles vont être confrontées les patientes dans leur parcours. Pour la plupart des femmes que je soigne, l’IVG est un évènement fort, mais pas un drame. C’est une solution à une grossesse malvenue qu’elles ont décidé de ne pas poursuivre. Certaines circonstances sont plus difficiles que d’autre (ruptures, changement d’avis du partenaire, perte d’emploi, violence conjugale…). Mais c’est alors la globalité de la situation qui fait souffrir les femmes.
« l’IVG est une solution et on ne prévient pas les solutions, on les utilise. »
Les filles des 343 : Nous entendons souvent, à propos de l’IVG, qu’il ne faut pas qu’il se « banalise », que ce n’est pas un acte « anodin ». Que vous évoquent ces phrases, que vous avez certainement mille fois entendues ?
Sophie GAUDU : L’IVG est un acte médical fréquent. Une française sur deux y aura recours dans sa vie. C’est donc banal, anodin, non. Aucune patiente n’est contente de se retrouver à ma consultation. Le discours que vous décrivez est un discours culpabilisateur, un discours anti IVG qui avance masqué. Il y a aussi « prévenir les IVG » que l’on entend partout. Cette formule est incroyable et très négative. Littéralement cela sous entends que l’IVG est néfaste en soi, qu’il faudrait la faire disparaitre. Un de nos objectifs est certainement la prévention des grossesses non désirées, que les femmes aient le moins souvent possible besoin d’une IVG. Mais quand elles sont confrontées à une grossesse malvenue, l’IVG est une solution et on ne prévient pas les solutions, on les utilise.
Les Filles des 343 : Nous recevons beaucoup de témoignages de femmes nous décrivant la violence verbale ou l’extrême froideur des médecins les « accueillant » pour une IVG. Par ailleurs, beaucoup nous décrivent des situations de douleurs physiques non soulagées par le personnel médical. Que pensez-vous de tout cela ?
Sophie GAUDU : Je pense que l’on fait bien ce que l’on fait souvent, par choix et avec des moyens suffisants. Il faut donc maintenir des structures dédiées avec du personnel volontaire et formé.
Les Filles des 343 : Pour continuer sur la question des douleurs physiques, il nous semble, à travers les témoignages reçus, que l’IVG médicamenteuse est une technique qui, actuellement, occasionne souvent de plus fortes douleurs physiques aux femmes que l’IVG chirurgicale. Pourquoi ? Comment éviter ces douleurs ?
Sophie GAUDU : Oui, avec l’IVG médicamenteuse il y a des contractions utérines souvent douloureuses. C’est le procédé même d’IVG qui provoque une expulsion, alors que la méthode chirurgicale est une aspiration. Mais une prescription de médicaments anti douleur doit être prévue. Il faut commencer ces médicaments avant de prendre le misoprostol (Gymiso ou Cytotec), médicament qui va provoquer les contractions. Les douleurs augmentent avec l’âge de la grossesse. C’est entre autres à cause de ces douleurs que l’IVG médicamenteuse est déconseillée après 9 semaines d’absence de règle (aménorrhée).
« Je crains que les femmes ne s’orientent vers l’IVG médicamenteuse par défaut et non par choix. »
Les Filles des 343 : L’IVG médicamenteuse semble de plus en plus privilégiée en France… Vous co-présidez le REVHO (Réseau Entre la Ville et l’Hôpital pour l’Orthogénie), réseau qui permet aux femmes d’avoir recours à une IVG médicamenteuse avec leur médecin de ville, c’est-à-dire d’avorter en dehors d’un établissement de santé.
Cette possibilité est-elle un élément de choix supplémentaire — et ne craignez-vous pas qu’elle ne se substitue, à terme, à l’IVG en établissement de santé ?
Pensez-vous que cette « nouvelle manière d’avorter » en ville est une avancée pour les femmes ?
Sophie GAUDU : Lorsque la loi de 2001 a autorisé l’IVG hors établissement de santé, j’y ai vu, avec un certain nombre de mes collègues, un choix supplémentaire pour les femmes. C’est une méthode très sûre. Jusqu’à 7 sa et si c’est le choix de la patiente, avec un bon descriptif de ce qui va se passer et des médicaments contre la douleur, cela permet de faire l’IVG dans son intimité, accompagnée de la personne que l’on veut. Et nous avons crée le réseau REVHO pour augmenter l’offre de soins et offrir cette possibilité aux femmes. Mais 7 ans après les décrets d’application je suis inquiète car je constate, du moins en région parisienne, que les places pour les IVG chirurgicales diminuent chaque année. Les restructurations hospitalières aggravent le phénomène. Je crains que les femmes ne s’orientent vers l’IVG médicamenteuse par défaut et non par choix. Cette méthode ne doit pas être imposée, elle ne convient pas à toutes les femmes même à des termes précoces.
Les Filles des 343 : L’hôpital est de plus en plus soumis à des questions de rentabilité financière. N’y a-t-il pas un risque, dans ce contexte, de voir les femmes orientées à tout prix vers l’IVG médicamenteuse, à la place de l’IVG chirurgicale ? Nous pensons notamment au cas du CHU de Strasbourg, où plus de 95% des IVG sont médicamenteuses… (Peut-on parler d’un choix des femmes avec un tel taux ?)
Sophie GAUDU : Je suis très opposée à la méthode médicamenteuse après 9 semaines d’aménorrhée. C’est long, en moyenne 4 à 7 heures. C’est très douloureux, la haute autorité de santé recommande qu’une péridurale soit possible à la demande. Dans 10% des cas il faut aspirer au bloc opératoire car l’expulsion n’est pas complète. La patiente expulse fœtus et placenta comme un mini accouchement. Je n’y vois que souffrance physique et, alors là oui, psychologique pour les femmes. Alors qu’une aspiration chirurgicale sous anesthésie locale ou générale dure moins dix minutes même à 14 semaines d’aménorrhée et c’est infiniment moins douloureux. Mais on peut se passer de médecins formés, de blocs opératoires. C’est certainement moins couteux. Le processus est surveillé par des sages-femmes ou des infirmières ; des histoires de femmes en quelque sorte.
« je trouve que globalement [les femmes] gèrent rudement bien leur contraception »
Les Filles des 343 : À travers les témoignages reçus sur le blog, nous avons le sentiment que les femmes se sentent souvent coupables de ne pas avoir su éviter une grossesse, qu’elles ont un peu honte d’avoir « mal géré leur contraception ». Qu’en pensez-vous ? Que leur diriez-vous ?
Sophie GAUDU : Je leur dirai qu’aucune méthode de contraception n’est efficace à 100%. ; qu’elles n’avaient peut être pas trouvé la méthode qui leur convenait ; que c’est complexe le désir et le non désir d’enfant. Les françaises font en moyenne 2 enfants et 0,4 IVG. Cela fait 2,4 conceptions, toujours en moyenne, pour toute une vie de partie de jambes en l’air. Alors, je trouve que globalement elles gèrent rudement bien leur contraception.
Les Filles des 343 : Vous souvenez-vous d’une histoire, d’une rencontre avec une ou plusieurs femmes désirant avorter, qui vous a marqué et que vous voudriez nous faire partager ?
Sophie GAUDU : Il y en a plein des rencontres marquantes dans ces consultations là. Je disais plus haut que le geste est techniquement simple. Mais le service rendu est important et c’est très satisfaisant.
Les Filles des 343 : Voudriez-vous ajouter quelque chose ?
Sophie GAUDU : merci à votre blog. L’IVG est un droit fragile. Je ne pense pas qu’il sera remis en cause par le législateur. Les nouvelles atteintes à l’IVG sont la pensée unique sur le traumatisme post abortif, les fermetures et les réductions de moyens pour les centres d ‘IVG et de planification, et le tout médicamenteux.
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
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Re: IVG, contre les idées reçues
Un lien, un lien !!
Gauvain- Messages : 764
Date d'inscription : 23/06/2010
Localisation : 75/78
Re: IVG, contre les idées reçues
http://blog.jevaisbienmerci.net/
ELEA- Messages : 14
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